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France Culture en quête de complots. Épisode 3, Renaud Camus et le grand remplacement

19 décembre 2019

Temps de lecture : 6 minutes
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France Culture en quête de complots. Épisode 3, Renaud Camus et le grand remplacement

Temps de lecture : 6 minutes

France Culture s’est mise au podcast. Si le format est intéressant, le fond des sujets est toujours aussi orienté, comme le montre la série « Mécaniques du complotisme ». Nous poursuivons notre exploration des arcanes de la série. Analyse de la saison 3, épisode 3.

La sai­son 3 est entière­ment con­sacrée au « grand rem­place­ment », annon­cé comme étant « un virus Français ». Les deux pre­miers épisodes ont été analysés par l’OJIM :

Au menu de ce troisième épisode : Renaud Camus. L’écrivain est devenu une véri­ta­ble obses­sion de la presse française, la plu­part des titres voy­ant en lui l’origine de tous les maux actuels de la planète — ou presque. L’OJIM a con­sacré fin 2019 un dossier aux divers­es manières dont le sujet Renaud Camus est traité dans la presse papi­er en France :

La presse écrite n’est pas la seule à se pencher sur le « cas » Renaud Camus : France Cul­ture bien décidé à ne pas com­pren­dre la com­plex­ité de la pen­sée de l’intellectuel lui a con­sacré un pod­cast dans le cadre de la série « Le grand rem­place­ment, un virus français ». 

Renaud Camus selon France Culture

Le ton méprisant est immé­di­at : « Au début des années 2000, un écrivain français jusque-là prin­ci­pale­ment con­nu pour sa con­tri­bu­tion à la lit­téra­ture gay des années 70 s’invite dans les débats sur l’immigration, dont il est con­va­in­cu qu’elle amènera la dis­pari­tion des Français Il résume sa pen­sée en deux mots : le “grand rem­place­ment”. D’une for­mule, Renaud Camus parvient à cristallis­er les angoiss­es de l’époque. » Renaud Camus n’était pas con­nu unique­ment comme écrivain « gay » mais comme un écrivain mar­quant son époque, ce dont la presse de l’époque lui rendait grâce, une époque où le monde lit­téraire don­nait, mi années 80, une place impor­tante aux écrivains homo­sex­uels, dans le monde entier, du fait du sida. Mais France Cul­ture a besoin d’étiquettes qui min­imisent. Le com­men­ta­teur indique tout de même qu’il est « venu de la gauche » mais n’interroge pas le nom­bre très impor­tant d’intellectuels et d’écrivains, juste­ment venus de la gauche, qui aujourd’hui s’inquiètent de l’immigration, de l’islamisation et du rem­place­ment de la pop­u­la­tion européenne.

Mal être existentiel

D’ailleurs, « En 2010, il trou­ve la for­mule qui va résumer son mal-être : le grand rem­place­ment ». Il n’analyse pas, en fait il est mal dans sa peau, un peu malade peut-être ? Renaud Camus indique sim­ple­ment qu’il voit des vil­lages vieux de mille ans où appa­rais­sent aux fenêtres des femmes voilées. En masse. Il s’interroge. Mais ce n’est que « du mal être » car les « chiffres des démo­graphes le contredisent ».

France Cul­ture n’indique par ces chiffres. Nor­mal : les sta­tis­tiques eth­niques sont inter­dites en France. Heureux hasard ? Cer­tains démo­graphes appel­lent à une meilleure prise en compte des dif­férentes généra­tions de per­son­nes d’o­rig­ine étrangère dans la sta­tis­tique publique. Ain­si Michèle Trib­al­at esti­mait en 2011 que sur trois généra­tions près de 30% des per­son­nes de moins de 60 ans serait d’o­rig­ine étrangère.

