Le 25 janvier 2020, la cellule investigation de Radio France se penchait sur les suspensions de policiers pour risques de radicalisation. Un reportage surprenant.
Le 25 janvier 2020 au matin, le reportage de la Cellule investigation de Radio France, réalisé par Elodie Guéguen et Emmanuel Leclère, diffusé à plusieurs reprises sur Franceinfo durant 5 minutes, interroge l’observateur sur la façon qu’ont une partie des médias de percevoir la « radicalisation » dans la police, puisque c’est l’étrange mot maintenant retenu, mot qui masque souvent le fait que les radicaux en question sont des musulmans.
Ouverture du reportage
Enquête Franceinfo
Suspensions de policiers pour radicalisation : la difficile application du principe de « vigilance »
« Une dizaine de policiers soupçonnés de radicalisation ont été suspendus provisoirement depuis l’attaque du 3 octobre 2019 à la préfecture de police de Paris. Les agents de confession musulmane évoquent un climat de suspicion devenu délétère depuis le drame. »
Le ton est donné : un principe de vigilance qui créerait de la suspicion à l’égard des « agents de confession musulmane », façon d’atténuer le caractère spécifique de l’islam. A l’écoute de la présentation, l’auditeur comprend d’emblée que le reportage ne va pas interroger les risques liés à l’islam pesant sur les Français ou les collègues de ces policiers musulmans mais paradoxalement la manière dont ces derniers seraient en quelque sorte des victimes.
Dans la police, ça dénonce grave, paraît il
Le reportage débute par une citation du président Macron qui, le 8 octobre 2019, annonçait vouloir « bâtir » une « société de vigilance ». Des mots suivis de ceux-ci : « repérer ces petits riens qui deviennent des grandes tragédies », autrement dit des détails montrant qu’un policier musulman risquerait de basculer dans le terrorisme. Par contre, le président ne s’est pas interrogé sur le fait même de la forte présence de musulmans au coeur de la police, comme du reste au sein de l’armée, alors que des individus dits de « confession musulmane » sont les seuls à s’affirmer comme des ennemis reconnus de la France, sur le territoire national, européen ou à l’échelle mondiale. Dans une guerre, il y a un ou des ennemis. Dans la guerre actuellement menée par une bonne partie de l’islam contre la France, l’ennemi se désigne lui-même. La question de la présence de musulmans au sein des forces de l’ordre et de l’armée pourrait du coup se poser, quelle que soit la réponse donnée. C’est justement ce que Franceinfo ne traite pas. Pourquoi ? Rappelons que les mots du président étaient prononcés devant les cercueils des quatre policiers assassinés 5 jours plus tôt « par un agent de la direction parisienne du renseignement ». Une formulation proprement extraordinaire pour désigner un terroriste musulman infiltré au coeur de l’appareil du renseignement de la police nationale, infiltration qui devrait peut-être plus intéresser la Cellule investigation de Radio France.
Chasse aux sorcières ?
Pourtant, le sujet de la Cellule investigation est tout autre : le fait que le préfet « demande à l’ensemble de ses services d’encourager la remontée des signalements », autrement dit d’appliquer ce que le chef de l’Etat a demandé. Traduction du point de vue de Franceinfo : « c’est-à-dire le moindre soupçon de radicalisation islamiste ». Le problème est de savoir si « les policiers musulmans font l’objet d’une chasse aux sorcières ». Du coup il y a des signalements mais surtout des « dénonciations ». 74 pour la seule préfecture de police de Paris, « dont 27 déjà classées sans suite ». Il était possible de compter autrement : dont 47 prises en considération par exemple. Pour Franceinfo, ce sont plutôt les « dénonciations qui s’emballent », plus que le danger réel que cela pourrait représenter. Un point choque les journalistes : « À ce stade, on ne sait pas ce que révéleront ces enquêtes administratives. Mais, sans attendre leurs conclusions, le ministère de l’Intérieur a choisi de suspendre une dizaine de policiers et d’en désarmer quatre. Des mesures conservatoires, qui semblent avoir été prises dans l’urgence, pour rassurer l’opinion publique et une institution meurtrie ». Et si c’était pour une raison plus simple ? Des suspicions pour empêcher de nouveaux meurtres.
Boucs émissaires
Franceinfo ne voit pas les choses ainsi et trouve quelques cas qui pourraient laisser entendre que les policiers musulmans seraient des boucs émissaires. Un exemple avec la brigadier B… « en Seine-Saint-Denis ». Une localisation qui peut questionner. Que lui reproche-t-on ? Des détails : « d’avoir partagé en 2014 des posts Facebook propalestiniens radicaux ou violents ». Une « dénonciation » venant sans doute « de ses collègues ». Conséquence, un passage en conseil de discipline. Un radicalisme de cette sorte pourrait conduire à se demander ce que la brigadier fait encore dans la police et dans le 93. Pas du côté de Franceinfo: « Pour des posts Facebook, on l’a traitée comme si elle était le clone de Merah », s’indigne un membre du syndicat de police Vigi, Noam Anouar.
