France Culture s’est mise au podcast. Si le format est intéressant, le fond des sujets est toujours aussi orienté, comme le montre la série « Mécaniques du complotisme ». Fin de l’analyse : saison 3, épisode 5 : Trump, Camus, les mots tuent. La saison 3 est entièrement consacrée au « grand remplacement », annoncé comme étant « un virus Français ». Les quatre premiers épisodes ont été analysés par l’OJIM :
- Episode 1 : L’origine du mythe
- Episode 2 : Le Front National
- Episode 3 : Renaud Camus et le grand remplacement
- Episode 4 : La décennie Zemmour
Dans le grand remplacement, un « virus français », Camus ne fait que remplacer, à son tour, un Alain de Benoist dans le rôle du grand méchant repoussoir dont la « démocratie libérale » a besoin pour jouer sa tragédie quotidienne de dame effarouchée et menacée. Il y a pire, et cela doit être dit par France Culture : les mots ne sont pas anodins, ils tuent. Ils font le tour du monde et ailleurs, (peu en France, ici nous sommes éclairés par les Lumières), ailleurs les mots deviennent des morts. C’est ce que l’on pense dans les salles de rédaction, la preuve par le dernier épisode de la série de France Culture : « Trump, Camus, les mots tuent ».
L’accroche par le complot
Sur fond de musique hitchcockienne :
« La France n’est pas le seul pays travaillé par l’angoisse migratoire. Par internet et Amazon, les mots de Renaud Camus traversent les frontières. Dans une extrême droite américaine traumatisée par la présidence Obama et désinhibée par les discours de Trump, le grand remplacement résonne. Inspirés par les appels à résister au « génocide par substitution », certains vont prendre les armes. Les mots tuent. »
Prendre les armes ? Une guerre civile ? Et pourtant, à l’heure de la sur-information, nous n’en serions pas informés ? C’est que « autrefois destinées à se faire la guerre, les forces nationalistes du monde entier travaillent désormais en réseau ».
Une phrase d’une importance capitale : elle contient en peu de mots l’ensemble du processus par lequel ceux qui prétendent lutter contre des complots sont en réalité la fabrique du complot elle-même.
Renaud Camus, produit d’importation en Amérique ?
« Bientôt, le nom et les mots de Renaud Camus arrivent aux Etats Unis. Dans une extrême droite américaine traumatisée par la présidence Obama et désinhibée par les discours de Trump, le grand remplacement résonne. Dans un pays ou les armes sont en vente libre, les appels à la guerre civile ne restent pas longtemps sans conséquences. A l’été 2017, Richard Spencer, un des leaders de l’alt-right qui aime à citer les travaux de Renaud Camus, organise un défilé néonazi à Charlottesville, en Virginie. Flambeaux à la main, des milliers de crânes rasés défilent au cri de « You will not replace us », « Vous ne ne nous remplacerez pas ». Une contre-manifestante est tuée. »
Une guerre civile qui a donc tué… une personne, dans des circonstances de violence partagée entre manifestants d’extrême droite et d’extrême gauche, et en effet, ainsi que le disait Trump, la responsabilité du drame est partagée. La tension était extrême et le mort unique, surprenante « guerre civile », aurait tout aussi bien pu être quelqu’un de l’autre camp.
La preuve par Bannon
En campagne, Trump est « xénophobe » (forcément). David Duke, patron du KKK appelle à voter pour lui, circonstance aggravante tant il est évident qu’un candidat est responsable de qui vote pour lui. Trump veut juguler l’immigration en provenance d’Amérique du Sud. Il choisit Bannon. C’est à cause de ce dernier que les États-Unis ont pris, comme première décision du mandat de Trump, celle de refuser l’entrée aux personnes en provenance de 7 pays musulmans, pays reconnus comme producteurs de terroristes en fait, ce que l’auteur du podcast ne dit évidemment pas. Les États-Unis, c’est le pays qui a connu le 11 septembre mais l’auteur ne paraît pas très informé. Pas plus de cette évidence que de toute géopolitique : un État travaille à la protection de ses propres intérêts, phrase que l’on entend pourtant sur les bancs de sciences po et qui est jugée normale quand le chef de l’État considéré est de gauche. Bien sûr Marine Le Pen n’est pas loin… Elle a invité Bannon, quelques mois plus tard. Citation de Bannon au congrès du FN : « laissez-les vous appeler « racistes ». D’une honnêteté sans failles, le podcast n’indique pas qu’à cette date Bannon n’est plus proche ni conseiller de Trump, pas plus que cette phrase signifie de façon ironique « laissez-les vous accuser de ce qui est faux, ils ne le comprennent pas mais leur diabolisation mensongère ne fonctionne plus ». Ce n’est pas que l’émission ne saisit pas la nuance, plutôt que le sens ironique ne correspond pas au message de propagande que France Culture tient à faire passer, le même que celui repris en boucle par le parti des médias lors de la venue de Bannon en France et qui suppose que les personnes de droite dite « extrême » s’assumeraient racistes.
