Suite de notre dossier.
Voir aussi : GPA : derrière le romantisme des médias, une réalité sordide. Première partie
Deuxième partie : le mensonge de la GPA éthique
GPA éthique, argument médiatique
La GPA éthique, une solution pour éviter les dérives ?
Les médias rétorqueront que les dérives à l’œuvre dans certains pays pauvres sont la preuve que la France doit autoriser une « GPA éthique ». La Croix donne pour cela tribune à Valérie Depadt, maître de conférence en droit privé. Selon elle, la GPA pratiquée au Québec est éthique parce que « c’est une pratique sans argent, qui prend en compte l’intérêt des couples, des femmes et des enfants ». Selon elle, admettre la GPA en France « avec nos principes encadrés comme on sait le faire » limiterait les dérives. « Nous avons la chance d’avoir en France des lois relatives à la bioéthique avec des grands principes respectés à la lettre » explique-t-elle, sans paraître se soucier des amendements successifs aux lois bioéthiques, qui montrent au contraire qu’en France, dans ce domaine, la loi a tendance à suivre la pratique, et donc à ne maintenir que faiblement des limites.
La GPA éthique, un argument publicitaire
En réalité, la GPA ne peut pas être éthique, il ne s’agit que de merchandising : les agences de mères porteuses, qui ont bien compris que leurs clients veulent ignorer qu’ils participent à la traite d’êtres humains, donnent des consignes strictes aux mères porteuses. Ne pas parler d’argent avec les clients, maintenir un discours du merveilleux et du don. Les agences affirmeront qu’aucune ne veut faire partie de la vie de l’enfant. Le narratif a très bien fonctionné avec Marc-Olivier Fogiel, journaliste, dont l’histoire est racontée par Paris Match. La renonciation de la mère porteuse à ses droits n’est pas un sacrifice mais une « formalité administrative », qui ne pose aucun problème puisqu’elle est dans une « démarche altruiste ». La mère porteuse du couple décrit sa charge comme une « vocation » et affirmera qu’il « n’y a pas de lien à défaire puisqu’elle n’en a jamais tissé » avec l’enfant.
Les mères porteuses en deuil
Les médias reprennent cette vision de femmes heureuses et fières de donner la vie pour les autres, et bien peu prennent la peine de faire des recherches dignes de ce nom. Ou bien peut-être l’ont-ils fait, et ont-ils choisi d’évacuer les résultats de leurs recherches. Car la réalité est un peu différente. Certaines font état de douleurs et de « deuil », et regrettent une « positivité toxique » au sein des agences. Le Telegraph rapporte les propos de l’une de ces femmes : « on vous présente cela comme quelque chose de merveilleux, un bel acte désintéressé qui ne pourra que vous rendre heureuse, alors que je me sens utilisée, manipulée et dévastée. »
La GPA, un marché de l’enfant
Un eugénisme soigneusement tu
Dans une gestation par autrui, le couple qui achète un enfant souhaite qu’il ait certaines caractéristiques. Le choix des gamètes qui vont constituer l’embryon permet de choisir son sexe, sa taille, la couleur de ses yeux, et même son quotient intellectuel, par une technique développée en Chine. Le sperme danois est particulièrement prisé pour ses fortes probabilités de provenir d’un grand blond digne de l’héritage viking. Quant à savoir ce qui peut arriver aux embryons qui, une fois implantés, se révèlent décevants, ils sont évidemment avortés. Une agence précise que si les « parents d’intention » demandent à la mère porteuse d’avorter en raison des « conditions médicales de l’enfant », « elle s’exécutera dans les meilleurs délais ». Autrement, le contrat avec elle prend fin immédiatement. Rappelons ici que les mères porteuses sont souvent des femmes en situation de précarité, et que la grossesse, pour qui n’habite pas en France, n’est pas anodine financièrement parlant.
Les enfants non-conformes abandonnés
En plus du sort qui attend les mères porteuses, le sort des enfants non-conformes montre bien l’inexistence, et même l’impossibilité d’une GPA éthique. Les enfants non-conformes, ce sont les ratés de cette pratique que les médias voudraient peindre comme une fantastique solution à l’infertilité. Lorsqu’on met des dizaines de milliers d’euros dans un projet, on tient à ce qu’il se réalise dans les moindres détails. Lorsque tel n’est pas le cas, on estime légitime à refuser le produit livré. En 2020, en Californie, deux hommes se lancent dans un processus de GPA pour avoir deux garçons. C’est leur rêve, ils ont déjà les prénoms, et même les comptes Gmail. 300 000 dollars et un an plus tard la mère porteuse accouche… d’une fille. Le couple attaque la clinique. Citons également ce couple qui a découvert que l’enfant qui lui était livré avait des traits ethniques qui ne correspondaient pas à leur ADN, alors qu’il était supposé avoir été conçu avec leurs gamètes. Après avoir mené un test, ils ont découvert que les gamètes de l’homme n’avaient pas été utilisées à cause, probablement, d’une erreur de manipulation. Résultat, l’enfant a été confié à l’adoption. L’affaire, datant de juin 2022, n’a été publiée que par quelques sites de niches comme Magicmaman, les médias ne la trouvant apparemment pas intéressante.
Des conséquences psychologiques importantes
Même lorsque tout se passe bien, que la mère porteuse convient au couple, qu’elle accouche, que l’enfant convient, qu’il est accueilli et éduqué, la GPA laisse des traces qui, là encore, ne sont pas mises en lumière car trop négatives. En témoigne Olivia Maurel, née par GPA dans l’Etat du Kentucky. Aujourd’hui adulte et mère, elle a souffert toute sa vie d’un sentiment d’abandon, de l’impression de ne pas être à sa place et d’une distance inexplicable avec sa mère. On en trouve un deuxième exemple dans l’histoire d’un enfant né par GPA et vendu à un couple d’hommes. Sa mère avait obtenu un droit de visite toutes les six semaines. Or, début 2022, le couple a tenté de lui retirer ce droit, expliquant que les visites envoyaient « un message déroutant et potentiellement nuisible », qu’il n’y avait dans leur famille « aucune place disponible » pour la mère, et surtout qu’après les visites, l’enfant était « plus collant, instable et pleurant ». Cela n’a rien d’étonnant. Certaines vidéos visibles sur les réseaux sociaux montrent le désarroi des nouveaux nés lorsqu’on les pose sur une personne qui n’est pas leur mère. Dans le cas de cet enfant, le juge ne s’y est pas trompé et a demandé que cette relation soit « sécurisée » pour répondre aux « besoins à long terme » de l’enfant.
À suivre.