L’Obs vient de surprendre et parfois choquer la planète médiatique. L’information n’est pas mince tant l’hebdomadaire libéral libertaire nous avait habitués à ne surtout faire aucune vague. L’Obs, on t’a fait bobo à la tête ?
Que se passe-t-il à L’Obs ? Dans son édition numéro 2775 datée du 11 janvier 2018 l’hebdomadaire a proposé à ses lecteurs une couverture telle qu’il n’en produisait plus depuis longtemps. Gentillet, soft et sympa, le magazine lib lib se contentait de couvertures consensuelles. Celle du 11 janvier fait polémique. Elle présente la France comme un camp retranché anti migrants. Le dossier porte sur la politique migratoire annoncée par le gouvernement. Bien sûr, avec la suivante, celle de la semaine du 18 janvier 2018, L’Obs est rentré dans le rang en faisant sa Une sur un entretien inédit avec Elsa Ferrante, l’écrivain à succès dont personne ne sait qui elle est véritablement, et qui normalement ne parle pas.
Barbelés concentrationnaires et Macron à la Une !
C’est évidemment plus consensuel et moins politique que de publier une photo de Macron entouré de barbelés en Une. La charge est forte. La mise en scène de cette Une ne peut que donner à penser ceci : le président Macron, à la réputation pourtant justifiée d’humanisme, peu soupçonnable de xénophobie ou de racisme, transformerait la France en une sorte de système concentrationnaire, un camp au-dessus duquel ne serait pas inscrit Arbeit Macht Frei mais « Migrants ». Ce dernier mot étant étrangement présenté comme s’il s’agissait d’un panneau routier ou de celui placé à l’entrée d’une commune. Sur Twitter, de nombreux messages postés en commentaires de cette Une font remarquer, sans doute à juste titre, que cette couverture peut être perçue comme douteuse, le président Macron ayant un physique très européen ; d’autres n’hésitent pas à dire qu’il ne manque à cette couverture qu’une casquette et une moustache. Difficile en effet de croire à une erreur de la part d’un magazine aussi expérimenté que L’Obs. À l’évidence, l’hebdomadaire d’habitude si sage et soucieux de ne pas trop brusquer son public, a décidé de référer à l’Allemagne nazie en publiant cette Une, laissant ainsi entendre que la politique annoncée par Emmanuel Macron et son ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, en matière d’immigration serait comparable à la politique antisémite menée par les nazis contre les juifs, les tziganes, les homosexuels, les chrétiens catholiques, les francs-maçons, nombre de leurs opposants, dont certains révolutionnaires conservateurs. Cette manière, pour un Obs jusque-là plutôt ouvertement pro-Macron, de plonger la tête entière dans les miasmes du point Godwin a ainsi pu surprendre. La couverture étant de plus accentuée par les noms de signataires de textes, Le Clézio, perçu comme une « conscience morale » de la gauche universaliste à Paris, ou Boucheron, l’historien tête de gondole du combat contre le réel d’une histoire de France aux racines chrétiennes, européennes, blanches, etc – Boucheron est persuadé que l’histoire de France vient d’ailleurs, un peu comme la « vérité » dans X‑Files, et penche plutôt pour les théories du « racisme d’État » de la République française que pour celle d’une France à l’avant-garde de l’ouverture sur le monde. L’Obs a donc choisi de donner de la surface à ce genre de personnage, déjà fort médiatisé, et de diffuser une fake news tout à fait extraordinaire : le président Macron serait un homme politique comparable aux nazis. La volonté (discutable) de Monsieur Macron de lutter contre les fake news profitera-t-elle de cette occasion pour entrer en action ? Sanctionner L’Obs serait ainsi un point de départ intéressant et amusant. On imagine ce qui se passerait si une image pareille avait été mise en ligne par RT France par exemple. Reste que ce qui est induit par cette couverture est en tout cas à l’origine d’une nouvelle polémique au sein du milieu politico-médiatique parisien.
