Le divorce entre les peuples et les gouvernants ne cesse de s’étendre à toute l’Europe de l’Ouest. À l’instar de ce que son collègue français, François Hollande, a pu expérimenter à plusieurs reprises lors des fêtes du 14 juillet, c’est une mauvaise surprise qui attendait la chancelière allemande Angela Merkel (CDU, Union Social-Démocrate), le président de la RFA Joachim Gauck (SPD) et le maire de Dresde Dirk Hilbert (CDU), à l’occasion de la célébration du Tag der deutschen Einheit (jour de l’unité allemande) à Dresde.
Leur arrivée a en effet été saluée par une foule houleuse, qualifiée de Pöbel (« populace ») par le monde politico-médiatique, laquelle a sifflé ses dirigeants, a vociféré des slogans hostiles et des injures (Volksverräter = traîtres et Haut ab! = dégagez !), et a brandi des pancartes Merkel muss weg « Merkel dehors »). La présence d’un homme de couleur aurait été saluée par des cris de singe et des appels au renvoi. Une des femmes politiques qui accompagnait la chancelière a même fondu en larmes.
Dachschaden des Tages:
“Merkel muss weg” ist für Superbrain Thomas Schmid “Sprache des Dritten Reiches”.https://t.co/LH6yJF5Fcc— Kolja Bonke (@BonkeKolja) 5 octobre 2016
La présence de Lutz Bachmann, le très médiatique fondateur du mouvement anti-islam PEGIDA, qui a dû récemment s’exiler en Espagne du fait des nombreuses actions judiciaires lancées à l’encontre de son mouvement, a été remarquée parmi les manifestants. Le fait que l’Allemagne renoue avec l’existence de dissidents et d’exilés politiques comme aux temps des dictatures national-socialiste et communiste permet de dire que l’affirmation du président du Bundestag (parlement fédéral), Norbert Lammert (CDU), en vertu de laquelle « Jamais la démocratie ne s’est aussi bien portée en Allemagne » (Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), 03/10/2016), est une contre-vérité. La démocratie a en effet souffert ces dernières années des assauts combinés de l’idéologie multiculturelle (« multikulti » en allemand), et du transfert de prérogatives régaliennes vers la Commission Européenne non-élue, sorte de coup d’État contre la Grundgesetz (loi fondamentale allemande). Le transfert de prérogatives constitutionnelles du pouvoir législatif vers un organe non élu n’a en effet en rien été un fait politiquement anodin ; c’est techniquement, toutes choses étant égales par ailleurs, bel et bien ce qui s’était déjà passé lors de la promulgation de la fameuse Gesetz zur Aufhebung der Not von Volk und Reich du 24 mars 1933 (loi de prévention de la détresse du peuple et du Reich), par laquelle le chancelier du Reich Adolf Hitler se transférait à lui-même les prérogatives du Reichstag, ouvrant ainsi la voie – avec d’autres mesures législatives — à l’instauration de la dictature nazie. Des faits soulignés par le parti démocrate, libéral, eurosceptique et islamosceptique AfD, dont les critiques ont été bien accueillies parmi une partie croissante des électeurs allemands.
La chancelière s’est montrée plutôt vexée et a appelé « au respect réciproque et au dialogue » en soulignant « Je souhaite personnellement que nous résolvions ces problèmes ensemble, dans le respect réciproque et l’acceptation d’opinions politiques très divergentes, et que nous trouvions de bonnes solutions ». Un renvoi classique au consensus, mais qui pour le coup sonnait creux.
L’allocution du ministre-président de l’état fédéral de Saxe, Stanislaw Tillich (CDU), dans lequel celui-ci a souligné « éprouver de la honte que des gens puissent appeler à la haine et la violence », ce qui serait « méprisant pour l’humanité et profondément antipatriotique », montre que le dialogue de sourds est bien loin d’avoir pris fin.
Pas moins d’une douzaine de manifestations étaient prévues à l’occasion d’une fête nationale placée sous le signe de la plus haute surveillance, 2600 fonctionnaires de police ayant été mobilisés pour l’occasion. Depuis l’extrême-gauche islamo-gauchiste à PEGIDA et à l’organisation récemment créée Festung Europa « Forteresse Europe », la désunion allemande s’est étalée au grand jour dans la rue comme jamais. Des mosquées et des postes de police avaient fait l’objet d’attaques incendiaires ciblées quelques jours auparavant.
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Sources :
- Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), 03/10/2016
- Süddeutsche Zeitung (SZ), 03/10/2016
- Die Welt, 03/10/2016
Crédit photo : Fred Jaugstetter via Wikimédia (cc)