Première diffusion le 08/11/2018 — L’Observatoire du journalisme (Ojim) se met au régime de Noël jusqu’au 5 janvier 2019. Pendant cette période nous avons sélectionné pour les 26 articles de la rentrée qui nous ont semblé les plus pertinents. Bonne lecture, n’oubliez pas le petit cochon de l’Ojim pour nous soutenir et bonnes fêtes à tous. Claude Chollet, Président
Nous avons souvent évoqué à l’Observatoire l’activité multiforme de George Soros dans les médias et comme un des intervenants majeurs dans une politique d’influence globale libérale libertaire. Le premier livre en français consacré à Soros vient de paraître aux éditions Le Retour aux sources, sous la signature de Pierre-Antoine Plaquevent. Avec l’autorisation de l’éditeur, nous en publions les bonnes feuilles sur quatre articles. Le premier analyse l’origine des fonds de George Soros, la spéculation contre les monnaies. Certains intertitres sont de notre rédaction.
George Soros, prédateur de la finance internationale
C’est réellement dans les années 90 que George Soros va se rendre célèbre auprès du grand public par son action boursière la plus retentissante : l’attaque contre la banque d’Angleterre en septembre 1992 lors du célèbre « mercredi noir » ; jour qu’il appellera quant à lui « mercredi blanc ». Une attaque financière au cours de laquelle il empochera 1,1 milliard de dollars en 24 heures grâce à une opération menée contre la livre sterling. Spéculant sur le fait que la Banque d’Angleterre ne pourrait relever ses taux pour protéger la livre et la maintenir dans le Système monétaire européen, Soros commença à vendre massivement la devise :
« Après avoir vendu des quantités impressionnantes de livres sterling pour les racheter moins cher après, Soros et son équipe ramassaient une mise supérieure à un milliard de dollars ! Un record. Ce fut, selon les termes de Norman Lamont, le ministre des finances britanniques de l’époque, « le casino le plus délirant de l’Histoire ». Pendant cette nuit de folie, un témoin a raconté que Georges Soros était « en proie à une intense exaltation ». Il n’arrêtait pas de dire à ses équipes : « Vendez, vendez, il faut continuer à vendre. » (1)
« Il traita au téléphone avec son adjoint Druckenmiller pour 10 milliards de dollars. Quand la livre sortit du SME avec une baisse de 14 % face au mark, il gagna 1 milliard, tandis que Kovner, un autre hedge fund, gagna 300 millions de dollars. Les 8 principales banques américaines empochèrent 800 millions. » (2)
Soros qui avait observé attentivement les tendances politiques et économiques en Europe, prédit que Londres augmenterait ses taux d’intérêt afin de défendre la livre mais qu’elle finirait par être dévaluée. Il appelle en renfort certaines des plus grandes banques américaines dans la préparation de cette opération d’ampleur, la curée se prépare :
« À la fin du premier semestre 1992, il bâtit une stratégie d’investissement. Elle repose sur une ligne de crédit de 15 milliards de dollars que Quantum se voit accorder en contrepartie d’une garantie de 1 milliard de dollars, c’est ce que l’on appelle un effet de levier. Il rallie aussi à sa cause d’autres fonds d’investissement (Caxton Corp, Jones Investment…) et des grandes banques américaines (JP Morgan, Chase Manhattan, Bank of America), les persuadant que la livre sortirait bientôt du Système monétaire européen. » (3)
(…)
Après l’Angleterre, l’Italie
C’est à la même époque et avec une méthodologie similaire, que George Soros s’attaquera ensuite à la lire italienne. Entre l’été et l’automne 1992, la Banque d’Italie pulvérisera ainsi une partie de ses réserves à hauteur de 48 milliards de dollars « dans une défense inutile du taux de change, commandée par le chef du gouvernement Giuliano Amato et le ministre Piero Barucci. » (4)
Encore aujourd’hui la perte réelle subie par la Banque d’Italie reste un mystère. Les journaux transalpins ont avancé des chiffres colossaux et un gain pour le spéculateur George Soros de plus d’un milliard de dollars. Soros commentera froidement cette séquence, démontrant par là ce que recouvre sa prétendue philanthropie : « L’attaque spéculative contre la lire était une opération financière légitime. Je m’étais basé sur les déclarations de la Bundesbank, qui disait que la banque allemande ne soutiendrait pas la monnaie italienne. Il suffisait de savoir les lire. Les spéculateurs font leur travail, ils n’ont pas de fautes à se reprocher. Celles-ci, si elles existent, sont celles des législateurs qui permettent à ces spéculations d’avoir lieu. Les spéculateurs ne sont que les messagers des mauvaises nouvelles ». (5)
Puis le yen et le franc français
L’année suivante, en 1993, le fond Quantum attaquera tour à tour le yen et le franc. « Je ne spécule pas contre le franc », clame alors George Soros dans une interview au Figaro, « je ne veux pas être accusé de détruire le système monétaire européen ». Préconisant une dévaluation de « seulement 3,6 % » du franc pour sortir la France de son couplage avec la Bundesbank, il encouragera de fait l’action des spéculateurs. Il mettra alors en échec Édouard Balladur qui avait basé sa politique économique sur un franc fort, une baisse des taux et la maîtrise des déficits publics. George Soros déclara ouvertement sur TF1 le 31 juillet 1993 : « le franc est tombé. Si votre gouvernement ne le comprend pas, les marchés vont le forcer à le faire. » Le Nouvel Économiste titrait alors : « Qui veut la mort de l’Europe ? ». Une question toujours tragiquement d’actualité. (…)
