Lancé par Google en octobre 2020 pour tenter de pacifier ses relations avec la presse, le service « News Showcase », déjà présent dans une vingtaine de pays et utilisé par plus de 1800 publications, est disponible en France depuis le 25 octobre. Souvent accusée par les groupes de presse d’utiliser du contenu par le biais de son moteur de recherche sans en payer le prix, la firme californienne semble avoir trouvé l’astuce pour calmer la fronde des médias se sentant floués : payer les éditeurs de presse pour utiliser son outil « News Showcase ».
Une vitrine d’exposition
Cet outil devrait permettre d’augmenter la surface de visibilité des publications écrites des journaux ayant passé un accord avec Google. En effet, le moteur de recherche ne permet plus simplement de consulter les résultats d’une recherche par mots-clés (grâce à Google Actualités et Google Discover), mais propose désormais une fenêtre supplémentaire présentant les productions éditoriales du jour des titres concernés.
Après avoir critiqué les pratiques de Google pendant plusieurs années, les dirigeants de la presse française sont désormais enthousiastes et évoquent « une nouvelle expérience d’accès à l’information » (Pierre Petillault, directeur général de l’Alliance de presse d’information générale — AGIP) ou encore « une vitrine d’exposition [des] articles payants […] pour recruter de nouveaux abonnés » (Jean-Nicolas Baylet, directeur général de La Dépêche).
Le problème des droits voisins enfin résolu ?
L’affaire des droits voisins dure depuis plusieurs années et consiste en un différend entre les éditeurs de presse et la société Google, les premiers tentant d’obtenir une rémunération pour l’utilisation de leurs contenus par la plate-forme américaine. Une directive européenne a été adoptée en ce sens en 2019 et un accord entre Google et l’AGIP a été signé en janvier 2021 pour la transposer dans le droit national français.
C’est dans le cadre de ce bras de fer — complètement déséquilibré au profit du géant américain — que 65 éditeurs représentant au total 130 publications se sont récemment entendus avec Google, qui rémunérera désormais ces éditeurs pour pouvoir reprendre leurs contenus.
Impossible en revanche de connaître les détails de ces rémunérations. Elles se feront au cas par cas et ne risquent de n’être dévoilées qu’a posteriori. L’AFP a par exemple déjà signé un contrat de ce type avec Google fin 2021 pour cinq ans sans communiquer le montant de la rémunération.
Tordre le bras à Google, vraiment ?
Il est de bon ton de prétendre que l’Union européenne et ses États membres seraient en croisade contre les géants de la tech. En France, Google a écopé d’une amende de 500 millions d’euros en juillet 2021 pour ne pas avoir négocié de « bonne foi » la rémunération due aux éditeurs et aux agences de presse. Une décision on ne peut plus compréhensible et louable, mais d’un montant risible au vu du poids financier de la société américaine.
Contrairement à ce que pourrait laisser croire cette hypocrisie européenne consistant à mettre en scène une bataille contre l’influence écrasante des GAFAM, les accords en matière de droits voisins et leur dernier volet français ayant trait à la mise en place de l’outil « News Showcase » débouchent à bien des égards sur une avancée des positions de Google et certainement pas sur un recul de ses dernières.
Pour peu cher, le nouvel outil du géant américain permet d’augmenter le volume des contenus que Google reprend aux éditeurs de presse. Il facilitera la pratique du scrolling et poussera les consommateurs de médias à rester sur Google pour s’enquérir de leur ration quotidienne d’informations. Par ailleurs, les accords étant négociés au cas par cas, Google se retrouve dans une position de force pour décider de s’accorder ou non avec un média pour que ce dernier puisse accéder au Graal du référencement grâce à la plate-forme américaine.
Ce sont bien évidemment — et sans doute exclusivement — les médias de grand chemin qui se verront accorder quelques deniers par Google en échange d’un petit gain de visibilité. Pour s’en convaincre, il suffit de citer quelques titres faisant partie des 65 éditeurs venant de signer un accord avec la société maîtresse en matière de référencement sur la toile : 20 minutes, L’Equipe, l’Express, le Figaro, Le Monde, Le Parisien, La Dépêche, La Provence, etc… Google assoit ainsi un peu plus sa domination, alors que le tri idéologique au sein du paysage médiatique se radicalise.