Les tentatives de manipulation de l’opinion publique ne sont pas nouvelles. Dans le conflit qui oppose l’Union Européenne à la Turquie, ce pays ne manque pas d’utiliser les médias pour rallier l’opinion publique à sa cause. Par le choix de leurs sujets et leur traitement, de nombreux médias ont choisi dans quel sens ils estimaient nécessaires d’orienter l’opinion publique : celui de l’immigration massive dans les pays européens.
Les enjeux stratégiques
En ouvrant sa frontière avec la Grèce, le Président turc entend non seulement faire pression sur l’Union Européenne pour avoir plus de subventions pour les très nombreux déplacés présents en Turquie. Il recherche également le soutien des autorités européennes dans son offensive en Syrie pour y réinstaller les syriens présents sur son territoire. Pour parvenir à ses fins et créer un début de chaos en Europe, il est nécessaire pour le gouvernement turc que les frontières entre la Turquie et la Grèce laissent passer de très nombreux migrants. Les médias de grand chemin peuvent (par lâcheté ou conviction) l’aider dans cette tâche.
L’orientation des migrants vers la frontière
Alors que le Président turc a annoncé le 29 février qu’il laisserait passer les migrants à la frontière turquo-grecque, les médias turcs sont mis à contribution pour susciter une vague de départs. Le 28 février, le compte Twitter de la chaine publique turque TRT affiche une carte de l’Europe avec les itinéraires à prendre pour gagner les pays d’Europe de l’ouest. Le message adressé aux migrants présents en Turquie est clair : il est temps de partir.
Le journaliste Guillaume Perrier diffuse une vidéo montrant des bus affrétés pour conduire des migrants « iraniens, afghans, algériens » des centres de rétention où ils séjournent vers la frontière grecque.
Mais quand le journaliste britannique Mark Stowe pose des questions sur les autocars qui amènent par centaines des migrants à la frontière turque et bulgare à un représentant des autorités turques et à un journaliste turc progouvernemental, il reçoit une volée de bois vert, selon une information d’Ipa.news. Toutes les questions ne seraient-elles pas bonnes à poser ?
Dans cette guerre de l’information, le vice-ministre grec de la défense affirme dans les pages du Figaro, au sujet des migrants que « non seulement (les autorités turques) ne les arrêtent pas ( sous-entendu à la frontière NDLR ), mais ils les aident ( sous-entendu : à la passer NDLR ) ».
La frontière renforcée, la digue de l’opinion publique à enfoncer
Les autorités grecques ont rapidement renforcé la frontière avec la Turquie face aux manœuvres du gouvernement turc. Il importe alors pour celui-ci de parvenir à établir une véritable pression auprès de l’opinion publique européenne en rendant possible un début de submersion migratoire, à l’image de celle de 2015. Pour cela, il est nécessaire de jouer sur la corde sensible « humanitaire ».
Alors que des migrants agressent des douaniers et militaires grecs pour passer en force la frontière, le gouvernement turc affirme que deux migrants ont été tués lors d’échauffourées. Le Parisien s’empresse le 4 mars de consacrer une page aux « derniers instants de Mohamed, tué par l’armé grecque ». Ce qui inspire à Vertumne ce commentaire sur Twitter : « pouvez-vous svp nous retracer les derniers instants de Maria Ladenburger, violée et assassinée par un réfugié syrien qui avait réussi à passer la frontière grecque ? ».
Le quotidien britannique The Telegraph titre le 2 mars sur la noyade d’un enfant réfugié, avec une photo d’un père débarquant sur la côte grecque avec un enfant pleurant dans ses bras. On ne peut s’empêcher de penser à la photo du petit Aylan Kurdi en 2015, qui avait été utilisée pour mettre en accusation les pays européens taxés d’égoïsme et faire accepter des mouvements colossaux de population.
Ces décès, s’ils étaient avérés, aussi malheureux soient-ils, sont largement mis en avant – par médias interposés – par les autorités turques. Cela fait vivement réagir le ministre grec des affaires étrangères selon la New Reuters foundation. Non seulement celui-ci nie la réalité de ces morts, mais il estime également qu’un gouvernement (celui de la Turquie NDLR) qui manipule l’opinion et viole le droit international ne peut pas mettre en accusation un autre.
Cela n’empêche pas le gouvernement turc, qui emprisonne ses opposants politiques, de se poser en défenseur… des droits de l’homme en prenant les médias à témoin. L’agence Reuters nous apprend ainsi le 4 mars que la Turquie s’apprête à attaquer la Grèce devant la Cour européenne des droits de l’homme pour non-respect du droit d’asile.
Que se passe t‑il vraiment sur l’ile de Lesbos ?
