Le petit nouveau de la presse papier fêtait mercredi 19 janvier son dixième numéro. L’occasion de faire le point sur un journal qui tourne rapidement à sa propre caricature. À travers les dix unes du journal, une tendance s’est déjà, et sans surprise, dessinée.
Beaucoup de facho, un peu d’islamiste
Franc-tireur semble avoir compris la formule Charlie : trois unes contre les cathos ou les fachos autorisent à une « une » contre les musulmans ! Le premier numéro a fait coup double en s’attaquant aux « cathos intégristes de Zemmour » avec comme icône « intégriste » Christine Boutin, ce qui laisse songeur quant à la compréhension de l’Église de France par les auteurs.
Esthétiquement les dessins en une ne parviennent pas à faire sourire comme certains chez Charlie Hebdo, pas de jeux de mots drôles comme les confrères de Libé non plus (lourds mais souvent drôles).
Sur la question de « l’extrême droite » qui inquiète beaucoup les rédacteurs, Franc-tireur a fait dans le recyclage sur le « terrorisme d’ultra-droite ». Un thème éculé et déjà évoqué non sans mal chez leurs confrères de La Croix. Un dossier s’en est même pris à une organisation nationaliste parisienne qui compterait une quinzaine de personnes, les Zouaves Paris, carrément assimilé à des « nazis ». Un dossier traité par Fiammetta Venner, la compagne de Caroline Fourest parce que Franc-tireur c’est aussi une histoire de « famille ». La journaliste expliquera les motivations de ces jeunes garçons par leur « peur de passer pour des pédés ». Une finesse d’analyse déconcertante !
Lubie américaine, tropisme minoritaire et néoconservatisme
Dans le numéro 4, c’est un sujet bien réchauffé qui fait la une : Donald Trump. Plus président depuis un an il hanterait encore les nuits de certains rédacteurs du journal. Le numéro évoque la menace de la mouvance « Qanon » de venir « pourrir » la présidentielle française… En d’autre lieu on pourrait presque assimiler cela à une forme aigue de complotisme.
L’intérêt pour le grand méchant Trump est doublé d’un rejet de principe de Vladimir Poutine, évoqué dans le n°1, un étonnant intérêt pour les Yézidis dans le n°6 et plus généralement un positionnement très néoconservateur. Voulant intégrer l’Ukraine dans l’Otan (merci pour elle), le journal marche dans les pas de Bernard Henri Lévy concernant sa ligne internationale…
Nous ne prenons aucun risque en vous affirmant qu’un numéro prochain fera la part belle à une critique bien peu nuancée de la Chine !
Un zest d’islam
Journal de laïcards nouvelle génération, Franc-tireur s’est autorisé deux unes sur les islamistes. La première dans le deuxième numéro sur le financement d’associations proches des Frères musulmans par Bruxelles et une autre sur le « séparatisme à l’école ». Celle-ci dans le n°5 est particulièrement délicieuse puisque la une combine le « séparatisme islamique » avec un encart (non-ironique) : « immigration, une chance pour l’innovation ».
En campagne pour Macron !
À ces sujets donnant une vive impression de sous Charlie de centre gauche s’ajoute un numéro qui n’a pas dû faire recette : le dernier de l’année portant sur « 5 penseurs pour 2022 ». Enfin, le mois de janvier a consacré une entrée en campagne avec un n°9 portant sur « La fracture identitaire », une sur laquelle sont mis dos à dos Marine Le Pen et Éric Zemmour d’un côté et Jean-Luc Mélenchon et ce qui s’apparente à un islamiste de l’autre. La ficelle est grosse et renvoie à une idée majeure du titre : le salut par le centre ! Dans le numéro 10, l’actualité permet aussi de faire dans le registre électoral de type « antifasciste ». Derrière le titre « Antivax, ça suffit », le journal propose en réalité une critique assez obsessionnelle du sujet pointant du doigt pêle-mêle les « fachos », les « faux écolos », les « intégristes religieux », les « médecins déclassés ». Alain Soral et les « verts-bruns » y ont une bonne place, le polémiste faisant coup double puisqu’il avait déjà eu une « une » rien que pour lui (n°8).
La première dizaine de Franc-tireur est assez décevante. En effet, si l’on peut trouver un intérêt au moins humoristique dans les « unes » de Charlie, des jeux de mots bien vus chez Libé (mais aussi des articles) et des informations parfois précieuses chez Médiapart, on trouve essentiellement dans cette revue d’éditorialistes (Barbier, Fourest, Enthoven) de l’opinion qui frise avec la morale… Un catéchisme dispensé par une poignée d’anticléricaux macronistes…