Si la dissolution progressive (et s’accélérant) de la fin de l’empire Lagardère avait besoin d’un signe, celui-là est de taille. Ramzi Khiroun, véritable numéro deux d’Arnaud Lagardère a quitté le groupe cet été.
Chauffeur, garde du corps, et un peu plus pour DSK
Le natif de parents d’Afrique du Nord à Sarcelles n’avait rien pour lui, pas de relations, peu d’éducation, mais du culot et jamais froid aux yeux sur les moyens à employer. La légende veut qu’il ait abordé Dominique Strauss-Kahn alias DSK au débotté en 1999, en bloquant sa voiture pour lui proposer ses services. De chauffeur à garde du corps, de garde du corps à homme de confiance, d’homme de confiance à homme des missions de l’ombre, n’hésitant pas à employer tous moyens pour défendre son patron. C’est lui qui met en place la défense de DSK quand celui-ci est soupçonné de fausses factures autour de la mutuelle étudiante, la MNEF. C’est aussi lui qui éteint les feux lorsque DSK a un peu malmené une jeune et jolie proie. C’est toujours lui qui volera à New-York pour essayer de sauver son donneur d’ordres pris dans la tempête d’une accusation de viol, affaire qui se terminera par une transaction financière et mettra fin à la carrière politique de DSK.
De DSK à Havas et retour
L’affaire de la MNEF terminée, Jospin est battu en 2002 par Jacques Chirac et DSK qui se voyait premier ministre se retrouve simple député. Il emploie alors Khiroun comme assistant parlementaire responsable des relations avec la presse, mais le salaire est maigre. Il est alors présenté à Stéphane Fouks de l’agence Havas qui le prend sous son aile au sein d’Euro RSCG. Khiroun se retrouve au carrefour de la communication et de la politique.
Khiroun est toujours au service de DSK ; selon un propos de Christophe Barbier cité dans une enquête de Marianne, il « représente la face sombre » du quasi candidat à la prochaine élection présidentielle. Il « aime bien passer pour le porte-flingue » et n’hésite pas à menacer des journalistes de boycott – une fois DSK élu – s’ils n’emploient pas le ton respectueux de mise pour celui que certains voient bientôt à l’Elysée. Manqué, DSK est battu à la primaire socialiste et Ségolène Royal est elle-même battue par Sarkozy.
Divine surprise, Sarkozy pousse la candidature de DSK au FMI de Washington et celui-ci part s’installer en septembre 2007. Khiroun sera sur la photo mais reste à Paris.
Puis Lagardère
C’est à ce moment ou un peu avant qu’il est présenté à Arnaud Lagardère, soit par l’entourage DSK soit par celui d’Havas. Il y prend le rôle de gestionnaire de crise, Arnaud Lagardère de caractère plus léger étant mal à l’aise dans ces situations. Il interviendra entre autres dans une affaire de délits d’initiés autour d’EADS en 2007, dans l’affaire Richard Gasquet le tennisman vedette du Team Lagardère soupçonné d’usage de cocaïne en 2009 et défendra le groupe des attaques des actionnaires américains contre la gouvernance hasardeuse du groupe. Il deviendra le porte-parole du groupe et son véritable numéro deux, avec les revenus correspondants (voir encadré ci-dessous).
Voir aussi : Salaires dans le groupe Lagardère, du très lourd
Et un procès perdu contre l’Ojim
Le 4 mai 2018 nous avions publié un article consacré au segment médias du groupe Lagardère où Monsieur Khiroun était cité (mal orthographié) de manière tout à fait anecdotique et adjacente sur quelques lignes. Vous trouverez cet article ici. Sa teneur a alors déplu à Monsieur Ramzi Khiroun qui nous a attaqué pour « injures publiques ». Les instructions judiciaires sont longues, plainte en 2019, première audiences à la XVIIème chambre en 2020, plaidoiries en 2021.
Notre avocat avait plaidé l’annulation de la procédure pour des raisons de forme, la plainte ne reprenant pas exactement les termes incriminés dans l’article. L’avocat de Ramzi Khiroun (en réalité l’avocat de Lagardère qui semblait régler les frais) avait réclamé de manière étonnante, une « décision audacieuse », invoquant la date particulière du jour des plaidoiries le premier avril (sic) 2021. Le tribunal a annulé la plainte.
Ramzi Khiroun a été décoré de la légion d’honneur en 2014 par François Hollande, sous le regard complice de Nicolas Sarkozy, invité d’honneur. Gageons qu’il saura rebondir, ses talents réels et divers pouvant servir à d’autres.