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France Inter, machine à infox contre les adversaires du macronisme ?

8 juin 2019

Temps de lecture : 6 minutes
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France Inter, machine à infox contre les adversaires du macronisme ?

Temps de lecture : 6 minutes

Que les médias français soient majoritairement de parti pris sur le plan politique et culturel, ce n’est plus à démontrer. Il arrive cependant que le quatrième pouvoir du régime libéral libertaire en place offre des cas d’école, à ce point caricaturaux qu’ils en sont succulents.

Une car­i­ca­ture qui vaut cas d’école, tel est l’article de France Inter paru le 4 juin 2019 sur le site de la radio, suite au long entre­tien d’une heure que Mar­i­on Maréchal a don­né à la chaîne de télévi­sion LCI le 2 juin. Pourquoi un cas d’école ?

Déontologie, mon beau souci

Il est admis, et il est théorique­ment enseigné dans les écoles de jour­nal­isme, qu’un média répond à divers critères de déon­tolo­gie, dont, choix non exhaus­tif, le devoir d’informer, le respect des lecteurs, l’indépendance à l’égard des pou­voirs poli­tiques, la rigueur, l’intégrité, l’exactitude… tous critères qui per­me­t­tent de minor­er les inter­pré­ta­tions per­son­nelles et ain­si d’éloigner le jour­nal­isme de la propagande.

À l’échelle française, la charte des jour­nal­istes insiste sur le refus de la calom­nie, des accu­sa­tions sans preuves, la dés­in­for­ma­tion des faits et le men­songe, con­sid­érés comme « les plus graves fautes pro­fes­sion­nelles ». L’article de France Inter fait fi de tout cela, écrit au mépris de toutes ces règles déon­tologiques, les con­tre­dis­ant même les unes après les autres. Le jour­nal­isme ayant le devoir d’être factuel, cha­cun pour­ra véri­fi­er en se ren­dant ici.

Cette lec­ture per­met de saisir en quoi un tel arti­cle tient de l’infox à la fois par manip­u­la­tion et omission.

Signé France Inter

Quelques élé­ments d’analyse de la car­i­ca­ture de l’article de France Inter:

L’article est entière­ment à charge. Il est long et vise prin­ci­pale­ment à « cass­er » de l’adversaire.

Pub­lié dans la foulée de l’intervention de Mar­i­on Maréchal sur LCI, l’article n’est pas signé par un jour­nal­iste mais par « France Inter ». Ce fait est extra­or­di­naire, au sens pro­pre du mot.

Que veut dire cette absence de sig­na­ture ? Que son auteur devrait être pro­tégé ? Auquel cas il serait « une source » ? Ce n’est pas le cas. Alors la direc­tion de France Inter serait l’auteur de cet arti­cle, en tant qu’entité médi­a­tique ? Une radio de ser­vice pub­lic, appar­tenant à l’ensemble des Français et non à un petit groupe de jour­nal­istes parisiens, a le devoir de respecter la déon­tolo­gie jour­nal­is­tique. Ce n’est pas le cas quand France Inter exprime en son nom de radio publique une telle détes­ta­tion d’une per­son­nal­ité poli­tique et cul­turelle. Hors de tout cadre médi­a­tique nor­mal, de toute nor­mal­ité démoc­ra­tique même, une radio d’Etat s’en prend de façon car­i­cat­u­rale à une per­son­nal­ité qu’elle décrète comme étant son adver­saire (son enne­mi ?) sur le plan poli­tique, en par­ti­c­uli­er du fait de la défense faite par Mar­i­on Maréchal de la « famille » et de « l’identité », deux mots qui sont dans le titre de l’article mais qui ne furent que deux des très nom­breux élé­ments évo­qués lors de l’entretien télévisé. En sig­nant « France Inter », la radio se fait la voix de l’État et donc du gou­verne­ment en place.

La voix de son maître ?

