C’est sous ce titre provocateur et (trop ?) sympathique pour leurs confrères que deux journalistes publient un livre stimulant sur l’avenir des médias. François Morel, patron de presse à la longue carrière (Figaro, Les Échos, Le Parisien) et Jean-Michel Salvator (Europe 1, Figaro, BFM) ont uni leurs efforts pour analyser le passage du plomb au digital, et l’accélération du temps, compressé jusqu’à l’immédiateté.
Plus de changements en 60 ans qu’en 600 ans.
Dans un entretien (Le Figaro, 4 mai 2019) avec Marie-Laetitia Bonavita, Salvator constate l’accélération continue : les sites internet apparaissent en 1996, les applications de l’iPhone débarquent en 2007, puis la 4G.
« Tout est désormais disponible partout et pour tout le monde ».
Cette immédiateté impose le rapprochement de tous les styles de presse auparavant compartimentés : « le texte, la photo et la vidéo sont désormais disponibles sur le même support ». Les algorithmes, les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle renforcent encore la vitesse des différents processus.
La presse papier pas morte
Qui aurait imaginé dans les années 80 la disparition de France-Soir ? Qui se souvient de Combat ? Qui aurait pensé que Libération passerait du gauchisme chevelu à la défense du monde libéral-libertaire à la suite de rachats par les grandes fortunes, Rotshchild ou Drahi ? Qui aurait imaginé que Bernard Arnault injecterait 400 millions d’euros dans Le Parisien ? Et pourquoi ? Des questions que le livre n’approfondit pas vraiment. A contrario et à juste titre, les auteurs constatent que la qualité paie, donnant l’exemple du New York Times, redevenu profitable, en partie grâce à la mobilisation du camp anti-Trump mais aussi par une politique du payant. On pourrait citer également le Guardian anglais qui a réussi à fédérer une communauté de lecteurs donateurs/abonnés autour d’une vision libérale.
Réseaux sociaux et populisme
« Les réseaux sociaux, c’est le meilleur et le pire », comme la langue d’Esope. Le mouvement des gilets jaunes est parti d’une simple vidéo d’une anonyme interpellant Emmanuel Macron sur l’augmentation des carburants. Une manière de rétablir une sorte de démocratie directe. On regrettera que le phénomène des fake news/infox ne soit pas analysé sous un angle plus critique.
La conclusion est en forme de vœu pieux :
« Face aux dérives des réseaux sociaux, les bons journalistes ont un mérite : aller à la source de l’information et la vérifier. Rien de plus, rien de moins ».
C’est vrai pour les bons journalistes. L’est-ce encore pour ceux qui veulent rééduquer le public plus que l’informer ?
François Morel, Jean-Michel Salvator, Les journalistes sont formidables, Calmann-Lévy, 2019, 484p, 19 €.