C’est le premier conflit social pour Delphine Ernotte depuis son arrivée à France Télévisions : les journalistes reporters d’image de France 2 ont déposé un préavis de grève à partir du 3 novembre, préavis conjointement déposé par la CFDT, la CFE-CGC, le SNJ et la CGT.
Les JRI ont une foule de revendications, entre surcharge de travail et inquiétude pour leur avenir.
Ils demandent notamment la fin du sous-effectif dans leur service et la nomination d’un rédac-chef à leur tête. Le poste est en effet vacant depuis le 1er septembre et aucun des six candidats n’a obtenu de rendez-vous avec Delphine Ernotte, contrairement à la promesse qu’elle avait faite par mail du 29 juin dernier. Ils protestent également contre la très grande réduction du recours aux pigistes (officiellement pour raison d’économie) pour remplacer les congés maladie, ce qui augmente leur durée de travail. Selon les syndicats, « beaucoup de JRI sont amenés à faire bien plus que les 11h conventionnelles de tournage par jour » et « les 13h de travail sont alors régulièrement dépassées ». Leur taux d’absentéisme pour maladie professionnelle et accident du travail atteint 10% contre 4% sur l’ensemble du groupe.
Ils condamnent le recours croissant à « des maisons de production privées » pour filmer les émissions d’information de la chaîne tandis qu’eux sont cantonnés à l’information quotidienne. En l’occurrence, c’est l’emploi des « opérateurs de prise de vue » (OPV), qui ne sont pas journalistes, qui cristallise les tensions. D’autant plus que « pour la première fois dans l’histoire de “Complément d’Enquête”, récemment, un rédacteur maison a fait son reportage avec un OPV extérieur ». Ils dénoncent également la fusion des rédactions de France 2 et France 3, projet dans les tuyaux depuis l’ancienne direction et que Delphine Ernotte entend mener à son terme. Les JRI promettent de s’y opposer.
Enfin ils s’opposent à la commande de « 144 “TV U‑PACKS” (systèmes de transmission 3G/4G) transformant le JRI en cadreur », ce qui dénature leur métier. « Il semble encore nécessaire de rappeler que le JRI est un journaliste, que son métier, sa vocation, sa mission et son champ d’exercice, définis par des textes, sont de réaliser des reportages. Qu’il est plus utile et plus rentable en tournage, que planté à côté de son pied de caméra à cadrer un journaliste en plateau. Cette mission ne peut donc unilatéralement lui être imposée », écrivent-ils dans le préavis. Les grévistes demandent l’arrêt de l’externalisation de la production des magazines d’information de la chaîne, des embauches supplémentaires pour pallier le sous-effectif, l’abandon du recours aux TV-U-Packs pour les directs et le maintien ainsi que l’intégration au planning des CDD et pigistes.
Ainsi, l’actualité du groupe France Télévisions continue à être chargée, alors qu’il est déjà englué dans l’affaire des frais de taxis mais aussi du fichage illégal de ses salariés et que sa situation financière ne cesse de se dégrader. En quelque sorte, l’audiovisuel public français pourrait bien être à l’image du Titanic une heure qu’il ne rencontre l’iceberg…
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