De notre envoyé spécial. Coïncidence du calendrier, le Président Macron et la Ministre de la Culture se sont croisés à Tours le jeudi 16 mars 2018. Mais alors que le Président visitait écoles et centres d’apprentissage, la Ministre précisait, devant les journalistes réunis à Tours, son programme de lutte contre les fausses nouvelles.
La démocratie en danger
D’emblée, la Ministre sonnait le tocsin. “Notre démocratie est menacée par les fake news, qui alimentent la défiance”. Si les bobards ont toujours existé, le numérique en accroît la vitesse de diffusion et amplifie leur audience. Au moment où quatre journalistes (au Brésil, Turquie, Yemen et Slovaquie, liste sans doute non exhaustive) ont été tués dans leur travail dans le premier trimestre de l’année en cours, Nyssen salue les journalistes “vigies de la démocratie”, leur travail, leur rigueur, leur déontologie, un discours lénifiant qui ne pouvait que plaire à l’auditoire. Si l’arme des journalistes est la déontologie, l’arme de l’État c’est le droit. Et l’État macronien entend protéger les journalistes, sans doute un peu gênés de tant de sollicitude.
Des précisions sur le projet de loi
Indépendamment de la future loi, l’État se portera au secours de Prestaliss (le principal distributeur de la presse écrite avec 75% du marché) en pleine déconfiture après des années folles de salaires somptueux, de sureffectifs et de gestion au petit bonheur la chance. Pas sûr que ce xème plan de sauvetage soit plus efficace que les précédents, mais les patrons des grands groupes de presse qui contrôlent les quotidiens ont obtenu satisfaction.
La future loi (en discussion) comporterait deux volets. Un volet concernant les “médias étrangers” en période électorale En réalité un article écrit sur mesure contre Russia Today et Sputnik, deux médias publiant en français et contrôlés par l’agence russe d’État. Le CSA pourrait suspendre ces médias temporairement, voire leur interdire d’émettre par tous moyens administratifs.
Le deuxième volet concerne la diffusion de “fausses nouvelles” sur les réseaux sociaux, avec un mot clé la “responsabilisation” des acteurs du numérique (les GAFA). Primo, ceux ci auront “un devoir de coopération avec l’État”. Sous peine de sanctions imagine t’on. Secundo, en période électorale les contenus sponsorisés devront faire preuve de transparence : origine de l’information, identité du financeur, montant du financement. Tertio, toujours en période électorale, un juge des référés pourra en 48 heures bloquer une “fausse nouvelle”, voire faire supprimer un compte.
Les critiques et les limites
Le Président des Assises Thomas Sotto a exprimé ses doutes, constatant les bonnes intentions, doutant de l’efficacité, et ajoutant que le “contrôle de l’information” fait cohabiter deux mots qui ne font pas bon ménage. Certains ont fait remarquer que le juge s’instituait en arbitre des vérités (voire de la Vérité tout court). La ministre a rétorqué que pour qu’une information soit censurée, elle devrait obéir à trois conditions : être manifestement fausse, être diffusée massivement, être diffusée artificiellement. La campagne contre François Fillon lors de l’élection présidentielle de 2017 ne tomberait pas, par exemple, sous le coup de la loi.
Encadrer le public dès la jeune enfance
Tout ceci ne suffira pas ajoute la Ministre qui annonce un “programme éducatif à déployer massivement”. Elle doublera le budget destiné à l’éducation des médias qui passera de 3 millions d’euros annuels à 6 millions. Elle souhaite recruter 400 jeunes du service public pour porter la bonne parole dans les écoles, des sortes de janissaires du Bien. Et de citer le très lamentable Educ Arte comme exemple à suivre. Quand on connaît le rôle néfaste du CLEMI, véritable machine à décerveler paleo socialiste, on peut s’inquiéter sur le futur de nos jeunes têtes blondes. Une fois de plus l’enfer se révèle pavé de bonnes intentions…
Crédit photo : Ojim. Licence (BY NC)