Rediffusion. Première diffusion le 6 mai 2018
Les 21 et 22 avril 2018, Génération identitaire menait une opération au Col de l’Échelle, dans les Alpes, près de Briançon. Une action qui a fait grand bruit. L’OJIM a écouté ce que radios, télévisions et réseaux sociaux en ont dit.
Une action qui s’est invitée jusqu’à l’Assemblée Nationale.
L’OJIM a déjà analysé l’événement, juste après l’action menée par Génération identitaire : on retrouvera ce premier article ici. Puis avec un peu de recul, pour avoir une vision d’ensemble : l’article est ici.
Au vu du poids des radios, réseaux sociaux et télévisions dans le paysage médiatique, il est intéressant de faire un focus sur la manière dont ces médias ont rendu compte des menées des Identitaires. Un rappel toujours utile : d’après un sondage réalisé à la demande de l’hebdomadaire Valeurs Actuelles et publié le 26 avril 2018, 76 % des Français souhaitent être consultés par référendum au sujet de la politique migratoire de la France. Notons aussi que l’action s’intitulait « Defend Europe », une expression qui gêne globalement les médias, de toute nature, étant donné son caractère non nationaliste. Chez les Identitaires, ce qui pointe c’est plutôt la notion de « préférence de civilisation », notion d’ailleurs théorisée par un Institut, distinct de Génération Identitaire, qui vient de publier son Manifeste.
Pourquoi ces précisions ? Une raison simple : trois semaines après l’action menée dans les Alpes, force est de constater l’inculture politique de la majeure partie des journalistes prenant la parole ou la plume au sujet des courants identitaires, inculture caractérisée par :
- Le fait de reprendre automatiquement les mêmes mots et paragraphes, la plupart du temps récupérés dans une dépêche AFP, parfois copiés collés sur internet.
- Le sentiment que ces journalistes découvraient l’existence des Identitaires donne sérieusement à penser au sujet de ce qui s’enseigne dans les écoles de sciences politiques ou de journalisme.
Un surprenant contexte ?
Plusieurs faits étonnent tandis que radios et télévisions essaient (parfois) de rendre compte de ce qui s’est passé dans les Alpes et de ce qu’est Génération Identitaire.
Durant deux semaines, aucune des émissions de radio et de télévision ayant consacré des reportages ou des débats à l’action de Génération Identitaire n’a invité un de ses membres à s’exprimer. Ce qui est encore plus choquant concernant les débats : Génération Identitaire est une organisation politique associative reconnue par la République, et donc légale ; l’action conduite dans les Alpes est également légale. La procédure judiciaire un temps ouverte a été fermée au bout de 48 heures. Une image parmi d’autres vient à l’esprit : le logeur des djihadistes, par exemple, assassins du Bataclan, omniprésent dans le petit écran.
La parole a été donnée à l’un des représentants de Génération Identitaire… le 1er mai 2018. Mieux vaut tard que jamais, sans doute. C’était dans Bourdin direct.
Début mai, Facebook ferme les comptes de Génération Identitaire, bien qu’aucun tribunal n’ait condamné l’organisation pour des faits entrant dans la charte du réseau social. Cette fermeture est liée à la demande d’une “Ligue de Défense noire africaine”, mouvement luttant contre la négrophobie et le racisme, prônant le respect de la communauté noire et menant des actions sociales & humanitaires.
Ce compte Twitter et sa page Facebook qui parlent de « soldats » au sujet de ses membres, est suivi par… 250 personnes, est totalement inconnu, existe… peut-être ? Et obtient la fermeture du compte d’une organisation suivie sur Facebook par plus de 120 000 personnes, dont les idées sont en ce même moment en train de faire débat dans l’ensemble de la presse, et du pays. Surprenante conception de la démocratie et de la liberté d’expression. Sur son compte Twitter, Jean-Yves Le Gallou indique ceci :
Pour info: le patron de Facebook en France est @laurentsolly ex @TF1 ex chef de cab de @NicolasSarkozy : messieurs les censeurs bonsoir! @DefendEuropeID #collabosphere https://t.co/zqYfQZeMS0
— Jean-Yves Le Gallou (@jylgallou) May 2, 2018
La fermeture n’a sans doute pas été demandée que par le groupuscule Twitter cité plus haut. C’est ce que semble laisser entendre cet étrange tweet de Frédéric Potier :
Je confirme, et ce n’est pas un incident technique… 😉 https://t.co/GfvSwUNPQ2
— Frédéric Potier (@PotierFred) May 2, 2018
Il n’est pas anodin de signaler que Frédéric Potier est le monsieur lutte contre « le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT » de la République française. Un fonctionnaire dont le domaine de compétences s’exerce dans à la DILCRAH.
