Le 20 décembre 2012 dans le JT de France 2, David Pujadas s’est livré à un exercice inédit de politique fiction. Au lieu de proposer un reportage sur la traditionnelle rétrospection de l’année écoulée, il a au contraire choisi de faire un « bond en avant » en diffusant deux reportages de politique fiction pour l’année 2013, un « noir » et un « rose ».
Voyons brièvement la nature des deux scénarii :
Scénario noir : en France, la vente de voitures chute de 25% dès le début de l’année entraînant la fermeture d’usines, puis une nationalisation de PSA ; une grève générale éclate au Portugal et en Espagne, des émeutes en Grèce oblige l’armée à prendre le contrôle d’Athènes ; la note de la France est dégradée par les agences de notation ; enfin, « le pire » a lieu le 16 novembre 2013 avec la création d’une « zone euro-mark » et la fin de fait de l’euro. Pujadas pleure.
Scénario rose : fin des plans de rigueur en Grèce, signature entre le patronat et les syndicats d’un accord sur la réforme du marché du travail ; Monti écrase Berlusconi aux élections italiennes de février (« les marchés ont salué le choix des italiens ») ; Airbus signe le contrat du siècle avec le Qatar ; succès planétaire de la nouvelle voiture électrique de Renault ; Total décroche un « contrat en or » en Libye ; l’Espagne devient l’eldorado du constructeur Wolkswagen qui y installe deux usines ; le tourisme augmente de 15% à l’été 2013 avec « 120 millions de nuitées », bref « l’actualité économique est au beau fixe » durant toute l’année, avec ce bilan « fabuleux » : 2,5 millions de chômeurs « seulement » et un déficit sous la barre des 3%. Pujadas rit.
A se demander quel est véritablement le scénario noir !
En dehors de l’aspect totalement ridicule et spectaculaire de l’exercice, il est néanmoins intéressant de souligner que ces deux scénarii, sous couvert de s’intéresser à l’intérêt général, ne représentent en vérité que les terreurs et les espoirs des milieux économiques. On notera ainsi que les révoltes et les grèves, c’est noir, tandis que la paix sociale (au bénéfice de qui ?), les gros contrats et l’invasion touristique, c’est rose. Autrement dit : le social, c’est l’apocalypse. L’économie, c’est le paradis.
L’exercice n’a du reste pas fait l’unanimité, de nombreux commentateurs se demandant si c’était bien là le rôle d’un journaliste que de se livrer à une telle facétie. C’est notamment le cas de Bruno Masure qui a posé cette question pertinente : « A quoi joue ce zozo de Pujadas avec ces sénars cata à la mord moi le nœud ? Et si France 2 se contentait de nous informer sérieusement ? »
Crédit photo : banlon1964 via Flickr (cc)