Le 4 février 2021, l’inquiétude politique régnait sur Franceinfo, dans les journaux du matin : la gauche est moribonde, avec un parti socialiste englué dans un plan social organisé contre ses nombreux permanents et des candidats probablement multiples lors des prochaines présidentielles. De quoi consacrer un éditorial politique qui mérite d’être signalé.
Marc Fauvelle et Renaud Dély ne sont pas des perdreaux de l’année du journalisme, au contraire, ils naviguent un peu partout depuis des années. Actuellement, les deux journalistes, clairement et ouvertement de la gauche libérale libertaire, officient sur la radio publique Franceinfo, elle-même clairement orientée à gauche du spectre politique, une gauche social-démocrate, tendance écologiste, avec un zeste de souhaits « radicaux » (pour frémir).
Inquiétudes philosophiques sur la « gauche »
La situation est grave, selon Renaud Dély. D’après une enquête Franceinfo-IPSOS, aucun candidat de gauche ne pourrait se qualifier pour le second tour, sans exception, y compris Anne Hidalgo. Même le chef de file des écologistes, Jadot. Il y aurait un remake de 2017 qui serait largement gagné par Macron. La cause de cette faiblesse de la gauche ? La division ? Une explication qui ne suffit pas, même si les socialistes considèrent que Mélenchon est un « diviseur ». Une explication superficielle, selon Franceinfo. Où est le problème alors ?
Un souci général : la gauche n’atteindrait que 30 % en France, toutes gauches confondues. Ce ne serait pourtant pas un problème de division entre courants mais un problème de « projet de société que propose la gauche ». La diversité, l’absence d’union, la multiplicité possible des candidats, ou même leur absence (qui va y aller, au vu de sondages donnant de l’ordre de 8 % à des candidats de type parti socialiste), tout cela ne joue pas de rôle. Le souci provient, selon l’analyse de Dély et Fauvelle, du fait que le pays n’est plus à gauche, sinon pour environ 30 % des sondés.
Absence d’analyse de fond
Les deux journalistes ne le voient pas mais leur conclusion pose une première question : comment se fait-il que dans un pays où l’écrasante majorité des milieux médiatiques, éducatifs et culturels (des médias aux écoles en passant par les librairies, les médiathèques, les théâtres, le cinéma, la télévision…), une majorité des électeurs ne soient pas de gauche ? À qui les médias, l’école et la culture subventionnée parlent-ils ? À tous : c’est le principe même de la propagande de masse.
Ce n’est cependant pas le plus important. Renaud Dély et Marc Fauvelle proposent en fait une analyse lunaire en considérant que la gauche serait minoritaire et la droite (non définie lors de cet éditorial politique) majoritaire de fait. S’ils pensent cela c’est parce qu’à leurs yeux Emmanuel Macron, LREM et affidés seraient de droite et non de gauche. Aucune explication n’est donnée à ce qui confine à une croyance et à un argument d’autorité, éloignés à la fois de tout esprit critique et de toute déontologie médiatique.
Pourquoi ? La question est celle de ce qu’est le « macronisme ». Une question que Dély et Fauvelle ne posent évidemment pas en direct.
De quoi le macronisme est-il le nom ?
Le macronisme ? Un homme, Emmanuel Macron, pris sous son aile puis propulsé en politique par Jacques Attali. Un ancien ministre, ensuite, à l’époque de l’homme de la gauche libérale du parti socialiste François Hollande. Macron est un pur produit du social libéralisme et des milieux libéraux libertaires. Or, ce courant politique a une histoire. Dans les années 60, 70 et au début des années 80 du 20e siècle, le parti socialiste de François Mitterrand, associé au PCF en une union de la gauche, a gagné en puissance et s’est finalement imposé en mai 1981. Une date considérée par les milieux médiatiques, culturels et éducatifs comme une sorte de vache sacrée. En 1981, Jacques Attali était dans l’ombre de François Mitterrand.
À partir de 1983, cette gauche est devenue gauche de gouvernement, a engagé la France dans la mondialisation, le libéralisme, l’Union Européenne, les réformes de société libérales libertaires, entre autres. Une gauche qui est celle des médias de grand-chemin actuels, celle de Franceinfo.
Elle n’existe plus dans le paysage politique ? Si l’analyse de Renaud Dély et de Marc Fauvelle est à ce point lunaire, c’est parce que c’est tout le contraire : elle est justement au pouvoir. La gauche social-démocrate et libérale libertaire s’est muée en macronisme. Si les journalistes cherchent une cause à la faiblesse de partis tels que le Parti socialiste, ils pourraient aisément la trouver sans que l’OJIM prenne le temps de les aider : cette gauche, leur gauche, est au pouvoir, elle est l’autre nom du macronisme. Et c’est pour cette raison que l’écrasante majorité des médias, dont Franceinfo, comme des journalistes, dont Fauvelle et Dély, ont amplement contribué à la victoire de Macron en 2017. La victoire de la gauche qu’ils incarnent : bobo, sociale libérale, mondialiste, libérale libertaire, prétendument écologiste. Gageons qu’en 2022 ils n’agiront pas autrement et défendront bec et ongles la gauche, leur gauche, autrement dit Emmanuel Macron ou un ersatz y ressemblant.
Rappel des troupes
Franceinfo commence ainsi, déjà, quinze mois avant la présidentielle, le rappel des électeurs à leur devoir, selon la radio publique : voter pour la gauche libérale libertaire. Pour les journalistes de Franceinfo, aucun autre choix n’est imaginable en réalité. Cela dépasse même leur entendement : voter pour des idées conservatrices ou nationalistes ou identitaires ou souverainistes, voter pour l’Europe donc contre l’Union Européenne, tout cela concerne l’extrémisme pour Franceinfo. À gauche, pour des journalistes comme Dély ou Fauvelle, il n’y a pas d’extrémisme, ce dernier n’existerait que dans la droite, « extrême » ou « radicale ». Le 4 février, Macron était « à droite » à en croire les studios. En 2022, il sera l’homme de gauche libérale sauvant la gauche libertaire (contre le Mal). Toujours dans les mêmes studios.