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France Culture en quête de complots. Épisode 5, Trump, Camus, les mots tuent

23 décembre 2019

Temps de lecture : 9 minutes
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France Culture en quête de complots. Épisode 5, Trump, Camus, les mots tuent

Temps de lecture : 9 minutes

France Culture s’est mise au podcast. Si le format est intéressant, le fond des sujets est toujours aussi orienté, comme le montre la série « Mécaniques du complotisme ». Fin de l’analyse : saison 3, épisode 5 : Trump, Camus, les mots tuent. La saison 3 est entièrement consacrée au « grand remplacement », annoncé comme étant « un virus Français ». Les quatre premiers épisodes ont été analysés par l’OJIM :

Dans le grand rem­place­ment, un « virus français », Camus ne fait que rem­plac­er, à son tour, un Alain de Benoist dans le rôle du grand méchant repous­soir dont la « démoc­ra­tie libérale » a besoin pour jouer sa tragédie quo­ti­di­enne de dame effarouchée et men­acée. Il y a pire, et cela doit être dit par France Cul­ture : les mots ne sont pas anodins, ils tuent. Ils font le tour du monde et ailleurs, (peu en France, ici nous sommes éclairés par les Lumières), ailleurs les mots devi­en­nent des morts. C’est ce que l’on pense dans les salles de rédac­tion, la preuve par le dernier épisode de la série de France Cul­ture : « Trump, Camus, les mots tuent ».

L’accroche par le complot

Sur fond de musique hitchcockienne :

« La France nest pas le seul pays tra­vail­lé par langoisse migra­toire. Par inter­net et Ama­zon, les mots de Renaud Camus tra­versent les fron­tières. Dans une extrême droite améri­caine trau­ma­tisée par la prési­dence Oba­ma et dés­in­hibée par les dis­cours de Trump, le grand rem­place­ment résonne. Inspirés par les appels à résis­ter au « géno­cide par sub­sti­tu­tion », cer­tains vont pren­dre les armes. Les mots tuent. »

Pren­dre les armes ? Une guerre civile ? Et pour­tant, à l’heure de la sur-infor­ma­tion, nous n’en seri­ons pas infor­més ? C’est que « autre­fois des­tinées à se faire la guerre, les forces nation­al­istes du monde entier tra­vail­lent désor­mais en réseau ».

Une phrase d’une impor­tance cap­i­tale : elle con­tient en peu de mots l’ensemble du proces­sus par lequel ceux qui pré­ten­dent lut­ter con­tre des com­plots sont en réal­ité la fab­rique du com­plot elle-même.

Renaud Camus, produit d’importation en Amérique ?

« Bien­tôt, le nom et les mots de Renaud Camus arrivent aux Etats Unis. Dans une extrême droite améri­caine trau­ma­tisée par la prési­dence Oba­ma et dés­in­hibée par les dis­cours de Trump, le grand rem­place­ment résonne. Dans un pays ou les armes sont en vente libre, les appels à la guerre civile ne restent pas longtemps sans con­séquences. A l’été 2017, Richard Spencer, un des lead­ers de lalt-right qui aime à citer les travaux de Renaud Camus, organ­ise un défilé néon­azi à Char­lottesville, en Vir­ginie. Flam­beaux à la main, des mil­liers de crânes rasés défi­lent au cri de « You will not replace us », « Vous ne ne nous rem­plac­erez pas ». Une con­tre-man­i­fes­tante est tuée. »

Une guerre civile qui a donc tué… une per­son­ne, dans des cir­con­stances de vio­lence partagée entre man­i­fes­tants d’extrême droite et d’extrême gauche, et en effet, ain­si que le dis­ait Trump, la respon­s­abil­ité du drame est partagée. La ten­sion était extrême et le mort unique, sur­prenante « guerre civile », aurait tout aus­si bien pu être quelqu’un de l’autre camp.

