Rediffusion. Première diffusion le 10 janvier 2018
La crise de la presse gagne en intensité – la preuve, la propagande médiatique contre les « fake news » ne suffit pas à convaincre les Français de ne lire que les médias du système, alors Emmanuel Macron veut les y contraindre de force avec une loi sur les « fake news » ouvertement dirigée contre les médias du web et les sites d’information russes (Sputnik et surtout RT) en France. Le Canard Enchaîné (3.01) met en lumière une autre facette de la crise : les grands journaux français sont payés par Facebook pour traquer les « fake news », vraies ou fausses… mais surtout pas les leurs !
La collusion n’est pas une illusion, c’est un meurtre d’état
Depuis février dernier Facebook a en effet pris langue avec certains journaux, notamment Le Monde ou l’Express pour traquer les fake news. Le « pragmatisme » financier l’a emporté sur les considérations morales. D’autant que certaines proximités personnelles ont pu jouer – ainsi Julien Codorniou, vice-président de Facebook chargé des partenariats, est membre du conseil de surveillance du Monde, révèle le journal satirique. Et ce « grand ami de Xavier Niel », copropriétaire du quotidien de centre-gauche, « figure aussi depuis peu au conseil de surveillance de Mediawan, le fonds d’investissement cofondé fin 2015 par un certain Niel Xavier ».
Huit médias français ont signé un partenariat avec Facebook, expliquait le média spécialisé Next Impact le 26 avril dernier, à savoir l’Express, Libération, 20 Minutes, Le Monde, BFMTV et les agences d’État que sont l’AFP, France médias monde et France Télévisions. Mélange des genres garanti, d’autant que Facebook leur achète aussi (fort cher) des espaces publicitaires ou y diffuse des Facebook lives. Ce partenariat-ci passait par l’achat d’espaces publicitaires où Facebook mettait en avant son tutoriel pour repérer les fausses nouvelles, mais aussi la rémunération des médias pour le repérage des « fake news ».
Éric Mettout, directeur adjoint de la rédaction de L’Express, l’avouait à Next Impact du bout des lèvres : « au début, c’était totalement gratuit. Ils sont ensuite revenus vers nous en disant qu’ils allaient rémunérer notre travail ». En revanche les responsables de Facebook, BFMTV ou encore Libération ont préféré ne pas répondre aux questions de Next Impact – un manque de transparence bien étonnant si le but est présenté comme louable. En fait, la discrétion est compréhensible : c’est un délicat fumet de collusion qui plane au-dessus de toute cette histoire, dénoncé avec force par RT (Russia Today). De quoi rappeler une fois de plus le slogan des nationalistes irlandais (collusion is not an illusion, it’s a state murder).
Le Décodex du Monde mis à contribution
Le Décodex du Monde – financé par Google– a été mis à contribution pour passer à la moulinette les vraies et fausses informations sur Facebook. En s’érigeant juge et partie du journalisme, Le Monde a aussi laissé à la postérité un outil partial et partiel – ouvertement dirigé contre la concurrence sur le web et les médias qui véhiculent des idées différentes – qui s’est retourné contre ses inventeurs. À force, il est même devenu une sorte de boussole qui indique le sud : un site marqué en rouge par le Décodex est digne de confiance, car il participe à dynamiter un monopole de la presse du système si utile et si solide qu’il faut l’imposer par la force.
Quels sont les résultats après huit mois de travail ? Pas grand chose. Le Décodex a repéré 2865 infos bidon sur Facebook. Près de 1198 pages ont été épinglées et 147 fermées. Beaucoup de contenus n’ont été supprimés que le temps des élections présidentielles et législatives, principalement à la demande des structures d’État comme la plateforme gouvernementale PHAROS – comme l’a expliqué Facebook très récemment.
Cependant les « fermetures sont plus souvent liées à des contenus haineux ou racistes qu’à la chasse aux bobards », remarque le Canard. Quant à Facebook, il a constaté – comme les observateurs au moment de la réception du Décodex par le public – que « des études laissent penser qu’un vocabulaire (de mise en garde) trop fort ou certains visuels (comme une icône rouge) peuvent avoir des effets contre-productifs ». Fichus lecteurs, toujours prêts à lire ce qu’on leur interdit !
Ces fake news de la presse du système qui échappent aux radars des médias partenaires de Facebook
Pourtant, il est des fake news qui ont échappé aux médias partenaires de Facebook. Notamment celles qui émanent des médias du système. Par exemple Le Monde lui-même a cité à tort l’acteur américain John Malkovich au moment des Swissleaks – il a été condamné en justice, ce dont l’AFP a fait part, tandis que le journal redresseur de fake news faisait profil bas. Les grands médias français (dont Le Monde, Libération, Le Figaro, Ouest-France, Le Point, i>Télé…) ont aussi affirmé en février dernier que Donald Trump avait inventé un attentat en Suède qui n’a jamais existé. Une affirmation totalement gratuite tirée d’une erreur (volontaire?) de traduction de ses propos.
Plus récemment, le JDD s’est illustré en faisant un gros buzz sur le sujet de Notre-Dame des Landes à partir de photos soi-disant « secrètes » de la ZAD qui ne l’étaient pas du tout. Au passage – quitte à faire les bêtises, autant les faire complètement, une de ces photos était prise sans autorisation de son auteur – ValK, alias Valérie Kerleau, photographe habituelle de l’extrême-gauche nantaise, et recoupée pour que sa signature n’apparaisse pas. Le JDD a dû s’excuser du bout des lèvres auprès de ses lecteurs, prétextant une « maladresse ». Pas de risque que cette « fake news » soit dénoncée avec perte et fracas dans Le Monde.
Pas plus que celle de France 2 le 13 décembre, dans le JT, qui affirme sans rire que « dans les états-majors, les militaires parlent de herses plantées de clous géants, de boules de pétanques hérissées de lames de rasoir », mais encore de « stocks d’engins incendiaires, de pièges dans les bois et même d’armes à feu ». Des affirmations gratuites, non sourcées, dont on cherche vainement les preuves sur le terrain – bref, des « fake news » de concours, sur le service public aux heures de grande écoute qui plus est. Vite, un coup de Décodex, une pastille rouge pour France 2 !
Mais à quoi bon aller sur le terrain et présenter des preuves s’il s’agit de jouer sur la peur du public et contraindre – dans une dernière et désespérée offensive – le gouvernement à faire un projet d’aéroport auquel plus personne ne croit ?
Source photo : pxhere.com