Bien qu’ayant mené une enquête fouillée, nous n’avons :
‣ pas trouvé de traces (sur aucune image, dans aucun article, aucune intervention de ses membres) de propos ou actes assimilables au « racisme, antisémitisme, haine anti LGBT » perpétrés par des militants de l’action Defend Europe menée dans les Alpes.
‣ de même, malgré toutes nos recherches, nous n’avons pas trouvé trace d’un quelconque rendu de tribunal ou d’une procédure judiciaire ayant conduit à la condamnation de l’action menée par Génération Identitaire pour cause de « racisme », « antisémitisme » ou « haine anti LGBT ».
Du coup, une question simple se pose : au sein d’un État de droit, républicain, comment le représentant du gouvernement responsable de la Dilcrah, Frédéric Potier, justifie-t-il le fait de demander (« ce n’est pas un incident technique », écrit-il) la suspension de la liberté d’opinion et d’expression à l’encontre d’une association légale à caractère politique n’ayant en rien enfreint la loi, dans son domaine de compétences comme par ailleurs ?
Quelques exemples du traitement radio et télévision de Génération Identitaire
France 2, relayé par Francetvinfo. JT du 23 avril, soir.
L’accroche :
Génération identitaire : enquête au cœur de l’extrême droite
Une centaine de militants de Génération identitaire se sont installés sur le col de l’Échelle (Hautes-Alpes) le week-end des 21 et 22 avril. Un hélicoptère devait les aider à repérer les migrants. L’opération aurait coûté 30 000 euros. Comment a‑t-elle été financée ?
Les mots sont choisis : « extrême droite », « repérer les migrants », « coût », « financement ». Aucun hasard. Le reportage déroule : « groupuscule d’extrême droite », « anti islam », « anti migrants », triplant le nombre de ses adhérents… Les images montrent des jeunes qui manifestent avec le slogan « On est chez nous » (rien n’indique que les manifestants en question sont membres de Génération Identitaire), puis des actions plus anciennes de l’organisation comme l’« irruption sur le chantier de la mosquée de Poitiers » en 2012 ou la « patrouille en Méditerranée » en 2017. Vient ensuite un témoignage d’un « militant qui aide les migrants », s’interrogeant sur l’origine de l’argent des identitaires, alors que « nous, on est toujours à faire avec des bouts de ficelle… ».
Repérer contre aider, les verbes on du sens.
Le commentateur ne met pas en perspective :
‣ les raisons des actions militantes des identitaires : pas un mot sur la question des migrations.
‣ les propos de son témoin permettant de faire évoluer le reportage vers la question du financement : qui finance et quelles sommes pour les associations d’aide aux migrants, les structures d’accueil, tout ce qui est mis en place ou fourni par l’État ? Pas de questionnement en ce sens, par contre.
30 000 euros pour l’action dans les Alpes, une somme qui paraît importante aux yeux du journaliste, financée par des « chefs d’entreprise » (la fameuse interprétation antifas vieille comme les Années 30 de la collusion « extrême droite/Capital »). Suivent des images du FN, lequel serait influencé par Génération Identitaire. Un expert est invité : Dupin, auteur des… éditions de la Découverte, éditeur très à la gauche de la gauche. La boucle est bouclée : sur France 2, au sujet des idées de l’enracinement, ce sont des conceptions de gauche qui parlent entre gens de gauche. À destination du peuple de France ?
France Inter ou l’occasion de militer. 22 avril
Contre le “manque de courage politique” du gouvernement ?
