Même si le grand n’importe quoi médiatique prospère depuis des années en France, il y a des limites à ne pas franchir. Par exemple, ne pas respecter les morts. C’est ce qu’est en train d’apprendre à ses dépens « l’humoriste » autoproclamé Frédéric Fromet qui sévit régulièrement dans l’émission de Charline Vanhoenacker, temple de l’humour autorisé, « Si tu écoutes, j’annule tout »
Ce spécialiste des gags vaseux, des rimes pauvres et des blagues faciles, s’est attaqué avec violence au toréador espagnol Ivan Fandiño, mort après avoir été encorné par un taureau à Aire-sur-l’Adour (Landes) le 17 juin dernier. Sur les ondes du service public – aux frais des contribuables donc – le saltimbanque a laissé éclater sa joie et son opposition à la corrida en une série de jeux de mots à l’esprit douteux : « Gicle, gicle tes boyaux», «t’es parti comme une bouse», «le sang en gaspacho», «le foie dans la paella», «réduit en chorizo », sans oublier l’inimitable « tu t’es bien fait encorné, fallait pas faire le kéké ».
Deux organisations taurines n’ont pas du tout goûté l’humour et ont saisi le CSA. L’Union des villes taurines de France (UVTF) et l’Observatoire national des cultures taurines (ONCT) ont réclamé en outre de Frédéric Fromet des excuses publiques, « pour l’honneur de la radio et pour la crédibilité de ses programmes ». Dans un communiqué commun, elles se sont demandées comment « l’humour » pouvait couvrir tant d’ignominie : « comment peut-on perdre à ce point le sens de l’humain et se vautrer dans la méchanceté gratuite ? »
Comment peut-on aussi arriver à tant d’insolence pour imposer son opinion sur les ondes du service public, aux frais des contribuables, que cela soit pour lutter contre des traditions culturelles française, faire la campagne d’un futur président, marcher sur les ploucs de la France périphérique qui votent FN, ou traîner dans la boue un mort ? La question mérite d’être posée, et à bien d’autres que Frédéric Fromet.
Du reste, celui qui « trouve » pourtant « que l’insulte est toujours contre-productive, donc évite d’en placer dans mes chansons » (La Vie nouvelle, 3/11/2015) a l’habitude des attaques brutales, cyniques et souvent gratuites. Ainsi contre le MEDEF, traité entre les lignes de pétainistes : « C’est pas tes syndicats qui vont me filer la frousse/Pas trois bolcheviks à la Bastille/C’est pas ta chienlit qui va gouverner, allez ouste !/En chœur chantons Travail, Patrie, Famille, hop ! », en 2013, ou contre Marine le Pen « Mawine, Mawine, Mawine/Tu me casses les woustons/Fifille à papa ou coiffeuse/Tu westes une gouosse affoueuse/Dans ton salon, pas de p’tite bite/La fwange on l’aime ou on la quitte/L’entouée est intaidite aux Jouives/Sans l’étoile de Jean-Louis David », en 2015.
Comme un roquet en mal de reconnaissance, il s’est aussi attaqué il y a cinq ans à la chanson française et à ses fans : « Ils ont des tronches de profs/Ils se branlent sur une strophe/De Ferré, Brel ou Brassens/Ils se retrouvent à douze/Dans une cave à partouze […] Donnez une rime en ul/J’en ai une, j’suis pas sûr qu’ils aiment/Puis j’y connais que dalle/En chanson médiévale /J’écoute pas les chanteurs morts ». Frédéric Fromet, qui reprend les tubes de la chanson française qu’il abhorre tant, oublie qu’il est à l’image d’un monde dansant au bord du précipice, et qui ne construit rien, semant chaos, noirceur et tristesse. L’Histoire a retenu Brel, Ferré ou Brassens. Dans ses poubelles, surnagera Fromet.