La preuve par Bannon

En cam­pagne, Trump est « xéno­phobe » (for­cé­ment). David Duke, patron du KKK appelle à vot­er pour lui, cir­con­stance aggra­vante tant il est évi­dent qu’un can­di­dat est respon­s­able de qui vote pour lui. Trump veut juguler l’immigration en prove­nance d’Amérique du Sud. Il choisit Ban­non. C’est à cause de ce dernier que les États-Unis ont pris, comme pre­mière déci­sion du man­dat de Trump, celle de refuser l’entrée aux per­son­nes en prove­nance de 7 pays musul­mans, pays recon­nus comme pro­duc­teurs de ter­ror­istes en fait, ce que l’auteur du pod­cast ne dit évidem­ment pas. Les États-Unis, c’est le pays qui a con­nu le 11 sep­tem­bre mais l’auteur ne paraît pas très infor­mé. Pas plus de cette évi­dence que de toute géopoli­tique : un État tra­vaille à la pro­tec­tion de ses pro­pres intérêts, phrase que l’on entend pour­tant sur les bancs de sci­ences po et qui est jugée nor­male quand le chef de l’État con­sid­éré est de gauche. Bien sûr Marine Le Pen n’est pas loin… Elle a invité Ban­non, quelques mois plus tard. Cita­tion de Ban­non au con­grès du FN : « lais­sez-les vous appel­er « racistes ». D’une hon­nêteté sans failles, le pod­cast n’indique pas qu’à cette date Ban­non n’est plus proche ni con­seiller de Trump, pas plus que cette phrase sig­ni­fie de façon ironique « lais­sez-les vous accuser de ce qui est faux, ils ne le com­pren­nent pas mais leur dia­boli­sa­tion men­songère ne fonc­tionne plus ». Ce n’est pas que l’émission ne saisit pas la nuance, plutôt que le sens ironique ne cor­re­spond pas au mes­sage de pro­pa­gande que France Cul­ture tient à faire pass­er, le même que celui repris en boucle par le par­ti des médias lors de la venue de Ban­non en France et qui sup­pose que les per­son­nes de droite dite « extrême » s’assumeraient racistes.

Avec Trump, c’est la nouvelle extrême droite qui est au pouvoir

Que voit l’auteur du pod­cast ? Une alt-right dont Ban­non et son site Bre­it­bart sont les porte-dra­peaux, « la nou­velle extrême droite, les supré­macistes blonds qui ont su pren­dre le virage de youtube, twit­ter, face­book, sites inter­net. Depuis des années, ils pour­ris­sent les débats en ligne, ils y ont patiem­ment con­stru­it une con­tre-cul­ture qui a ses pro­pres codes et références ». Un ensem­ble agis­sant volon­taire­ment et de façon souter­raine. Un com­plot des blonds en somme.

Comploter en dénonçant les complots

C’est la par­tic­u­lar­ité intéres­sante de toute la série : com­plot­er en pré­ten­dant démas­quer des com­plots. Le com­plo­teur en chef des méchants est Richard Spencer. Cita­tion : « L’Amérique était jusqu’à la généra­tion précé­dente un pays blanc, conçu pour nous et notre postérité. C’est notre créa­tion. C’est notre héritage et il nous appar­tient. » Rien de choquant. Un chef eth­nique de n’importe quel pays africain ou de la forêt ama­zoni­enne ten­ant ces pro­pos serait tran­quille­ment repris en boucle partout dans le monde et on en appellerait à la sauve­g­arde de ses dif­férences cul­turelles men­acées. Il n’en va pas de même dans ce cas. Pourquoi ? Nous par­lons des blancs, la pop­u­la­tion qui est aujourd’hui, dans ses divers pays d’origine, la plus sujette au racisme et la plus men­acée de dis­pari­tion lente, sans que cela soit recon­nu par ses dirigeants, eux-mêmes blancs, com­plices et col­lab­o­ra­teurs. Une réal­ité qui n’échappe pas au pod­cast. Au con­traire, elle est niée volon­taire­ment. Dans ces milieux-là on lit… Renaud Camus.