Le groupe, qui a également patrouillé en hélicoptère au-dessus du site — et prévoit pour dimanche d’y faire voler des drones et un avion biplace — demande le “blocage définitif” du col. “L’objectif est tout simple, il est de montrer aux pouvoirs publics qu’avec un minimum de motivation, un peu de détermination et des moyens relativement sommaires par rapport aux nôtres, on a la capacité de bloquer la frontière”, a expliqué sur France Bleu Provence Romain Espino, porte-parole du mouvement.
“Si les pouvoirs publics ne le font pas, c’est soit qu’ils sont bloqués par leurs carcans idéologiques, soit qu’ils manquent cruellement de courage politique”.
Pourquoi la loi “asile et immigration” déclenche-t-elle les passions ?
Pour Pierre Henry, directeur général de l’association France Terre d’Asile, trop, c’est trop : il demande la dissolution de ce mouvement qui compte dans ses rangs des Français, mais aussi des militants venus de toute l’Europe. “Ca suffit maintenant, ces actions répétées contre les migrants avec des moyens considérables. Ce n’est pas possible dans un état de droit de tolérer ce type d’actions et de propos. C’est la raison pour laquelle ils ont été interdits de manifester en novembre dernier au préfet de Paris et signalés au procureur par le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme”.
Passes d’armes à l’Assemblée nationale
Cette opération a indigné de nombreux utilisateurs sur les réseaux sociaux… mais aussi une partie des parlementaires, qui ont évoqué le sujet en plein débat sur la loi asile et immigration à l’Assemblée nationale. La présidente du groupe socialiste, Valérie Rabaud, a interpellé le ministre de l’Intérieur : “Je vous demande de réaffirmer l’autorité de l’Etat”. Elle a été suivie par le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon : “Gérard Collomb, nous ne sommes pas à l’abri de ces fous, et c’est votre devoir de nous protéger et de protéger les migrants qu’ils veulent agresser”.
“Ne tombez pas dans ces panneaux”, a prévenu le ministre, qui a demandé aux parlementaires de ne pas faire de publicité pour ce groupe : “C’est le piège que vous tend aujourd’hui Génération Identitaire. Nous condamnons ces gesticulations”, a‑t-il déclaré.
Mais pour certains députés, Gérard Collomb et son projet de loi sont en partie responsables de cette situation : “On vote une loi très dure sur l’immigration : un certain discours gouvernemental nourrit, quelque part, cette confiance des groupuscules d’extrême-droite”, accuse Eric Coquerel (FI). “C’est assez immonde que de faire croire que des milices d’extrême-droite qui s’attaquent à des gens en situation de précarité dans une frontière pourraient être portés par un texte de loi en cours d’examen, ça ne sert personne”, répond Olivier Vérand, député marcheur de l’Isère.
Une nervosité palpable sur tous les bancs des parlementaires, qui a également donné lieu à un accroc entre Jean-Luc Mélenchon et le député FN Gilbert Collard, et à laquelle la longueur des débats n’est bien sûr pas étrangère.
L’essentiel de l’information insiste sur une double critique :
‣ celle de Génération Identitaire et de ses idées
‣ celle de la loi asile et immigration présentée comme trop dure.
Des choix qui ne sont pas anodins.
- RTL ou l’occasion de militer (bis): 28 avril
Des médias et de l’humour à sens unique, rien de bien neuf dans les studios, à partir de 1’25 sur RTL (l’humoriste est « tombée de l’armoire ») :
La question serait celle… du « cœur pur »… Elle est habillée en noir mais ne porte pas son brassard.
- Le Média ou l’occasion de militer (ter): 24 avril
Il y aurait ici « une internationale fasciste », avec « beaucoup d’argent ». À voir ici :
Le mot « néo nazi » apparaît évidemment. L’invitée explique que le Bien consiste à aider des illégaux à traverser… illégalement… une frontière.
Globalement, et ce n’est pas une surprise, l’image rendue de l’action de Génération Identitaire oppose le camp du Bien (la gauche sous toutes ses formes) et le camp du Mal (les idées d’enracinement et identitaires). Une chose est certaine : les médias officiels semblent dépassés par le réel. L’image du monde qu’ils veulent donner ne passe plus : les Français voient clairement le monde réel derrière le voile des images médiatiques construites.
Crédit photo : © Génération Identitaire