Malheureuse Françoise Nyssen, empêtrée dans la loi sur les fake news dont nous avons dit ici tout le mal qu’il fallait en penser, elle se prend les pieds dans le tapis avec une bonne volonté (naïveté ?) consternante dans la discussion sur la réforme de l’audio-visuel public.
La ministre de la culture a présenté le 4 juin 2018 ses orientations pour la réforme de l’audio-visuel public. Rappelons que le 4 décembre 2017 le président de la République surprenait son monde, en parlant de « honte de la République » pour définir le secteur des médias publics.
Jeu de chaises musicales
Exit le PDG de Radio France Matthieu Gallet remplacé par Sibyle Veil, exit Laurent Hoog à l’AFP remplacé par Fabrice Fries. En congé maladie depuis de longs mois, Olivier Schrameck, le Président du CSA, est remplacé temporairement par Nicolas Curien, le doyen des membres du Conseil. De quoi déstabiliser le système.
Les grandes orientations
Pas de grandes économies, le chiffre de 800 millions d’euros à trouver anciennement évoqué a été raboté autour de 200/300 millions. Suppression de France 4, dont la fréquence pourrait (si le CSA l’approuve) être confiée au nouveau FranceInfo à la fois radio et télévision, ou donnée à une chaine « jeunes ». Priorité au digital pour toucher les jeunes générations, possible suppression en métropole de France Ô la chaine de l’outre-mer, plus de polyvalence entre les différents médias publics (il faudra harmoniser les statuts, bon courage !), davantage de programmes régionaux pour France 3 (en harmonie avec France Bleu) et un président commun pour tous ces médias, les pistes de réformes ne manquent pas sans pour autant vérifier le big bang que certains annonçaient ou espéraient. Par contre la volonté de reprise en mains est elle très marquée.
Une volonté politique sans ambiguïté
Un ministre doit avoir une volonté politique. Au service de son administration certes mais surtout au service de tous les administrés qui financent le monstre étatique par la redevance. C’est ici qu’il faut citer in extenso les propos de la ministre. Verbatim :
« Un média engagé enfin doit être le miroir de nos différences, d’un sexe et de l’autre, ou des deux, de toutes les couleurs, de toutes les origines, les urbains, les ruraux, de toutes les différences. Le pays des Lumières sur ce sujet, de la diversité, est hautement réactionnaire. Avec une volonté politique sans ambiguïté, notre média engagé changera les mentalités sur le terrain.
Delphine [1], tu as dû te sentir bien seule lorsque tu portais un constat à la fois évident et courageux, tu sais, l’homme blanc de plus de 50 ans, vous vous en souvenez ? Tu n’es plus seule.
Je porterai cette exigence avec autant de passion qu’au sein de mon ministère, je n’aurai pas de tabou. Vos référents en la matière ne sont pas assez écoutés, je vous demande de les renforcer, ils seront réunis au sein d’un comité unique chargé de mener le combat et de proposer des objectifs ambitieux qui seront repris dans le cahier des charges de chacune des sociétés. »
Boufre ! ORTF le retour, comme au bon temps d’Alain Peyrefitte alors ministre de l’information. Peyrefitte qui annonçait lui-même un nouveau format de journal télévisé en 1963, vous pouvez voir la séquence de l’INA ici. Un exercice qui nous semble bien daté. Bien daté et pourtant. Ce que propose Madame Nyssen est il si différent des propos d’un ministre de l’information ? Elle annonce un comité unique, une sorte de soviet choisi par elle, sur des critères de fidélité et de docilité peut-on deviner. Ce superbe comité unique que va t’il faire ? Il va offrir aux français un média public à la fois professionnel et économe, faire respecter le pluralisme idéologique que peut espérer le payeur moyen de la redevance ? Que nenni, il va mener le combat. Un combat sans ambiguïté car le nouveau secteur public sera un média engagé (il l’était déjà, mais on peut s’attendre à un raidissement).
Puis s’adressant à sa copine (excusez la familiarité, mais la ministre l’appelle par son prénom), Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, elle lui rappelle le bon vieux temps, le temps de la chasse. Quelle chasse ? La chasse à l’homme blanc de plus de 50 ans. Imaginons qu’elle revendique une autre chasse, tiens par exemple la chasse à la femme noire de moins de 30 ans… Ouh là ! Attention Françoise, la chasse n’est pas ouverte pour ce gibier. En ce moment l’ouverture c’est pour le mâle blanc (le mal blanc) exclusivement. Vous pouvez voir ici le portrait de Delphine Ernotte, notre moderne Diane chasseresse.
Citoyens rentrez chez vous, vous vivez dans un pays hautement réactionnaire, mais vous allez être rééduqués : le comité unique engendrera un média engagé qui va changer sur le terrain vos mentalités. Avec une volonté politique sans ambiguïté. Une nouvelle traduction de 1984 de George Orwell vient de sortir chez Gallimard, l’Ojim va l’offrir à Françoise Nyssen, c’est cadeau.
Crédit photo : Didier Plowy via Wikimédia (cc)