Franz-Olivier Giesbert est la grenouille météo de la rumeur orientée. Dès que quelque chose ou quelqu’un paraît nécessaire, dès qu’il a entendu dire, dès qu’on lui a suggéré de dire, qu’un personnage devenait à la mode ou indisposait tout le monde, il joue le rôle du bouffon qui profère la vérité obligatoire du moment. Il grimpe sur l’une des nombreuses échelles que le système a mis à sa disposition et nous explique où vont les nuages. Certains amuseurs profèrent des incongruités. Lui ce sont des jugements recommandés, qu’il recueille à la sortie des dîners du Siècle, dans les studios du service public et les antichambres ministérielles.
Titrer sa chronique dans Le Point sur la « Juppémamia » (lien abonnés), après quinze jours de campagne journaux-télé en faveur du rassembleur septuagénaire qui ne rassemble pas (cf le meeting Sarkozy à Bordeaux), ce n’est pas très original mais cela peut rapporter gros. D’une manière générale quand Franz-Olivier Giesbert fait une sortie en fin d’émission ou en tête de colonne on ne se demande pas ce qui lui prend mais qui l’a envoyé. On l’a vu récemment vengeur à propos des dissensions de la Droite, comme Alexis Brézet dans Le Figaro lors de l’affaire Fillon-Coppé mais, hélas, pour les mêmes raisons. Il est difficile en effet de ne pas voir dans leur affectation d’indignation autre chose qu’un plan concerté de leurs nombreux soutiens dans les milieux d’affaires. En ce moment visiblement, le monde de l’Économie aimerait porter au pouvoir un homme de droite aussi malléable que possible, et les socialistes concourent à ce projet vu le désastre qui les attend. C’est avec Juppé qu’ils sont susceptibles de perdre le moins d’influence dans les années futures. C’est avec lui que les agents d’influence seront sûrs de pouvoir continuer à gouverner comme ils l’entendent.
L’ activité télévisuelle de l’homme-lige de ce gouvernement de l’ombre mérite un mot car, dans un milieu où les places sont très chères et où les faibles audiences se paient très rapidement, il persiste à jouer, à fonds publics perdus, les chroniqueurs “culture” dans l’indifférence générale. Ceux qui ont fréquenté ses plateaux peuvent témoigner qu’il tutoie ministres et maquilleuses avec la familiarité bienveillante de celui qui n’a rien à craindre de personne. On sent l’homme protégé par tout un système. Extraits de son CV: “Culture et dépendances”, émission diffusée sur France 3 entre 2001 et 2006, puis “Chez F.O.G.”, sur France 5 jusqu’en 2009. Ensuite il revient à la culture, avec “Vous aurez le dernier mot”, qu’il présente sur France 2 pendant un an, suivie de “Semaine critique !” jusqu’en 2011. Depuis 2012, il présente “Le monde d’après”, un magazine mensuel sur la société et l’économie diffusé sur France 3. En France où la vie publique doit obligatoirement faire un détour par la case littérature, s’ancrer ainsi au carrefour de toutes les idées permet de disposer les panneaux “stop” à sa guise. Notre homme, tout en arborant le large sourire du libéralisme qui n’a rien à cacher, est devenu un expert dans la prévention routière idéologique. Il fait monter dans la lumière tout ce qui frémit au bord de la notoriété, pour renvoyer dans les ténèbres ce qui ne convient pas à ses maîtres. Promouvoir ce qui leur est utile et ménager leurs amis (par exemple on ne l’a jamais vu critiquer BHL, il préfère s’attaquer à Cécile Duflot). Son attitude à l’égard d’Alain Juppé témoigne que ce dernier vient d’être choisi par « les milieux autorisés » (dixit Coluche) comme la solution la moins mauvaise pour préserver le statu quo en France. Mais le peuple, pour la première fois depuis quarante ans, pourrait bien être en mesure d’envoyer Giesbert à la retraite.
Voir le portrait de FOG que l’Ojim lui a consacré
Crédit photo : Thesupermat via Wikimédia (cc)