Dans le cadre de la reprise de Bouygues Télécom par Orange, la question de l’avenir de TF1 n’est pas franchement marginale, comme le laissent pourtant entendre les intéressés qui démentent de plus en plus mollement la perspective d’une reprise de TF1 par l’opérateur public.
Elle fait plutôt figure de cerise sur le gâteau dans le contexte des grandes manœuvres politiques qui se dessinent autour de l’échéance de 2017.
Certes, la perspective d’une prise de contrôle de TF1 par Orange complique les discussions avec les autorités de régulation. Outre celle des télécoms et de la concurrence, et, peut-être Bruxelles, il faut désormais ajouter le CSA.
Toutefois, malgré les propos très évasifs des dirigeants des deux groupes, et les difficultés liées aux enjeux de la régulation, les discussions se poursuivent avec détermination.
Cette volonté de faire passer TF1 dans le giron d’Orange, où l’État reste un actionnaire de référence avec 24% du capital, pourrait-elle donner son sens à la surprenante décision récente du CSA qui autorise LCI à émettre gratuitement sur la TNT, à la grande fureur d’Alain Weill, le patron de NextRadioTV ? BFMTV se piquait-il trop de son importance par rapport au pouvoir pour ne pas être rappelé à l’ordre ?
Politique, quand tu nous tiens !
Les pièces du puzzle se mettent en place, et il n’est pas totalement absurde de penser, pour manier la litote, que ce cadeau accordé à la galaxie Bouygues, qui sauve la chaine info du groupe, puisse entraîner une certaine « bienveillance » de TF1 à l’égard du futur président-candidat socialiste.
Dans le même temps, Stéphane Richard, le président d’Orange, pourrait lui aussi ne pas être insensible à cette dimension politique. Déjà, dans le monde très feutré du grand patronat où l’on se tient à distance des grandes déclarations politiques, ses propos enflammés, dans l’entre-deux tours des régionales, avaient laissés pour le moins perplexes. Stéphane Richard en appelait en effet à la mobilisation des grandes fortunes françaises à qui il demandait de créer un fonds pour lutter contre le FN…
Touché par l’affaire de l’arbitrage de Bernard Tapie qui a entrainé sa mise en examen, en mai dernier, pour complicité de détournement de fonds publics par une personne privée, Stéphane Richard peut être réceptif à l’idée de rapprocher les « tuyaux » et le contenu fourni par un acteur majeur du PAF. Le contexte politique s’y prête.
Quant au grand débat sur la convergence qui agite le landerneau depuis l’aventure désastreuse d’un Messier mégalo, il tend, aujourd’hui, à s’imposer comme une réalité incontournable au regard des opérations stratégiques menées par d’autres grands acteurs comme : Patrick Drahi et son groupe Altice avec Numéricable-SFR et NextRadioTV, Vincent Bolloré avec Vivendi, Canal+ et Telecom Italia, sans oublier Xavier Niel et Free avec Telecom Italia et Le Monde. Un rapprochement entre Orange et TF1 s’inscrirait donc dans une vraie logique industrielle.
Enfin, le groupe Bouygues, qui ces dernières années a connu une passe difficile, trouve là une bonne occasion d’améliorer sa santé financière et de parachever son processus de restructuration. Une bonne affaire pour toutes les parties, en quelque sorte, gouvernement y compris.
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