Scène surréaliste à l’Assemblée nationale le mercredi 9 avril 2025 : des journalistes du média Frontières sont pris à parti par des députés et des collaborateurs de La France Insoumise (LFI), du Parti socialiste (PS) et du Parti communiste (PCF).

Les faits : violence contre des journalistes dans le temple de la démocratie française
Un incroyable et violent coup de pression dans l’enceinte de la démocratie représentative française. Deux journalistes de Frontières, dont la jeune Louise Morice, présentant La Matinale de la chaîne YouTube du média, ont subi un véritable coup de pression, acculés contre un mur sur un parvis, par une foule compacte, aux cris de « Frontières casse-toi ! L’Assemblée n’est pas à toi ! ». Les services de sécurité heureusement sont intervenus afin d’exfiltrer les deux journalistes. Au vu des images, il n’est pas interdit de se demander ce qu’ils auraient sinon subi. Notons que les journalistes de Frontières, étaient accrédités avec une carte de presse.
Un numéro sur LFI
Cet évènement fait suite à la parution d’un numéro du magazine Frontières, qualifié « d’extrême-droite » par la majorité de ses confrères, consacré à La France Insoumise (LFI) et surtout à une partie de ses députés et de leurs collaborateurs. Frontières enquête et apporte des éléments permettant de se demander si LFI ne serait pas « Le parti de l’étranger ».
Selon les trois partis politiques (LFI, PC, PS), ainsi que pour la CGT, c’est cette parution qui aurait entraîné le rassemblement de membres de LFI, mais aussi de députés socialistes et communistes dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Les images montrent un Raphaël Arnault, député La France Insoumise, ancien dealer et double fiché S hilare.
160 pages de dossier et une cartographie
Au sein des 160 pages du dossier, une enquête fouillée, se trouve une cartographie de collaborateurs et collaboratrices pointant du doigt des accointances avec, par exemple, des groupes islamistes, racistes, antisémites ou faisant ressortir des parcours douteux. Un peu comme le font l’ensemble des médias aux sujets des membres du Rassemblement National ou de Reconquête lors des élections, Frontières s’est attaché à déterrer des brebis potentiellement galeuses. La traque de profils douteux, pour Médiapart, Libération, Le Monde, Radio France etc, ne l’est pas pour Frontières.
Les images parlent d’elles-mêmes. Les journalistes sont violemment acculés contre un mur, poussés, victimes de coup de coudes et d’insultes ainsi que de tentatives de se saisir de leurs téléphones portables.
La majorité des médias inversent la réalité
Globalement, le narratif imposé par la presse majoritaire le jour même et les jours suivants est une inversion de la réalité. Les victimes deviennent les coupables. Le jour même, FranceInfo rend compte d’un « incident ». L’article publié sur son site considère que la cause des violences n’est pas liée à ceux qui ont empêché des journalistes d’exercer leur travail, s’attaquant ainsi autant à la liberté d’expression que d’informer. La cause serait l’enquête de Frontières. En somme, pas d’enquête, pas de réaction. Un peu de médias fiction ? Imaginons que des députés du Rassemblement National ou de Reconquête, s’ils en avaient, réagissent de cette sorte suite aux articles profilant régulièrement certains de leurs candidats à chaque élection. Cela provoquerait une levée de boucliers. La presse majoritaire hurlerait à un nouveau 6 février 1934 ou à la prochaine advenue d’une attaque sur le Capitole. Pour cette presse, les évènements seraient liés à une « provocation des journalistes de Frontières ». Pas seulement les médias du reste, puisque la présidente de l’Assemblée nationale, sous pression d’un Bureau majoritairement de gauche, a expliqué que les accréditations devraient être revues. Condamnant les « incidents », Madame Braun-Pivet affirme par ailleurs : « De plus, dans l’enceinte de l’Assemblée nationale doivent être respectées des règles de comportement qui sont nécessaires à la sérénité des débats parlementaires. En particulier, aucune démarche pouvant s’apparenter à une mise en scène ou à des provocations, quelle qu’en soit la nature, ne saurait être tolérée ». Difficile de ne pas repenser au discours de J.D. Vance sur la liberté d’expression en Europe, lors de la récente conférence de Munich sur la sécurité.
Réactions quasi identiques du Monde à Télérama
FranceInfo n’est pas un cas unique. L’immense majorité des médias enchaîne sur le même thème. Dans son édition du 10 avril 2025, Le Monde est encore plus précis en sous-titrant son article : « La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a appelé au « respect des règles de comportement » et entend le rappeler « à Frontières » qui a reçu le soutien du RN jusque dans l’hémicycle ». A aucun moment le comportement violent des agitateurs de l’enceinte de l’Assemblée n’est critiqué.
Pire encore pour Télérama qui considère que Frontières « fiche les assistants parlementaires ». Comme attendu, la télévision en ligne proche de LFI Le Média consacre une émission à l’évènement, « Au coeur de l’actu ». Pour ce média, les choses sont claires : Frontières est identitaire, raciste et xénophobe et les journalistes de Frontières sont ici qualifiés de « nouvelle engeance ». Pour L’Humanité et Les Ecologistes c’est la présence des journalistes de Frontières qui constitue un « trouble manifeste à l’ordre public », pas la manifestation visant à les évincer et à empêcher l’expression d’une voix discordante dans le débat public. Libération se réjouit vendredi 11 avril 2025 : « Yaël Braun-Pivet menace le média d’extrême droite Frontières de lui retirer son droit d’accès à l’Assemblée ». Pendant ce temps l’hebdomadaire Marianne considère que Frontières « surfe sur la télé-réalité parlementaire ». Pour Médiapart, sans surprise, cette affaire est un « mauvais coup du RN et du magazine Frontières ».
Des voix discordantes peu nombreuses
Peu de voix vont à l’encontre de la parole inversant coupables et victimes. Le Journal du Dimanche évoque une « soumission à la gauche, CNews juge l’évènement et la réaction des autorités de l’Assemblée comme étant incroyables, avant tout politiques, visant peut-être à terme à censurer Frontières, tandis que Guillaume Tabard, dans le Figaro daté du samedi 12 avril 2025, évoque l’inversion des valeurs qui voit des victimes dans les coupables et des coupables dans les victimes. Selon lui, « Dans cet épisode, les équipes de Frontières étaient conscientes du risque de clash. Leur intention est claire : montrer l’intolérance de la gauche radicale. On peut déplorer ce procédé, mais il est de plus en plus fréquent et il a été d’abord éprouvé dans des réseaux d’ultra-gauche venant par exemple filmer des policiers pendant des manifestations, misant, là aussi, sur une réaction permettant de crier à la « violence policière ». Plus précisément : « C’est bien l’identité politique de Frontières qui est jugée par principe coupable par ceux qui — au nom de la démocratie ! — réclament son interdiction ».
Le dimanche 13 avril le site de Frontières était inaccessible, avec une page vide laissant penser à une attaque.
Paul Vermeulen