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Les grands journaux français payés par Facebook pour traquer les « fake news »

2 avril 2018

Temps de lecture : 6 minutes
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Les grands journaux français payés par Facebook pour traquer les « fake news »

Temps de lecture : 6 minutes

Red­if­fu­sion. Pre­mière dif­fu­sion le 10 jan­vi­er 2018

La crise de la presse gagne en intensité – la preuve, la propagande médiatique contre les « fake news » ne suffit pas à convaincre les Français de ne lire que les médias du système, alors Emmanuel Macron veut les y contraindre de force avec une loi sur les « fake news » ouvertement dirigée contre les médias du web et les sites d’information russes (Sputnik et surtout RT) en France. Le Canard Enchaîné (3.01) met en lumière une autre facette de la crise : les grands journaux français sont payés par Facebook pour traquer les « fake news », vraies ou fausses… mais surtout pas les leurs !

La collusion n’est pas une illusion, c’est un meurtre d’état

Depuis févri­er dernier Face­book a en effet pris langue avec cer­tains jour­naux, notam­ment Le Monde ou l’Ex­press pour tra­quer les fake news. Le « prag­ma­tisme » financier l’a emporté sur les con­sid­éra­tions morales. D’au­tant que cer­taines prox­im­ités per­son­nelles ont pu jouer – ain­si Julien Codor­niou, vice-prési­dent de Face­book chargé des parte­nar­i­ats, est mem­bre du con­seil de sur­veil­lance du Monde, révèle le jour­nal satirique. Et ce « grand ami de Xavier Niel », copro­prié­taire du quo­ti­di­en de cen­tre-gauche, « fig­ure aus­si depuis peu au con­seil de sur­veil­lance de Medi­awan, le fonds d’in­vestisse­ment cofondé fin 2015 par un cer­tain Niel Xavier ».

Huit médias français ont signé un parte­nar­i­at avec Face­book, expli­quait le média spé­cial­isé Next Impact le 26 avril dernier, à savoir l’Ex­press, Libéra­tion, 20 Min­utes, Le Monde, BFMTV et les agences d’État que sont l’AFP, France médias monde et France Télévi­sions. Mélange des gen­res garan­ti, d’au­tant que Face­book leur achète aus­si (fort cher) des espaces pub­lic­i­taires ou y dif­fuse des Face­book lives. Ce parte­nar­i­at-ci pas­sait par l’achat d’e­spaces pub­lic­i­taires où Face­book met­tait en avant son tuto­riel pour repér­er les fauss­es nou­velles, mais aus­si la rémunéra­tion des médias pour le repérage des « fake news ».

Éric Met­tout, directeur adjoint de la rédac­tion de L’Ex­press, l’avouait à Next Impact du bout des lèvres : « au début, c’é­tait totale­ment gra­tu­it. Ils sont ensuite revenus vers nous en dis­ant qu’ils allaient rémunér­er notre tra­vail ». En revanche les respon­s­ables de Face­book, BFMTV ou encore Libéra­tion ont préféré ne pas répon­dre aux ques­tions de Next Impact – un manque de trans­parence bien éton­nant si le but est présen­té comme louable. En fait, la dis­cré­tion est com­préhen­si­ble : c’est un déli­cat fumet de col­lu­sion qui plane au-dessus de toute cette his­toire, dénon­cé avec force par RT (Rus­sia Today). De quoi rap­pel­er une fois de plus le slo­gan des nation­al­istes irlandais (col­lu­sion is not an illu­sion, it’s a state murder).

Le Décodex du Monde mis à contribution

Le Décodex du Monde – financé par Google– a été mis à con­tri­bu­tion pour pass­er à la moulinette les vraies et fauss­es infor­ma­tions sur Face­book. En s’érigeant juge et par­tie du jour­nal­isme, Le Monde a aus­si lais­sé à la postérité un out­il par­tial et par­tiel – ouverte­ment dirigé con­tre la con­cur­rence sur le web et les médias qui véhicu­lent des idées dif­férentes – qui s’est retourné con­tre ses inven­teurs. À force, il est même devenu une sorte de bous­sole qui indique le sud : un site mar­qué en rouge par le Décodex est digne de con­fi­ance, car il par­ticipe à dyna­miter un mono­pole de la presse du sys­tème si utile et si solide qu’il faut l’im­pos­er par la force.

