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François, ce pape de gauche que les médias regretteront

26 avril 2025

Temps de lecture : 5 minutes
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François, ce pape de gauche que les médias regretteront

Temps de lecture : 5 minutes

Lundi 21 avril 2025, le pape François est décédé d’un AVC.

Âgé de 88 ans et depuis quelques temps dans un état de san­té préoc­cu­pant, il était pape depuis douze ans. Aujourd’hui, la gauche veille à repren­dre à son compte son bilan et son héritage, fait assez rare quand il s’agit de la reli­gion catholique.

Les médias ont leur pape de gauche

Après Jean-Paul II et Benoît XVI, le pape François a mar­qué la sphère médi­a­tique pour des pen­chants qui, sou­vent pro­gres­sistes, sem­blaient moins con­ser­va­teurs que le précé­dent pape. Un trait qui per­met à divers médias de le class­er à gauche, un plaisir dont ils ne se privent pas. Cour­ri­er Inter­na­tion­al titr­era « Mer­ci, François, pape le plus à gauche de l’histoire » et rap­portera que selon San­ti­a­go Alba Rico, philosophe, « enfer­mées dans leur anti­cléri­cal­isme, les forces pro­gres­sistes ont raté l’occasion de s’appuyer sur le pape pour faire avancer leurs combats ».

La récupération d’un pape

Parce qu’un pape de gauche, c’est rare. Alors, quand il meurt, les hom­mages sont dithyra­m­biques. La Vie pub­lie un texte de Jean-Luc Mélen­chon, présen­té dans le cha­peau comme le « co-prési­dent de l’Institut de la Boétie ». Jean-Luc Mélen­chon est aus­si fon­da­teur et leader de La France insoumise, mais cela ne sera pré­cisé par le jour­nal qu’en petit, en légende de la pho­to d’illustration. Jean-Luc Mélen­chon présente donc le pape François comme celui par qui le « chris­tian­isme a cessé d’être une théorie abstraite à l’usage de la bonne con­science bour­geoise », grâce à qui il « repre­nait place par­mi les ver­tus de l’insoumission active face à l’ordre injuste qui détru­it les êtres et leur écosys­tème. » Sub­tile récupéra­tion politique.

Le pape François, celui que la droite déteste souvent

Les médias le dis­ent et le répè­tent : le pape François était de gauche, il était de leur camp, et d’ailleurs la droite le haïs­sait. La droite, c’est-à-dire pour les médias la majeure par­tie des catholiques. Cour­ri­er Inter­na­tion­al affirme que « la droite, en par­ti­c­uli­er dans sa vari­ante trump­iste, est désor­mais prête à pren­dre sa revanche » à l’occasion de l’élection du futur pape, et qu’elle « con­sid­érait ce pape comme un héré­tique et un enne­mi, l’Antéchrist qu’il fal­lait com­bat­tre et ren­vers­er, con­tre lequel elle a con­spiré et con­tin­ue de con­spir­er dans le secret des cat­a­combes réac­tion­naires. » Le Point sem­ble d’accord lorsqu’il affirme que « jamais aucun pape n’au­ra été soumis à autant de pres­sions que François ». Ni Jean-Paul II, qui subit une ten­ta­tive d’assassinat, ni Benoît XVI, ni Pie XII, dont la mémoire fut et est encore souil­lée, ni aucun autre. Le pape François, lui, « fut placé sous le feu con­stant des cri­tiques » et « fut la cible de nom­breux réseaux conservateurs. »

La droite pas si élogieuse du pape François

Il faut recon­naître aux médias de gauche qu’ils n’ont pas for­cé­ment tort : les médias de droite ne sont pas si chaleureux envers le pape François. La gauche par­le d’ouverture aux pau­vres et aux lais­sés pour compte, la droite par­le d’un com­porte­ment mal ajusté. On con­naît la sym­pa­thie du pape François pour les pop­u­la­tions d’Afrique et du Moyen-Ori­ent, soit par com­pas­sion et sol­i­dar­ité envers les pop­u­la­tions migrantes, soit par désir de dévelop­per le dia­logue avec l’islam. Cette sym­pa­thie l’a poussé à être rel­a­tive­ment peu acerbe envers le Hamas. Le Figaro lui reproche d’avoir mul­ti­plié « les mes­sages de sou­tien aux Pales­tiniens », « et con­damné plus sou­vent les bom­barde­ments israéliens con­tre le Hamas que les actions du groupe ter­ror­iste ». Bref, le pape François était le pape du Sud, « l’exact opposé de Jean-Paul II », qui « grâce à son courage et à la con­vic­tion qu’il fal­lait tou­jours défendre les démoc­ra­ties » a, selon Le Figaro, joué un grand rôle dans la fin de la Guerre froide.

Le pape François, cantonné à son rôle social

Les médias souhait­eraient que l’Église soit pau­vre au ser­vice des pau­vres. Ils souhait­eraient égale­ment qu’elle ne soit que cela, et qu’elle laisse aux États le soin de tout le reste. À com­mencer par la diplo­matie. Le Figaro explique ain­si que sur la guerre entre l’Ukraine et la Russie, « François a mul­ti­plié les gaffes et les faux pas », et le com­pare même à Emmanuel Macron, qui n’est pas par­ti­c­ulière­ment en odeur de sain­teté dans les colonnes du Figaro. Le pape François aurait ain­si « longtemps épargné de ses cri­tiques le patri­arche russe Kir­ill, ancien agent du KGB comme Vladimir Pou­tine, dont il est l’un des fidèles sou­tiens poli­tiques. » Un dia­logue des­tiné à nouer des liens avec l’orthodoxie, au prix, selon le quo­ti­di­en, de l’attention que l’on devait à l’Ukraine. « Le dia­logue stérile qu’il a longtemps main­tenu avec le chef de l’Église ortho­doxe russe fait penser à celui qu’Emmanuel Macron avait entretenu, en vain, la pre­mière année de la guerre, avec Vladimir Pou­tine. » Que Le Figaro taille ain­si une croupière au pape François, cela n’a rien d’étonnant. Ça l’est plus lorsque Le Monde se met au dia­pa­son et évoque « une série d’errements, d’erreurs de juge­ment et d’ambiguïtés de la part de Jorge Bergoglio ».

Aimé des médias de gauche, qui n’ont jamais de mots trop durs pour les catholiques, et gênant aux entour­nures nom­bre de catholiques, notam­ment dans les milieux clas­siques et tra­di­tion­nels, le pape François aura été un pape tourné vers l’extérieur. « Au fond, François restera sans doute comme un pape aimé hors de l’Église, con­tro­ver­sé en son sein », peut-on con­clure avec Jean-François Colosi­mo, dans L’Express. À suivre.

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