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Grand remplacement : Le Monde invente une citation de Barrès

5 décembre 2019

Temps de lecture : 4 minutes
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Grand remplacement : Le Monde invente une citation de Barrès

Temps de lecture : 4 minutes

Nous avons déjà consacré une série d’articles au sujet « Renaud Camus devant les médias ». En complément, nous y revenons sous un angle particulier, celui de la citation tronquée. Il fut un temps éloigné, que les plus anciens connaissent, où Le Monde était considéré comme un « quotidien de référence ». Cette époque est déjà lointaine. Le Monde est devenu un journal militant dont les enquêtes ne brillent pas toujours par la rigueur et la fiabilité. Une récente affaire nous le démontre.

Le 11 novem­bre 2019, Le Monde a con­sacré un arti­cle à Renaud Camus. Le jour­nal­iste du quo­ti­di­en parisien est allé voir l’écrivain dans son château du Gers. Cette ren­con­tre n’a vis­i­ble­ment pas changé la per­cep­tion néga­tive (le mot est faible) que le jour­nal vespéral a de Renaud Camus. Dès le titre, on apprend que l’article nous mèn­era en le ren­con­trant « aux orig­ines de la haine ».

Dans cette généalo­gie, et pour soutenir la thèse selon laque­lle la théorie du grand rem­place­ment est « aux orig­ines de la haine », la jour­nal­iste du Monde ne recule devant rien.

Maurice Barrès appelé à la rescousse par Le Monde

Alors que Renaud Camus a voulu avec le con­cept de grand rem­place­ment désign­er le change­ment accéléré de la com­po­si­tion de la pop­u­la­tion qui est à l’œuvre en France, la jour­nal­iste du Monde l’inscrit dans « la ques­tion cen­trale du con­trôle eth­nique intérieur ». Avec une telle fil­i­a­tion, on n’est pas loin des « heures les plus som­bres de l’histoire » (la cita­tion est de nous). Et le jour­nal­iste d’appeler à la rescousse René Binet, un trot­skiste devenu Waf­fen SS…

Alors que Renaud Camus par­le nom­bre et change­ment de cul­ture, Le Monde cherche une orig­ine au con­cept du grand rem­place­ment dans le pas­sage « comme une grande par­tie de l’extrême droite, de l’antisémitisme à l’islamophobie ». Et d’appeler à la rescousse « l’antidreyfusard Mau­rice Bar­rès » qui aurait util­isé cette expres­sion à la fin du 19e siècle.

C’était sans compter sur la vig­i­lance d’un jour­nal­iste, Lau­rent de Boissieu, qui par une rapi­de recherche sur inter­net le 20 novem­bre n’a trou­vé aucune occur­rence con­cer­nant Mau­rice Bar­rès à sa requête sur le grand remplacement.

Désintox de France info

La rubrique Dés­in­tox de France Info rap­pelle le 29 novem­bre que sur France cul­ture, un jour­nal­iste a égale­ment affir­mé que le terme de « grand rem­place­ment » fig­u­rait dans un roman de Mau­rice Barrès.

Or, il appa­rait des recherch­es de France info que le terme de grand rem­place­ment n’a pas été util­isé par Mau­rice Bar­rès mais a été cité par un his­to­rien, Lau­rent Joly, qui a voulu « syn­thé­tis­er la pen­sée de l’écrivain ». Un grand exer­ci­ce de véri­fi­ca­tion des sources par le Monde, France Info et France cul­ture

Autre procédé tout aus­si con­testable du Monde, l’association de la théorie du grand rem­place­ment aux atten­tats meur­tri­ers à Christchurch en Nou­velle Zélande et à El Paso aux États-Unis. Un sophisme par asso­ci­a­tion que Le Monde ne reprend pas entre l’islam et les atten­tats ter­ror­istes islamistes, qui ont fait selon un récent rap­port de la fon­da­tion Fon­dapol 167 000 morts depuis 1979. Imag­ine-t-on un arti­cle du Monde inti­t­ulé « Islam : aux orig­ines de la haine ? ».

Renaud Camus en procès

Tout cela prêterait à rire si l’association de la « haine » à Renaud Camus s’arrêtait là. L’écrivain a com­paru fin novem­bre devant le tri­bunal d’Auch pour « inci­ta­tion à la haine raciale et à la vio­lence ». Si les tweets incrim­inés sont mal­heureux, Renaud Camus récuse toute haine. Pour­tant, dans le réc­it qu’il fait de son procès, « il n’a été ques­tion que de sa haine, et de ses inci­ta­tions à la haine ».

L’écrivain et jour­nal­iste Olivi­er Maulin a con­sacré dans l’édition du 28 novem­bre de Valeurs actuelles un arti­cle à Renaud Camus à l’occasion de la réédi­tion de six textes poli­tiques. Sa lec­ture per­met de rétablir un bal­anci­er qui sem­ble avoir dan­gereuse­ment penché dans un sens.

« Comme pour Zem­mour, il ne faut jamais se fier aux dénom­i­na­tions stal­in­i­ennes libel­lées dans les plaintes qui l’accablent. Les grotesques « inci­ta­tions à la haine » con­ti­en­nent autant de vérité que les accu­sa­tions de sab­o­tage en URSS ».

Cha­cun se fera son opin­ion, de préférence en lisant l’auteur plutôt que le jour­nal­iste qui a lu l’auteur qui a lu l’auteur….

Voir égale­ment notre série « Un Renaud Camus peut en cacher un autre » :

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