Quels sont les résul­tats après huit mois de tra­vail ? Pas grand chose. Le Décodex a repéré 2865 infos bidon sur Face­book. Près de 1198 pages ont été épinglées et 147 fer­mées. Beau­coup de con­tenus n’ont été sup­primés que le temps des élec­tions prési­den­tielles et lég­isla­tives, prin­ci­pale­ment à la demande des struc­tures d’État comme la plate­forme gou­verne­men­tale PHAROS – comme l’a expliqué Face­book très récem­ment.

Cepen­dant les « fer­me­tures sont plus sou­vent liées à des con­tenus haineux ou racistes qu’à la chas­se aux bobards », remar­que le Canard. Quant à Face­book, il a con­staté – comme les obser­va­teurs au moment de la récep­tion du Décodex par le pub­lic – que « des études lais­sent penser qu’un vocab­u­laire (de mise en garde) trop fort ou cer­tains visuels (comme une icône rouge) peu­vent avoir des effets con­tre-pro­duc­tifs ». Fichus lecteurs, tou­jours prêts à lire ce qu’on leur interdit !

Ces fake news de la presse du système qui échappent aux radars des médias partenaires de Facebook

Pour­tant, il est des fake news qui ont échap­pé aux médias parte­naires de Face­book. Notam­ment celles qui éma­nent des médias du sys­tème. Par exem­ple Le Monde lui-même a cité à tort l’ac­teur améri­cain John Malkovich au moment des Swissleaks – il a été con­damné en jus­tice, ce dont l’AFP a fait part, tan­dis que le jour­nal redresseur de fake news fai­sait pro­fil bas. Les grands médias français (dont Le Monde, Libéra­tion, Le Figaro, Ouest-France, Le Point, i>Télé…) ont aus­si affir­mé en févri­er dernier que Don­ald Trump avait inven­té un atten­tat en Suède qui n’a jamais existé. Une affir­ma­tion totale­ment gra­tu­ite tirée d’une erreur (volon­taire?) de tra­duc­tion de ses pro­pos.

Plus récem­ment, le JDD s’est illus­tré en faisant un gros buzz sur le sujet de Notre-Dame des Lan­des à par­tir de pho­tos soi-dis­ant « secrètes » de la ZAD qui ne l’é­taient pas du tout. Au pas­sage – quitte à faire les bêtis­es, autant les faire com­plète­ment, une de ces pho­tos était prise sans autori­sa­tion de son auteur – ValK, alias Valérie Ker­leau, pho­tographe habituelle de l’ex­trême-gauche nan­taise, et recoupée pour que sa sig­na­ture n’ap­pa­raisse pas. Le JDD a dû s’ex­cuser du bout des lèvres auprès de ses lecteurs, pré­tex­tant une « mal­adresse ». Pas de risque que cette « fake news » soit dénon­cée avec perte et fra­cas dans Le Monde.

Pas plus que celle de France 2 le 13 décem­bre, dans le JT, qui affirme sans rire que « dans les états-majors, les mil­i­taires par­lent de hers­es plan­tées de clous géants, de boules de pétan­ques héris­sées de lames de rasoir », mais encore de « stocks d’engins incen­di­aires, de pièges dans les bois et même d’armes à feu ». Des affir­ma­tions gra­tu­ites, non sour­cées, dont on cherche vaine­ment les preuves sur le ter­rain – bref, des « fake news » de con­cours, sur le ser­vice pub­lic aux heures de grande écoute qui plus est. Vite, un coup de Décodex, une pastille rouge pour France 2 !

Mais à quoi bon aller sur le ter­rain et présen­ter des preuves s’il s’ag­it de jouer sur la peur du pub­lic et con­train­dre – dans une dernière et dés­espérée offen­sive – le gou­verne­ment à faire un pro­jet d’aéro­port auquel plus per­son­ne ne croit ?

Source pho­to : pxhere.com

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