Suite de notre dossier sur la série documentaire de France Télévisions consacrée à l’Histoire de France (partie 1, partie 2).
Épisode 3 : L’empire de Charlemagne
C’est à partir de cet épisode que les visées déconstructrices s’essoufflent, sans toutefois disparaître. À part cette mention de la monnaie unique censée faire de Charlemagne le précurseur de l’actuelle Union Européenne – et encore, ce n’est que suggéré — il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Nous retombons – pour reprendre les termes de Libération et à son grand dam – dans le roman national de facture classique.
Même la campagne atroce contre les saxons, malgré l’outrance des violences commises, n’est condamnée qu’en demi-teinte : « Les saxons paient le prix de la soif de conquête de Charlemagne et sont convertis au christianisme par la force. 4500 personnes décapitées pour frapper les esprits » sont les commentaires suggérés par les événements sanglants.
Il y a certes l’échec de la campagne d’Espagne qui donne lieu à une démythification de la bataille de Roncevaux, bataille à laquelle nous devons la Chanson de Roland, la première à évoquer la doulce France. Défaite magnifiée par cette chanson de geste qui évoque les « assaillants Sarrasins » alors que les responsables de la débâcle sont les Basques. De quoi servir le récit de la reconquête face à l’invasion arabo-musulmane en Espagne, nous dit-on.
Épisode 4 : Les croisades de saint Louis
Pierre Guillain de Bénouville, résistant, homme politique et écrivain français, a dit très justement :
« Faire mémoire de Saint Louis, c’est retourner à la source même où buvait l’Occident quand, croyant en lui, il se construisait au lieu de se mépriser. Négliger cette prodigieuse histoire, c’est volontairement détruire l’héritage et s’enfoncer plus avant dans le chemin de l’oubli sans retour, qui est celui de la mort sans résurrection. »
L’épisode est introduit, assez sobrement cette fois, par Tomer Sisley, comme si les intentions initiales affichées n’étaient plus de mise :
« Cette histoire est celle d’un roi au sommet de sa gloire, à la tête d’un royaume prospère, mais dont la vie est guidée par une quête spirituelle et cela va avoir de lourdes conséquences dans ce que l’on appelle désormais le royaume de France. »
C’est l’histoire du premier roi de France canonisé « pieux et ambitieux », qu’on nommera désormais saint Louis.
Sans verser dans l’hagiographie, pas de déconstruction à proprement parler ni de diabolisation. La rouelle n’est même pas mentionnée, alors qu’elle aurait pu fournir des munitions à la déconstruction d’un mythe national et chrétien tout uniment. À la place, des éloges :
« De son règne, on retiendra de très grandes évolutions de notre société. Comme, par exemple, la base d’un système judiciaire plus accessible et plus juste. On lui doit de grands ouvrages, comme la Sainte Chapelle ou la cathédrale Notre-Dame de Paris. À son époque, la France rayonne. Paris est la plus grande capitale du monde et le commerce y est prospère. »
Avant de poursuivre – il fallait bien un bémol — :
« Pourtant Saint Louis va mettre en péril son royaume à cause d’une obsession qui pourrait causer sa perte, celle des croisades en terre sainte. »
Les épisodes qui suivent, à savoir Jeanne d’Arc face aux anglais et les noces rouges d’Henri IV et de la reine Margot sont de la même eau. Jeanne d’Arc n’y est pas présentée comme une héroïne trans avant l’heure, malgré les déclarations de France TV et, à part le fait que les catholiques ont toujours le mauvais rôle face aux protestants sous Henri IV, il n’y a rien de bien « déconstructeur»…
Au fond toute cette histoire, à propos de la déconstruction du roman national, n’est rien d’autre qu’une pièce de Shakespeare. Mais pas n’importe laquelle : Beaucoup de bruit pour rien. Ça m’ennuie de le dire mais Libé a raison pour une fois, on ne peut pas faire de l’histoire de France sans tomber dans le roman national…
Jean Montalte