Factuel, lancé par le spécialiste des médias à succès Stéphane Simon, n’aura pas réussi à attirer les dix mille abonnés nécessaires à sa survie. Selon Le Figaro, il va être mis en liquidation avec l’espoir qu’un repreneur s’y intéresse. 15.000 lecteurs gratuits (sur une partie du contenu), un ton neutre et le parrainage de Christine Kelly n’auront pas suffi. Nous reprenons notre article du 15 avril 2023 annonçant le lancement de Factuel et les risques associés.
Factuel : face à la défiance des médias, (encore) un nouveau média
C’est une tendance paradoxale que l’on peut observer dans le paysage médiatique français. À mesure que se développe une défiance à l’endroit de la presse, de nouveaux médias fleurissent. Le dernier en date s’appelle Factuel et voit le jour sous le double patronage de la journaliste de CNews Christine Kelly et du consultant police-justice de BFMTV Dominique Rizet.
Des faits et de la transparence
Factuel (factuel.media) entend se différencier en s’en tenant aux faits, en fouillant les données et en travaillant sur des documents bruts. Une volonté d’équilibre et de transparence. Les deux têtes d’affiche Christine Kelly et Dominique Rizet, probablement conscients du parti pris qui peut exister chez leurs employeurs respectifs entendent ainsi tenter de créer un média réellement non partisan.
Le rédacteur en chef, Romain Renner a été débauché au Figaro et dispose d’effectifs composé d’une vingtaine de journalistes et de pigistes « représentant la diversité des grands médias nationaux et régionaux ». La rédaction s’articule autour de cinq pôles : France, Fait divers, international « éco-conso » et culture média. Une section blog complète ces différents domaine et devrait laisser peut-être plus de place à de l’opinion.
Une première enquête a été publié en forme de produit témoins sur la RATP. Le dossier est assez bien ficelé mais il faudra probablement du plus « croustillant » pour gagner des abonnés.
Un financement transparent mais pas que
Sans publicité et misant sur les abonnements, Factuel fait le même pari que L’informé lancé en septembre avec le financement de Xavier Niel : créer un média payant à l’heure de l’information gratuite. Des investisseurs privés ont cependant mis la main au portefeuille pour permettre la création du média. Il est assuré par le directeur général du journal Hugues de Foucauld que ceux-ci ne participeront pas aux décisions éditoriales mais leur nom n’a pas filtré… cela marque une limite, même légère, à l’indépendance. Une limite qui touche tous les médias dans des mesures certes très différentes.
L’offre d’abonnement est fixé à 50 euros pour 6 mois 50 euros, 90 euros pour un an 160 euros pour deux ans. L’abonnement Club est lui à 300 euros pour deux ans et Fondateur 1500 euros 10 ans
Ces deux derniers donnant accès à des privilèges particuliers. Début avril, ils étaient un demi-millier à s’abonner à une des formules. Encore loin de l’objectif audacieux de 10 000 annoncé sur le site pour le lancement prévu le 10 mai. L’objectif est d’atteindre les 25 000 abonnés au bout d’un an.
Un binôme de parrains
Dans sa vidéo d’introduction, Christine Kelly affirme qu’un français sur deux ne fait plus confiance au média 1 sur 4 pense que les journalistes ne sont pas indépendants. Elle l’annonce 100 % digital, original et indépendant. Il veut produire de l’information plutôt que de la reprendre.
Dominique Rizet, journaliste depuis plus de 40 ans, spécialisé dans les enquêtes (international, fait divers…) met « son agence de presse » (Go Fast Press ?) au service de ce média pour son « envol ». Il se présente comme un parrain de l’association. Consultant expert des affaires policières et judiciaires depuis 2012. En 2015 il avait défrayé la chronique en révélant en direct que les otages étaient cachés dans la chambre froide de l’hypercasher de la porte de Vincennes, mettant en danger ceux-ci. Une erreur pour laquelle il a nourri des regrets.
Le risque de l’étiquetage à droite
Christine Kelly est une proche d’Éric Zemmour et travaille sur la chaîne Cnews souvent considéré comme « de droite ». Dominique Rizet, lui, est colonel de réserve dans la gendarmerie et entretient une certaine proximité avec le monde policier. Proximité professionnelle indispensable pour son activité de consultant et plus anciennement pour ses enquêtes mais aussi proximité très poussée à considérer son travail d’animation lors d’un congrès du syndicat de police Alliance. En prenant pour rédacteur en chef un ancien du Figaro, le nouveau média imprime également un penchant qui ne manquera pas d’être soulevé par ses détracteurs.
Les deux fondateurs de Factuel sont Sami Biasoni et Stéphane Simon. Le premier est auteur et contributeur chez Front Populaire, le second est connu du monde médiatique. Fondateur avec Michel Onfray, de Front Populaire et éditeur des web tv de personnalité comme André Bercoff, de Gilles-William Goldnadel et dans un autre style Aymeric Caron.
Les deux compères étaient déjà à la manœuvre pour créer Néo avec un certain succès.
Toujours plus de médias
C’est un phénomène étonnant qui se déroule depuis une dizaine d’années. L’accroissement du nombre de média à mesure que ceux-ci sont l’objet de vives critiques par le public. Que se soit des web-télés (TV Libertés, Le Media), des revues (Front Populaire, L’Incorrect) ou des média uniquement vidéo comme Brut (2016), Loopsider (2018), Neo (2020) ou plus récemment Réel (2023), l’offre est de plus en plus vaste. Une multiplication des supports avec des méthodes, des idées et des financements très variés mais qui assure le pluralisme grâce à la technique.
Reste à voir qui tiendra sur la durée et dans quelle mesure leur développement permettra ou non à tous de trouver une place dans le paysage médiatique.