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Gilets jaunes et médias déconnectés du réel : un cas d’école, Isabelle Saporta sur RTL

18 janvier 2019

Temps de lecture : 5 minutes
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Gilets jaunes et médias déconnectés du réel : un cas d’école, Isabelle Saporta sur RTL

Temps de lecture : 5 minutes

Outre l’incompréhension entre « ceux qui ne sont rien » et « les premiers de cordée » du système politique en place, la crise des gilets jaunes révèle un autre malaise : celui qui oppose une grande partie de la France populaire aux « élites » médiatiques. Un cas d’école avec la chronique d’Isabelle Saporta sur RTL.

Ce n’est évidem­ment pas la pre­mière fois depuis le début de la crise que RTL s’en prend verte­ment aux gilets jaunes. L’intervention d’Isabelle Sapor­ta est cepen­dant un mod­èle du genre. La chronique est dif­fusée en direct chaque jour dans RTL matin, ani­mé par Yves Calvi. Elle s’intitule « C’est comme ça ». Le titre du jour ? Gilets jaunes : les jour­nal­istes sont des médi­a­teurs de la République. Yves Calvi donne la parole à Isabelle Sapor­ta ain­si : « Vous voulez revenir ce matin sur les vio­lences inad­mis­si­bles dont ont fait preuve cer­tains gilets jaunes, notam­ment à Rouen à l’encontre d’une équipe de nos con­frères de LCI ».

Saporta file la métaphore militaire

Sapor­ta étant elle-même jour­nal­iste, le ton de la chronique, que l’on peut réé­couter ici, est con­va­in­cu et la métaphore mil­i­taire : à qui s’attaquent les gilets jaunes en s’en prenant aux jour­nal­istes ? « Aux troupes qui vont au plus près du ter­rain, aux troupes qui fil­ment le désar­roi des gilets jaunes, aux troupes qui met­tent en lumière les vio­lences poli­cières quand elles ont lieu ; ce sont ces troupes-là qu’il faudrait punir ? Les punir de quoi au juste, de faire leur méti­er ? ».

Édi­fi­ant. La pro­fes­sion ne s’interroge pas sur la seule vraie ques­tion : pourquoi une telle défi­ance vis-à-vis de ces « médi­a­teurs de la République » que seraient les jour­nal­istes ? Des esprits taquins répon­dront que c’est la faute de ceux qui cri­tiquent la pro­fes­sion, comme L’Ojim ou Acrimed. Plus sérieuse­ment, la ques­tion devrait être pro­longée par celle-ci : que font ou ne font pas les jour­nal­istes et qui entraîne cette défi­ance ? Et pourquoi pas : que se passe-t-il, à chaque élec­tion, sur tous les médias, quand il s’agit de choisir entre deux can­di­dats, dont l’un est un clone idéologique de l’immense majorité des journalistes ?

Isabelle Sapor­ta voit d’autres raisons que cela : « Qu’est-ce qui les gêne ? Que les jour­nal­istes témoignent aus­si de la vio­lence qui s’est emparée d’une par­tie des gilets jaunes ? Et quand les gilets jaunes empêchent des quo­ti­di­ens de la presse régionale de paraître, à qui s’en pren­nent-ils encore ? (…) Et qui témoign­era encore quand il n’y aura plus de journalistes ?

De la défiance ?

Inter­ven­tion de Calvi, expli­quant en s’appuyant sur le dernier baromètre du CEVIPOF, qu’il y « a une défi­ance crois­sante de nos conci­toyens vis-à-vis des médias ». Les médias n’ayant que 23 % de con­fi­ance. « Oui, Yves, nous les jour­nal­istes, nous sommes comme les maires, comme les syn­di­cats, des corps inter­mé­di­aires, passeurs d’informations vers le haut et vers le bas, c’est notre job pour que la république fasse encore société ». L’auditeur se frotte les yeux : est-il réelle­ment pos­si­ble que le stu­dio mati­nal de RTL n’ait pas con­science de la prin­ci­pale source de cette défi­ance : la dif­fu­sion quo­ti­di­enne d’une infor­ma­tion for­matée sociale-libérale ou libérale-sociale, qui ne s’ouvre à d’autres con­cep­tions du monde que pour les atom­iser au son de la reduc­tio ad hitlerum ? « Le prob­lème c’est qu’aujourd’hui, on paie très cer­taine­ment des excès de notre pro­fes­sion mais on paie surtout les excès lan­gagiers d’hommes et de femmes poli­tiques qui nous ont accusé d’être des col­la­bos du système ».

Violence et silence

La chroniqueuse repro­duit la cause exacte de ce dont elle se plaint : le mépris pour ces hommes et femmes qui pensent autrement, et surtout elle ne voit pas la vio­lence qui est faite régulière­ment con­tre ces per­son­nal­ités poli­tiques mais aus­si con­tre nom­bre d’intellectuels. C’est de cette vio­lence, ou du silence qui est aus­si une vio­lence, que découle ce que subis­sent cer­tains médias pour­tant, de même pour cette accu­sa­tion de « col­labo ». Qui ignore com­bi­en les médias ont col­laboré à l’élection de Macron et con­tribuent à ce que la majorité des Français ne soient pas représen­tés, en dia­bolisant aux sons de « l’extrême » toute con­cep­tion autre que celle de l’idéologie libérale cul­turelle dom­i­nante ? Il n’est que d’écouter un média offi­ciel un matin, si l’invité est mem­bre du RN (comme aus­si dans une moin­dre mesure des Insoumis), en péri­ode d’élection, pour saisir où est le prob­lème. Vient alors le soupçon de com­plot, évidem­ment, Sapor­ta iro­nisant : « parce que nous seri­ons tous ven­dus au grand cap­i­tal, c’est bien con­nu ». Il est vrai que les prin­ci­paux médias… sont pos­sédés par 10 mil­liar­daires et que selon Reporters dans fron­tières la France arrive en 33e posi­tion en ce qui con­cerne la lib­erté de sa presse. Autre exem­ple du prob­lème : Isabelle Sapor­ta ne sem­ble pas con­sciente de ces faits. Pire : « Même le prési­dent de la république se défie de nous, nous seri­ons inca­pables de saisir sa pen­sée com­plexe. En un mot, nous seri­ons ou ven­dus ou trop cons ».

La chronique se ter­mine comme il est d’usage dans les prin­ci­paux médias, par le con­stat pré­ten­du d’une absence d’alternative : Sapor­ta le dit, c’est nous les vrais et gen­tils jour­nal­istes, neu­tres et inno­cents, respon­s­ables de rien dans la défi­ance évo­quée, ou bien ce sera le chaos des réseaux soci­aux aux mains des GAFFA dont « les patrons sont mul­ti mil­liar­daires » et des fake news… « Et d’ailleurs qui les démonte les fake news ? ». Isabelle Sapor­ta pou­vait pos­er une autre ques­tion, comme par exem­ple qui finance le décodex du Monde ? C’est comme ça, ter­mine-t-elle, c’est vrai et cela ne risque pas de s’améliorer au vu de l’absence com­plète de regard cri­tique de la pro­fes­sion sur elle-même.

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