Macron derrière les barbelés
La capitale est en émoi. En toute objectivité, reconnaissons-le : la couverture de L’Obs est mensongère : qui peut croire un instant qu’Emmanuel Macron, président de la société ouverte, peut être assimilé à ce genre de sous-entendus, néanmoins gros comme le nez de Cyrano au milieu de la figure. Le titre de cette couverture peut de même choquer en ce qu’il sous-entend à son tour : ce « Bienvenue au pays des droits de l’Homme » laissant ainsi entendre que la France ne serait pas ce pays. Qu’elle le soit ou non, qu’elle le soit assez ou pas, tout cela peut bien sûr être débattu ; mais qu’elle le soit si peu, que la comparer à l’époque où des camps de concentration existaient en Europe est simplement une bêtise. La réaction enflait à partir du 19 janvier, nombre d’observateurs et de médias titrant sur un thème du type « Macron derrière les barbelés », la couverture pourrait « coûter sa place au directeur de L’Obs ». Surprenante façon de lire l’image de cette couverture, laquelle n’enferme pas le président derrière des barbelés mais l’accuse de faire de la France un camp retranché anti migrants, sur fond de références douteuses.
Selon Libération, le 19 janvier 2018 : « Les jours de Matthieu Croissandeau à la tête de l’hebdomadaire détenu par le duo Xavier Niel et Matthieu Pigasse semblent comptés. La rumeur d’un départ imminent du directeur de la rédaction, qui ne s’est jamais remis de la motion de défiance votée contre lui en 2016, agite beaucoup en interne. Et d’autant plus depuis que, dans l’édition de cette semaine, le cofondateur du titre et gardien du temple, Jean Daniel, a pris la plume pour tancer le choix de couverture de la semaine précédente montrant le visage d’Emmanuel Macron entouré de barbelés ». Il n’est en effet pas banal de voir le fondateur d’un hebdomadaire s’en prendre à la Une de son propre magazine, qui plus est sur le site de L’Obs, en termes très clairs : « Je ne supporte pas de voir la tête de notre président entourée de barbelés, avec le choix de les subir ou de les imposer ». Il insiste, indiquant ne pas supporter que le président de la République soit ainsi présenté tel un « tyran ». La charge, venue de Jean Daniel, n’est pas mince. Peu après, rapporte 20 Minutes, le délégué général de LREM, Christophe Castagner, indiquait que cette couverture « ne correspond pas à la réalité ». Autrement dit, c’est une fake news. Et cette polémique traduit clairement la problématique actuelle, voyant des médias amplement producteurs de fausses nouvelles être dans le même temps considérés comme devant être protégés, et utilisés pour lutter contre ces mêmes fausses nouvelles. Matthieu Croissandeau a tenté de justifier la couverture polémique, dans un communiqué publié à côté de celui de Jean Daniel. Il dit avoir voulu une couverture choc pour une situation choc, celle faite aux migrants, laquelle traduirait un reniement par la France de ses valeurs liées aux droits de l’Homme.
L’observateur impartial peine à croire que ce genre de point de vue, tellement éloigné de la réalité de ce qu’est la France actuelle, en particulier concernant sa politique migratoire, la croissance de l’accueil des migrants, leur prise en charge dans tous les domaines, de l’école à la nourriture en passant par la médecine ou un revenu, puisse en effet conduire un tel journaliste à être nommé à la tête d’un hebdomadaire historique tel que L’Obs. Il doit être possible ( ?) de trouver des journalistes moins imprégnés de propagande de bas étage pour diriger une telle publication. Encore faudrait-il oser sortir du copinage parisien-parisien, et chercher des talents qui soient en même temps des esprits libres, capables de finesse intellectuelle. Cela n’existe plus guère dans le monde lib lib (libéral libertaire), mais peut aisément se trouver dans les médias dits alternatifs. La direction de L’Obs osera-t-elle relancer son magazine en jouant la liberté ? Pas certain. Le nom de Claude Askolovitch circule, c’est dire combien on apprend peu de ses erreurs dans la France médiatique contemporaine.
Crédit photo : L’Obs. DR. Montage : Ojim