Une obsession, nier le réel

Camus aurait mis son « tal­ent d’écrivain au ser­vice de sa nou­velle obses­sion : stop­per l’immigration, ren­voy­er chez eux les étrangers, enray­er la trans­for­ma­tion de la France ». Le fond musi­cal est du même ordre que celui qui est util­isé pour des émis­sions con­sacrées au nazisme, au fas­cisme, à Trump, Pou­tine, John­son… La thèse de Renaud Camus ? C’est un autre Camus, Jean-Yves Camus qui en par­le le mieux : « Il y a un peu­ple et au bout d’une ou deux généra­tions, ce n’est plus le même peu­ple. Il induit donc l’idée d’une sub­sti­tu­tion d’un peu­ple par un autre ». Ce que cha­cun peut observ­er quo­ti­di­en­nement ou en com­para­nt avec les pho­togra­phies des paysages urbains ou des écoles d’il y a 50 ans (deux généra­tions en somme), mais que les médias con­venus nient. Pour France Cul­ture, l’immigration n’a aug­men­té que de 2, 5 % en 30 ans. Le jour­nal­iste en appelle à un seul démo­graphe : Hervé Le Bras, comme tou­jours. Démo­graphe très engagé à gauche, celui auquel Le Monde et Libéra­tion, mais aus­si toutes les radios de Radio France, font appel, qui lutte con­tre ce qu’il nomme « l’obsession natal­iste française », et refuse toute idée de sta­tis­tiques eth­niques, lesquelles seraient d’extrême droite. Cela le « révulse ». Ces sta­tis­tiques de bon sens, per­me­t­tent par exem­ple de voir qu’en Suède plus de 90 % de l’augmentation de la délin­quance depuis 2015 est le fait de migrants, ce qui devrait prêter à réflex­ion poli­tique. Reste que la parole d’Hervé Le Bras est accueil­lie comme argent comp­tant dans ce pod­cast. 

Théorie du complot

Com­plo­tiste, Camus ? Oui, évidem­ment. « Ses idées font leur chemin, le FN se les appro­prie ». Pour­tant, immé­di­ate­ment après cette affir­ma­tion aucun mem­bre du FN n’est con­vié à la con­firmer, sim­ple­ment l’appel de Camus à vot­er FN. C’est donc le con­traire : Camus qui s’approprie le FN.

La suite du pod­cast se veut encore plus engagée: « Renaud Camus dénonce une Europe dev­enue ville ouverte. En réal­ité, depuis la crise des migrants de 2015, les flux d’arrivée dans l’UE ont été divisés par 10. Au pre­mier jan­vi­er 2018, moins de 5 % de la pop­u­la­tion européenne pos­sé­dait la nation­al­ité d’un Etat extérieur à l’UE ». Ce sont les élé­ments de lan­gage offi­ciels qui sont ain­si repris :

On oublie volon­taire­ment que l’UE a mis en place une poli­tique visant à répon­dre à ce qu’elle appelle le défi du vieil­lisse­ment démo­graphique, sym­bol­isé par la volon­té offi­cielle de Merkel d’accueillir un mil­lion de migrants en Alle­magne. C’est bien d’une volon­té poli­tique dont il s’agit.

Le jour­nal­iste, comme ses con­frères, ne con­sid­ère comme migrants que ceux qui ont des papiers étrangers, faisant fi des ques­tions cul­turelles liées aux 2e et 3e généra­tions. D’où le refus des sta­tis­tiques eth­niques, lesquelles mon­tr­eraient bien autre chose, en par­ti­c­uli­er pour la France.

On en revient au FN : ses thès­es seraient « dev­enues un thème de prédilec­tion du FN », alors que Marine Le Pen a récusé le terme grand rem­place­ment. Renaud Camus ne jouerait pour­tant pas un rôle poli­tique impor­tant et ses livres se vendraient peu « mais ils dis­posent de relais médi­a­tiques influ­ents. Par­mi eux, un homme jouera un rôle impor­tant pour médi­a­tis­er et pop­u­laris­er le con­cept de grand rem­place­ment : Éric Zem­mour. ».

Zem­mour fera donc l’objet du prochain pod­cast. Il n’y a guère de sur­prise avec les médias de grand chemin quand il s’agit de repér­er les « grands méchants ». Un manque cri­ant saute pour­tant aux yeux dans une série qui compte cinq épisodes et dont nous allons bien­tôt analyser le qua­trième : pas un mot sur Alain Finkielkraut qui donne la parole à Renaud Camus dans son émis­sion Répliques. Les mau­vais­es langues diront que c’est parce que l’émission est pro­duite et dif­fusée par France Cul­ture.

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