L’actualité du journalisme ressemble de plus en plus souvent à une chronique judiciaire. La disparition aussi brutale que soudaine du site de vérification des faits « Facts & Furious » sera peut-être suivie par des procès intentés à l’encontre de certains de ses détracteurs, suite à des plaintes déposées par son ancien dirigeant. Nous faisons un point d’étape sur cette affaire dont le buzz dépasse désormais les réseaux sociaux.
Facts & Furious, fausse agence de vérification
La société Facts & Furious avait jusqu’à sa disparition récente comme objectif affiché de lutter contre la désinformation, en réalisant des « fact-checkings », des vérifications de faits, comme le font certains services spécialisés de médias de grand chemin, comme l’AFP Factuel, Checknews de Libération, Vrai ou Fake sur France Info, etc..
Le différend qui oppose l’ancien dirigeant de la société Facts & Furious à Idriss Aberkane et Xavier Azalbert de France soir s’inscrit dans le contexte plus large de l’opposition à la politique sanitaire du gouvernement en matière de lutte contre le Covid-19. D’un côté, les uns sont taxés de complotistes, de l’autre, les autres sont accusés de défendre une parole officielle qui a plusieurs fois été démentie (non transmission du virus par les personnes vaccinées, etc.).
Un enchainement des faits rapides
Le 22 novembre 2022, Idriss Aberkane interviewe Mallika Daoust, l’ancienne compagne d’Antoine Daoust, lui-même ancien président de “Facts and Furious”. Idriss Aberkane indique que « Mallika, que nous interviewons, a voulu lancer l’alerte concernant le fonctionnement de Fact and Furious, comme personne morale (…) Ce que nous démontre Mallika, c’est l’existence la plus vraisemblable d’un réseau d’influence, d’une collection d’officines qui se présentent comme indépendantes mais qui en réalité travaillent de la façon la plus coordonnée dans le but de discréditer des cibles identifiées à l’avance. Selon elle, dans ce réseau, “Fact and Furious” n’aura été qu’un pion de plus, manipulé plus que manipulateur ».
Au cours de l’interview, Mallika Daoust y fait quelques déclarations peu amènes sur son ancien compagnon et sa pratique professionnelle.
Le lendemain, André Bercoff reçoit lors de son émission quotidienne sur Sud radio Idriss Aberkane pour qu’il s’exprime au sujet des déclarations de Mallika Daouste.
Peu de temps après, le site internet de la société Facts and Furious est fermé, tout comme disparait la notice de l’entreprise de fact-checking sur l’encyclopédie en ligne Wikipédia.
Sur Twitter, l’économiste Philippe Murer réagit : « Le fondateur de Fact and Furious, interdit bancaire, violences conjugales, sans aucune compétence, sans expérience ni qualification journalistique devient en 1 mois factcheckeur validé par l’AFP, cité par tous ces médias AFP, Reuters, Libé, Le Parisien, France Info, Le Monde ».
Le 28 novembre, par souci de donner une parole contradictoire, André Bercoff interviewe lors de son émission Thomas Durand, un fact checkeur qui serait également ciblé par la « campagne de dénigrement », comme la qualifie Conspiracy watch, afin de lui permettre d’apporter sa version des faits.
Antoine Daoust publie sur compte Twitter avant de le supprimer un communiqué de presse daté du 26 novembre dans lequel il indique notamment subir une campagne de harcèlement depuis plusieurs mois. Il annonce également avoir procédé à la dissolution de Facts & Furious le 10 novembre et avoir déposé des plaintes, sans préciser à l’encontre de qui.
Dans un article du 28 novembre, le site France Soir consacre un long article à la société “Facts and furious”. Après un développement sur les relations entre Antoine Daoust et son ancienne compagne, l’activité de la société est enfin abordée. Son ascension rapide est soulignée, tout comme son adoubement par des médias de grand chemin connus. Le journaliste de France Soir indique que rapidement après la création de la société, le ministère de la Culture lui a délivré un certificat « IPG » « lui octroyant le précieux statut de site « d’information politique et générale ».
Riposte immédiate
Les réactions à gauche ont été également rapides. Le 26 novembre, le site Conspiracy Watch publie un billet critique vis-à-vis de Xavier Azalbert et d’Idriss Aberkane. Dans celui-ci sont dénoncées des « pseudo-révélations » et « une campagne de dénigrement des « fact-checkeurs » par la « complosphère ».
2 jours plus tard, Libération consacre un article aux « dérives et les coups tordus de la sphère complotiste française ». Il est résumé de la façon suivante dans le chapeau : « Depuis une semaine, le youtubeur Idriss Aberkane et la plateforme conspirationniste France Soir concentrent leurs attaques sur un petit site indépendant de fact-checking. Une offensive, selon nos informations, qui s’est doublée d’une tentative de France Soir de mettre la main sur la publication ».
On y apprend qu’« Antoine Daoust, qui avait déjà porté plainte contre son épouse, annonce avoir également porté plainte contre Idriss Aberkane et Xavier Azalbert, ainsi que son intention d’attaquer également Didier Raoult pour avoir relayé la vidéo le mettant en cause ».
Sur Twitter, on apprend le 25 novembre par Manoutella que « @citoyencovid a exhumé 271k fichiers de l’ordinateur de @DaoustMalika, (…). Analyse en cours avec @france_soir ».
Que cache le scandale #Daoust, cette affaire mafieuse de blanchiment de fausses informations ?@citoyencovid a exhumé 271k fichiers de l’ordinateur de @DaoustMalika, qui n’aime pas prendre des torgnoles et entendre dire qu’elle ment.
Analyse en cours avec @france_soir pic.twitter.com/koBfVgAQL1— Mounotella (@Mounotella) November 25, 2022
Épilogue judiciaire
Dans cette affaire, la confrontation d’idées sur la réelle plus-value et le rôle des sites et services de fact-checking aura-t-elle lieu après le travail d’analyse des fichiers de Fact & Furious, présenté comme étant en cours ? Ou n’y aura-t-il simplement que juxtapositions de réquisitoires au tribunal, pour que le juge tranche s’il y a eu diffamation ou toute autre incrimination pénale ?
Force est de constater que l’actualité des médias tourne décidément de plus en plus souvent à la chronique judiciaire. Les plaintes déposées suite à des affaires médiatisées se multiplient ces derniers temps. On pense aux quatre plaintes déposées récemment par le député LFI Carlos Martens Bilongo, une pour “injures publiques” et trois pour “diffamation”, suite à « l’affaire de Fournas », largement médiatisée et montée en épingle.
On peut également citer à la suite de l’émission Face à baba sur C8 le 21 octobre les plaintes déposées par Nadiya Lazzouni contre Nadine Morano, Hassan Chalghoumi et Gilles Platret pour diffamation et injure publique, et Albert Nollet de Riposte laïque pour diffamation, injure publique, incitation à la haine raciale et à la discrimination.
Une note d’humour cependant : la « famille France Soir » annonçait le 28 novembre la naissance – limitée pour le moment à un compte Twitter — de Facts and Serious, un site où, selon ses créateurs « l’intelligence individuelle et collective sera mise au service d’un “factchecking” collaboratif et participatif : “le CrowdFactChecking” ».