C’est un superbe coup d’édition que viennent de réussir les éditions Ring de David Serra. En obtenant les droits pour la France du verbatim de l’entretien réalisé en juin 2011 entre Julian Assange, alors assigné à résidence en Angleterre et Eric Schmidt – le fondateur de Google et son état-major.
Le contexte
En mai 2011 Assange est en résidence surveillée dans la campagne du Norfolk à trois heures de Londres. L’entretien avait été proposé par Jared Cohen, à la tête de Google Ideas. Le prétexte, un livre à écrire par le couple Schmidt/Cohen. Cohen venait du Département d’État (ministère des affaires étrangères) américain.
En juillet 2010 Assange avait commencé à publier via Wikileaks des milliers de câbles diplomatiques américains. Il accélère le mouvement fin 2010, en publiant plus de 250.000 au total. Le 1er décembre 2010 Amazon supprime Wikileaks de ses serveurs. Au même moment, Bank of America, Visa, Mastercard et PayPal suppriment les comptes de Wikileaks.
Moins d’un mois après le début de la publication des premiers documents Assange est accusé de viol par la justice suédoise (accusation abandonnée depuis) et menacé d’expulsion vers les États-Unis. L’Équateur lui accorde l’asile politique mais le Royaume-Uni l’empêche de prendre l’avion et l’assigne à résidence avec bracelet électronique. En juin 2012 il se réfugiera à l’ambassade d’Équateur à Londres où il se trouve toujours au 16 mai 2018.
Les protagonistes
Vous trouverez le portrait d’Assange ici. Pour les autres, Schmidt est ingénieur de formation, ancien cadre dirigeant de Sun Microsystems, il est engagé par les fondateurs de Google en 2001. Les liens entre Google, la NSA et le Pentagone sont anciens et resserrés. Jared Cohen est un ancien conseiller d’Hillary Clinton, lié aux mouvements néoconservateurs américains et avocat du potentiel réformateur des technologies de la Silicon Valley comme instrument de la politique étrangère américaine. Lisa Shields, la compagne de l’époque de Schmidt, est elle aussi liée au Département d’Etat tout comme le dernier participant Scott Malcomsom qui entrera officiellement au Département d’Etat trois mois plus tard.
Le débat
Tout au long de la journée du 23 juin 2011 et pendant trois heures les protagonistes échangent librement mais c’est surtout Schmidt qui pose les questions et Assange qui répond. Les lecteurs doivent se reporter au livre, passionnant et vibrant de bout en bout, démontrant que la devise de Google Don’t be evil (ne soyez pas diabolique) cache en réalité son contraire. Comme l’indique la page de garde :
Headphones connected to the headphones
Headphones connected to the iPhone
iPhone connected to the Internet
Connected to Google
Connected to the governmentCasques connectés aux casques
Casques connectés à l’iPhone
iPhone connecté à l’Internet
Connecté à Google
Connecté au gouvernement
Julian Assange, Google contre Wikileaks, l’histoire secrète de ma confrontation avec le président de Google, éditions Ring, mai 2018, 261 p, 18 €