Avec Trump, c’est la nouvelle extrême droite qui est au pouvoir
Que voit l’auteur du podcast ? Une alt-right dont Bannon et son site Breitbart sont les porte-drapeaux, « la nouvelle extrême droite, les suprémacistes blonds qui ont su prendre le virage de youtube, twitter, facebook, sites internet. Depuis des années, ils pourrissent les débats en ligne, ils y ont patiemment construit une contre-culture qui a ses propres codes et références ». Un ensemble agissant volontairement et de façon souterraine. Un complot des blonds en somme.
Comploter en dénonçant les complots
C’est la particularité intéressante de toute la série : comploter en prétendant démasquer des complots. Le comploteur en chef des méchants est Richard Spencer. Citation : « L’Amérique était jusqu’à la génération précédente un pays blanc, conçu pour nous et notre postérité. C’est notre création. C’est notre héritage et il nous appartient. » Rien de choquant. Un chef ethnique de n’importe quel pays africain ou de la forêt amazonienne tenant ces propos serait tranquillement repris en boucle partout dans le monde et on en appellerait à la sauvegarde de ses différences culturelles menacées. Il n’en va pas de même dans ce cas. Pourquoi ? Nous parlons des blancs, la population qui est aujourd’hui, dans ses divers pays d’origine, la plus sujette au racisme et la plus menacée de disparition lente, sans que cela soit reconnu par ses dirigeants, eux-mêmes blancs, complices et collaborateurs. Une réalité qui n’échappe pas au podcast. Au contraire, elle est niée volontairement. Dans ces milieux-là on lit… Renaud Camus.
Entrée massive de migrants illégaux
2018, élections de mi-mandat, Trump tweete sans cesse au sujet de l’invasion migratoire en provenance d’Amérique du sud. Des caravanes de migrants. L’auteur du podcast ne le dira pas mais ces caravanes étaient bien réelles. Ce qu’il préfère dire c’est que la chaîne de télévision Fox News devient « une chaîne de propagande en faveur de ce slogan ». France Culture décrit des faits, Fox News fait de la propagande… Pourtant, l’entrée massive de migrants illégaux sur un territoire national est une forme d’invasion. « Les mots sont des balles, l’escalade prépare les actes ». La preuve ? « Persuadé que les juifs sont derrière cette invasion, un américain ouvre le feu dans une synagogue de Pittsburgh le 28 octobre. Il tue 11 personnes. Le 15 mars 2019, un australien s’attaque à deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle Zélande. Il tue 51 musulmans. Il laisse derrière lui un manifeste pour justifier son geste. Son titre : le grand remplacement. Le 3 août 2019, un américain attaque un centre commercial fréquenté par des hispaniques à El Paso, au Texas. Il tue 22 personnes. Il laisse un texte rendant hommage au terroriste de Christchurch et affirme agir pour lutter contre le remplacement ethnique et culturel en cours aux États-Unis. »
Tueries de masse, Obama bat Trump
Vue sous cet angle, la période Trump peut sembler en effet terrifiante. Pourtant, le podcast ne dit pas qu’entre 2014 et 2016, soit sous la présidence Obama, le nombre de tueries de masse aux États-Unis est passé de 269 à 382. Par contre, de 2016 à 2018, présidence Trump, il est passé de 382 à 340, et n’atteint pas 300 à l’approche de fin décembre 2019 (source Gun violence archive, reprise par Ouest France le 5 août 2919). Le podcast ne dit pas non plus que l’on tue quatre fois plus massivement à l’Est et à l’Ouest progressistes des États-Unis qu’ailleurs sur le sol américain.
Les États-Unis n’ont pas attendu Trump pour que se produisent des drames terribles de cette sorte. Ils ont même été bien plus nombreux sous la présidence d’un homme noir dont le discours n’a pas été supposé raciste par France Culture, fabrique permanente d’une réalité virtuelle.
Dans un monde où depuis 20 ans, l’islam tue à tour de bras, par dizaines de milliers de morts, dont près de 300 en France, France Culture trouve que les mots « grand remplacement » sont un virus qui tue. Voilà les médias officiels complotistes au nom de la « dénonciation » des comploteurs supposés. Un temps viendra où des historiens évoqueront une époque de négationnisme raciste anti-blanc, de notre époque en somme.
La conclusion est extraordinaire : « En prétendant s’opposer aux islamistes, les identitaires comme Renaud Camus et leurs amis font en réalité leur jeu. Invité à s’exprimer à la convention de la droite par Marion Maréchal Le Pen (le journaliste est vraiment mal informé, la personne considérée ayant repris son nom véritable), Eric Zemmour a provoqué un véritable scandale en répétant ce qu’il dit déjà depuis des années : la France est colonisée, les Français sont remplacés par les immigrés, l’homme blanc va être exterminé. Il y a cité une formule de Renaud Camus, « entre vivre et vivre ensemble, il va falloir choisir ». Une conclusion de bon sens ?