Radicalisés qu’ils disaient ?
Ce ne sont pas les vrais problèmes de toute façon. Le souci viendrait plutôt de la définition de la radicalisation, selon la Cellule investigation. Pour certains syndicats, il y a risque d’interpréter « des signes religieux et de jeter l’opprobre sur des personnes qui ne font que pratiquer leur religion (dans les locaux de la police ?) ». La direction générale de la police nationale a un avis différent, se sachant capable de repérer une pratique musulmane radicalisée (mais le simple fait de pratiquer l’islam dans les locaux de la police nationale n’est-il pas déjà une forme de radicalisation ?). En tout cas, Franceinfo considère que la surveillance voulue par le ministère de l’intérieur est trop large puisque Castaner veut faire « remonter des signaux faibles », comme « le fait qu’il n’y avait pas de porc lors des pots organisés en présence de Mickaël Harpon » — l’assassin des quatre policiers de la préfecture de police de Paris le 3 octobre 2019.
Il serait choquant de sélectionner des membres des services de renseignement sur « des pratiques religieuses et que des interdits alimentaires fondent une autorisation ou pas à participer à un service de renseignement. Donc un agent de renseignement vegan doit aussi être signalé ? », se demande l’interlocuteur trouvé par la Cellule investigation, Floran Vadillo, « spécialiste du renseignement », au style proche de Benalla, président du think tank L’Hétairie et ancien conseiller spécial du garde des sceaux du parti socialiste Jean-Jacques Urvoas, ce dernier condamné par la Cour de justice en septembre 2019 à un mois de prison avec sursis et 5000€ d’amende pour violation du secret professionnel.
Signaux faibles et confusion des esprits
Deux point remarquables :
- il n’est pas interdit de penser qu’exclure le porc d’un pot au prétexte que l’un des agents est musulman est un signal plutôt élevé que faible.
- la comparaison avec les vegans suffit à retirer toute crédibilité au Think tank de ce pseudo expert. Depuis quand une guerre est-elle menée par les vegans à l’échelle mondiale contre tout ce qui est différent d’eux, guerre responsable de morts en très grand nombre ?Les journalistes ont un interlocuteur aux arguments encore plus percutants en la personne de Noam Anouar, le syndicaliste déjà évoqué : « À partir du moment où on va aller chercher dans leur vie privée en mettant des fonctionnaires sur écoute, en essayant de savoir si les fonctionnaires avaient tendance à demander des jours de congés quand c’était l’Aïd, ou quand c’était vendredi… Je pense qu’on viole le principe d’égalité, parce qu’un fonctionnaire breton, athée, qui demande un jour de congé le vendredi, on ne va pas le soupçonner. Mais s’il est supposé musulman et qu’il s’appelle Mohamed, on va en faire un critère de radicalisation. »
Ce syndicaliste, qui est peut-être musulman est un étonnant policier dont les compétences ne lui permettent pas de saisir que bretons et athées, actuellement, ne massacrent pas des populations entières au nom de dogmes totalitaires. Il en va de même pour Sofiane Achatib, responsable juridique du syndicat Unsa-police, qui insiste sur des exemples : un fonctionnaire qui n’a pas bu d’alcool à un pot ou qui n’a pas fait la bise car il était malade.
Circulez y’a rien à voir
La conclusion du reportage tombe comme un couperet : « Selon les informations de la cellule investigation de Radio France, aucune des enquêtes administratives lancées après le 3 octobre 2019 n’a pu établir, à ce stade, qu’il existe, dans la police, des cas de radicalisation violente. »
Un exemple typique du fonctionnement journalistique sur Franceinfo. Alors que quatre policiers ont été tués par un collègue musulman, auquel on donnait le privilège de ne pas croiser le moindre gramme de porc lors d’un pot, dans les locaux même de la préfecture de police de Paris, un tueur ennemi de la France, membre des services de renseignement durant de longues années, infiltré et ayant accès, pour une puissance ennemie de la France, l’islam radical, à des informations sensibles, les journalistes de Radio France se demandent si regarder de plus près qui sont les policiers musulmans de la police nationale et par ce biais repérer éventuellement de futurs assassins ou espions ne serait pas « une chasse aux sorcières ». Avec des témoins bien choisis, deux musulmans et un ancien conseiller d’Urvoas.
Pour nos confrères de Franceinfo, la problématique des musulmans présents au sein des forces de l’ordre, c’est un délit de sale gueule qui leur serait imposé. Le lundi 3 février un militaire musulman attaquait une gendarmerie en Moselle. Le réel revient parfois en boomerang.