La voix de son maître, en somme. France Inter n’a été capa­ble que d’une saugrenue reduc­tio ad petainum lors d’une inter­ven­tion où Mar­i­on Maréchal a pour­tant tracé nom­bre de pistes neuves, y com­pris con­cer­nant sa pro­pre vision poli­tique des choses, ce qui a été recon­nu par d’autres médias peu portés à la soutenir. Pêle-mêle, la néces­sité non pas d’unir les droites mais de créer des « alliances », de « dépass­er » le Rassem­ble­ment Nation­al tout en recon­nais­sant sa place, ou encore sa déf­i­ni­tion assumée d’un « con­ser­vatisme » à naître en tant que courant poli­tique con­cret, comme « dis­po­si­tion d’esprit » fondé sur des valeurs refu­sant le pro­gres­sisme de l’illimité du mon­di­al­isme. Con­ser­vatisme con­tre pro­gres­sisme, lim­ites con­tre illim­ité, nation con­tre mon­di­al­i­sa­tion. Pour­tant le jour­nal­iste nom­mé « France Inter » n’a rien vu. Au contraire.

Pour France Inter, Mar­i­on Maréchal ne présente que des défauts par rap­port à l’idéologie libérale lib­er­taire que dif­fuse quo­ti­di­en­nement son antenne, ce qui en fait un dan­ger. Exem­ples, par­mi une myr­i­ade d’infox par omis­sion ou manip­u­la­tion intellectuelle :

‣ 1er inter­titre : « La remise en cause du mariage pour tous ». Ce qui n’a pour­tant pas été le cas lors de l’entretien. Nous sommes en 2019, « France Inter » par­le de 2013. Le sujet n’a pas été évo­qué lors de l’entretien.

‣ 2e inter­titre : « Dérem­bours­er les IVG ». « France Inter » sort un tweet de 2015 à ce sujet, lors d’un débat par lequel la femme (alors) poli­tique voulait retir­er des sub­ven­tions à des asso­ci­a­tions peu socié­tales mais réelle­ment poli­tiques, agis­sant en mil­i­tantes sous cou­vert d’action sociale. Le 2 juin sur LCI ? L’interviewée a claire­ment dit : « Je ne suis pas et n’ai jamais été pour la sup­pres­sion de l’IVG ». « France Inter » ? Allo ? Silence radio.

‣ 3e inter­titre : « Sa foi catholique ». La reli­gion qui tue au 21e siè­cle, en tout cas qui élim­ine poli­tique­ment (Fil­lon, Bel­lamy). Pour « France Inter », catholique, c’est le mal, surtout en ces temps de mas­sacres quo­ti­di­ens par des fidèles d’une autre religion.

‣ 4e inter­titre : « L’immigration et le grand rem­place­ment ». Mar­i­on Maréchal n’a pas pronon­cé l’expression le 2 juin, par­lant plutôt d’une évo­lu­tion démo­graphique, laque­lle est recon­nue par tous les obser­va­teurs et les médias sérieux (20 % des prénoms choi­sis à la nais­sance en France en 2018 étaient de cul­ture arabo-musul­mane con­tre moins de 5 % il y a 30 ans). Pour accréditer la thèse que Mar­i­on Maréchal serait influ­encée par la théorie du grand rem­place­ment du grand méchant Renaud Camus, « France Inter » cite une réponse de la jeune femme à Jean-Jacques Bour­din en 2015, il y a donc 4 ans : « On n’en est pas à un grand rem­place­ment, mais il y a aujour­d’hui un effet de sub­sti­tu­tion sur cer­taines par­ties du ter­ri­toire de ce qu’on appelle les Français de souche par une pop­u­la­tion nou­velle­ment immi­grée ». Ces pro­pos ne dis­ant pas ce que « France Inter » veut faire dire, la radio de ser­vice pub­lic se trans­forme de cette façon en machine à fab­ri­quer des infox.

Il y a trois autres thèmes mis en avant, tout autant à charge. À aucun moment, France Inter ne rend compte de ce qui est pour­tant apparu aux yeux de beau­coup de téléspec­ta­teurs et d’observateurs le dimanche 2 juin : une jeune femme mod­erne engagée en poli­tique, sous une forme dif­férente, claire, pro­posant un chemin dif­férent pour les droites et une clar­i­fi­ca­tion des posi­tion­nements poli­tiques, insis­tant sur divers cli­vages dont le cli­vage progressisme/conservatisme et le cli­vage généra­tionnel, le tout avec un niveau de réflex­ion devenu peu habituel sur les plateaux de télévi­sion. France Inter ne l’a pas vu ? Ou bien France Inter ne veut pas le voir ? Le jour­nal­iste d’État au nom incon­nu France Inter bien qu’étant de « ser­vice pub­lic », a choisi son camp.

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