C’est finalement en 1992 que George Soros deviendra l’homme le mieux payé de Wall Street avec 650 millions de dollars accumulé en 12 mois. En 1993 ses biens personnels atteindront cette fois 1,1 milliard de dollars. C’est la plus grande quantité d’argent gagnée en une année à Wall Street à l’époque. Dès lors sa fortune ne fera qu’augmenter, passant de 7,2 milliards de dollars entre 2004 et 2006, à 24,9 milliards pour l’année 2016 selon le classement Forbes. (6)
Fin 2017 il transmettra 18 milliards d’euros de sa fortune personnelle vers l’Open Society Foundations. (7) (…)
Un réseau de réseaux entremêlés
Comme nous l’avons déjà exposé, la plupart de ses biographes officiels et Georges Soros lui-même nous présentent sa fortune démesurée comme le résultat d’un trajet personnel : celui d’un homme qui se serait quasiment construit tout seul face à l’adversité. Il aime ainsi à se présenter comme un outsider qui serait arrivé par la seule force de son travail et de son intelligence à atteindre les sommets de la haute finance internationale. Mais une fortune aussi grande serait impensable sans être impliqué est implanté dans tout un ensemble de réseaux et de clubs parmi les plus influents de la planète. Comme par exemple le célèbre Council on Foreign Relations (CFR) dont il est l’un des membres influents. Le CFR est un think tank américain qui rassemble depuis 1921 les personnes les plus importantes du milieu des affaires, de l’économie et de la politique américaine. Il est l’un des organes officieux où s’élabore la politique étrangère de l’empire américain depuis les années 20. (8)
L’étrange groupe Carlyle
En tant que membre du CFR, George Soros sera à l’origine de la création en Europe de l’European Council of Foreign Relations dont nous reparlerons plus loin. George Soros fait aussi partie de l’International Crisis Group (ICG), créé par un autre membre du Council on Foreign Relations : Morton Abramowitz, ancien président de la Fondation Carnegie. Mais surtout George Soros fait partie des investisseurs du groupe Carlyle, un groupe qui pèse à lui seul 188 milliards de dollars, constituant ainsi le premier groupe d’investissement privé de la planète. L’École de Guerre Economique – EGE — a publié en France plusieurs études très documentées sur ce groupe tentaculaire :
« Le groupe Carlyle est un fond d’investissements qui lève des capitaux auprès des institutions financières et des fortunes privées. A partir de son siège situé à Washington DC, le groupe gère plus de 535 investisseurs dans 55 pays. Parmi les 535 investisseurs on trouvait il y a peu la famille Ben Laden (Saoudi Binladen Group). (…) Avec treize milliards de dollars d’actifs en gestion, des participations dans 164 sociétés employant plus de 70 000 personnes à travers le monde, et 16 milliards de revenus par an : le Carlyle Group est, de son propre aveu, le premier groupe d’investissement privé de la planète. De fait, 450 institutions lui font confiance, et non des moindres : banques d’affaires internationales, compagnies d’assurance, fortunes privées des émirats pétroliers, fonds de pension publics et privés » (9)
Le journal le Monde avait publié le 30 avril 2004 un long article sur le groupe Carlyle :
« La collection de personnages influents qui travaillent, ont travaillé ou ont investi dans le groupe ferait l’incrédulité des adeptes les plus convaincus de la théorie du complot. On y retrouve entre autres : John Major, ancien premier ministre britannique, Fidel Ramos, ancien président philippin, Park Tae Joon, ancien premier ministre de la Corée du Sud, le prince saoudien Al-Walid, Colin Powell, actuel secrétaire d’Etat, James Baker III, ancien secrétaire d’Etat, Caspar Weinberger, ancien secrétaire à la défense, Richard Darman, ancien directeur du budget à la Maison Blanche, le milliardaire George Soros et même des membres de la famille Ben Laden. On peut ajouter à cette liste Alice Albright, la fille de Madeleine Albright, ancienne secrétaire d’Etat, Arthur Lewitt, ancien président de la SEC (le gendarme de Wall Street), William Kennard ex-patron de l’autorité des télécommunications (FCC). Enfin, il faut ajouter, parmi les Européens, Karl Otto Pöhl, ancien président de la Bundesbank, feu Henri Martre, qui a été président de l’Aerospatiale, et Etienne Davignon, ancien président de la Générale de Belgique ». (10)
On pourrait encore ajouter dans ses membres : George Bush père et fils ou Olivier Sarkozy et David Rubenstein, co-fondateur du groupe Carlyle et co-président de la Brookings Institution, participant de la réunion du groupe Bilderberg de 2017 et 155 ème fortune du classement Forbes. La Brookings Institution est classée quant à elle par l’influente revue Foreign Policy, comme le premier think tank américain en 2009. Son précédent président, Strobe Talbott, fut ministre adjoint des Affaires étrangères de Bill Clinton. (11) (…)
Notes
(1) « L’incroyable histoire de George Soros, milliardaire, spéculateur et mécène. » Anne-Marie Rocco
(2) lesechos.fr/03/08/2009/lesechos.fr/300367269_saul-eisenberg–l‑ami-israelien-des-chinois.htm
(3) valeursactuelles.com/economie/1992-george-soros-fait-chuter-la-livre-29737
(4) Corriere Della Sera — Lunedi 27 gennaio 1997
(5) Corriere Della Sera — Lunedi 27 gennaio 1997
(6) ibillionaire.me
(7) francais.rt.com et fortune.com
(8) cfr.org
(9) carlyle.com, infoguerre.fr/fichiers/carlyle_group.pdf, voltairenet.org
(10) libertesinternets.wordpress.com
(11) foreignpolicy.com
Soros et la société ouverte, Le Retour aux sources éd. octobre 2018, 366p, 25 €. Site de l’éditeur : leretourauxsources.com
Crédit photo : Heinrich-Böll-Stiftung via Flickr (cc)