Entrée massive de migrants illégaux

2018, élec­tions de mi-man­dat, Trump tweete sans cesse au sujet de l’invasion migra­toire en prove­nance d’Amérique du sud. Des car­a­vanes de migrants. L’auteur du pod­cast ne le dira pas mais ces car­a­vanes étaient bien réelles. Ce qu’il préfère dire c’est que la chaîne de télévi­sion Fox News devient « une chaîne de pro­pa­gande en faveur de ce slo­gan ». France Cul­ture décrit des faits, Fox News fait de la pro­pa­gande… Pour­tant, l’entrée mas­sive de migrants illé­gaux sur un ter­ri­toire nation­al est une forme d’invasion. « Les mots sont des balles, l’escalade pré­pare les actes ». La preuve ? « Per­suadé que les juifs sont der­rière cette inva­sion, un améri­cain ouvre le feu dans une syn­a­gogue de Pitts­burgh le 28 octo­bre. Il tue 11 per­son­nes. Le 15 mars 2019, un aus­tralien sattaque à deux mosquées de Christchurch, en Nou­velle Zélande. Il tue 51 musul­mans. Il laisse der­rière lui un man­i­feste pour jus­ti­fi­er son geste. Son titre : le grand rem­place­ment. Le 3 août 2019, un améri­cain attaque un cen­tre com­mer­cial fréquen­té par des his­paniques à El Paso, au Texas. Il tue 22 per­son­nes. Il laisse un texte ren­dant hom­mage au ter­ror­iste de Christchurch et affirme agir pour lut­ter con­tre le rem­place­ment eth­nique et cul­turel en cours aux États-Unis. »

Tueries de masse, Obama bat Trump 

Vue sous cet angle, la péri­ode Trump peut sem­bler en effet ter­ri­fi­ante. Pour­tant, le pod­cast ne dit pas qu’entre 2014 et 2016, soit sous la prési­dence Oba­ma, le nom­bre de tueries de masse aux États-Unis est passé de 269 à 382. Par con­tre, de 2016 à 2018, prési­dence Trump, il est passé de 382 à 340, et n’atteint pas 300 à l’approche de fin décem­bre 2019 (source Gun vio­lence archive, reprise par Ouest France le 5 août 2919). Le pod­cast ne dit pas non plus que l’on tue qua­tre fois plus mas­sive­ment à l’Est et à l’Ouest pro­gres­sistes des États-Unis qu’ailleurs sur le sol américain.

Les États-Unis n’ont pas atten­du Trump pour que se pro­duisent des drames ter­ri­bles de cette sorte. Ils ont même été bien plus nom­breux sous la prési­dence d’un homme noir dont le dis­cours n’a pas été sup­posé raciste par France Cul­ture, fab­rique per­ma­nente d’une réal­ité virtuelle.

Dans un monde où depuis 20 ans, l’islam tue à tour de bras, par dizaines de mil­liers de morts, dont près de 300 en France, France Cul­ture trou­ve que les mots « grand rem­place­ment » sont un virus qui tue. Voilà les médias offi­ciels com­plo­tistes au nom de la « dénon­ci­a­tion » des com­plo­teurs sup­posés. Un temps vien­dra où des his­to­riens évo­queront une époque de néga­tion­nisme raciste anti-blanc, de notre époque en somme.

La con­clu­sion est extra­or­di­naire : « En pré­ten­dant s’opposer aux islamistes, les iden­ti­taires comme Renaud Camus et leurs amis font en réal­ité leur jeu. Invité à s’exprimer à la con­ven­tion de la droite par Mar­i­on Maréchal Le Pen (le jour­nal­iste est vrai­ment mal infor­mé, la per­son­ne con­sid­érée ayant repris son nom véri­ta­ble), Eric Zem­mour a provo­qué un véri­ta­ble scan­dale en répé­tant ce qu’il dit déjà depuis des années : la France est colonisée, les Français sont rem­placés par les immi­grés, l’homme blanc va être exter­miné. Il y a cité une for­mule de Renaud Camus, « entre vivre et vivre ensem­ble, il va fal­loir choisir ». Une con­clu­sion de bon sens ?

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