Plusieurs manifestations contre la submersion migratoire et la construction de camps de rétention de migrants ont rassemblé des dizaines de milliers de grecs en février sur les iles de la mer Egée.
Il était difficile à Fabienne Sintes de ne pas faire lors d’un jour dans le monde le 4 mars sur France Inter la morale sur l’absence d’ouverture des frontières par les pays européens.
Plutôt que de s’appesantir sur les manifestations contre l’immigration sur l’île de Lesbos, ce sont certains débordements commis par des « fascistes ». qui sont montés en épingle. « L’ile avait été exemplaire en 2015 dans l’accueil des migrants », nous assène Fabienne Sintes. Une fois de plus, toute protestation contre l’immigration massive est stigmatisée sur la radio publique et limitée à des débordements marginaux.
Il aurait peut-être été de mauvais gout d’évoquer dans le reportage de France inter les kurdes qui ont été violemment agressés par des musulmans en mai 2018 sur l’ile de Lesbos parce qu’ils ne faisaient pas le ramadan, comme nous l’apprenait Kurdistan 24. De mauvais traitements dont sont victimes sur cette ile des kurdes et des yézidis ainsi que des athées ont également été évoqués dans le documentaire sur l’immigration en Europe réalisé en 2018 par la documentariste Lauren Southern. Plus récemment, le 4 mars c’est une église orthodoxe qui a été vandalisée par des migrants selon Voice of Europe. Toujours silence radio.
Tous ces faits ne sont pas présentés par les médias de grand chemin dans les éléments de contexte, alors qu’ils sont de nature à relativiser la figure du migrant présenté comme le nouveau damné de la terre qu’il faudrait accueillir sans condition. Tout comme le fait de rappeler que c’est par la route des Balkans que des terroristes islamistes sont arrivés avant de participer aux attentats à Paris en 2015 et Bruxelles en 2016, comme le rappelle Atlantico.
Les Organisations non gouvernementales attaquées, les médias à la rescousse
Pour l’Union, les ONG « qui viennent en aide aux migrants » (ont été ) attaquées le 3 mars. Si toute violence est condamnable, on ne trouve par contre aucune information sur le rôle trouble de certaines ONG.
Pourtant, en août 2018, une ONG (ERCI) a été accusée de complicité avec des passeurs et d’avoir aidé des migrants à entrer illégalement en Grèce en échange d’argent selon France 24. Plusieurs de ses membres ont été arrêtés en août 2018.
Comme le révélait le documentaire de Lauren Southern déjà cité, la Directrice d’une autre ONG d’aide aux migrants a reconnu en Grèce en 2018 en micro caché conseiller à des clandestins de mentir aux agents chargés d’instruire les demandes d’asile.
Un canot de migrants attaqué en Grèce par des garde côtes grecs, vraiment ?
L’Obs nous l’apprend le 3 mars, les autorités turques ont diffusé une vidéo montrant des garde côtes grecs essayant de faire chavirer puis couler des canots de migrants qui tentaient de gagner l’Europe. L’effet est immédiat : la gauche morale réagit au quart de tour, le premier étant Raphael Glucksmann qui clame sa « honte ». Les choses sont-elles si simples, avec des bons d’un côté et des mauvais de l’autre ? 20 Minutes nous apprend que l’on ne connait ni la provenance, ni le lieu, ni la date de ces images, transmises par les autorités turques elles-mêmes. C’est ce que l’on appelle un travail de vérification des sources qui n’est pas pratiqué par tous.
Des choix iconographiques décisifs
Dans les images illustrant les articles sur les clandestins qui cherchent à gagner la Grèce, le choix des images a toute son importance. Choisir comme Le Parisien et beaucoup d’autres de montrer des familles avec enfants qui arrivent pacifiquement mais illégalement en bateau ou comme Boursorama de jeunes hommes qui attaquent les douaniers grecs relève d’un vrai choix éditorial. Dans les événements en cours, l’aspect humanitaire est largement priorisé par rapport à l’aspect conflictuel et violent.
France Info dénonce « la violence grecque »
Alors que, comme nous venons de le voir, les preuves d’une instrumentalisation des médias par les autorités turques commencent s’accumuler, Europe 1 est formel : « dans ce conflit, la Grèce n’hésite pas à instrumentaliser la presse d’après notre reporter sur place ».
Par contre, les tentatives violentes des migrants pour forcer les barrières de la frontière turquo-grecque, les tirs de policiers turcs de gaz lacrymogènes contre les forces de l’ordre grecque, les cris de « Allah Akbar » de certains migrants, la construction de barrières par les autorités turques pour empêcher les migrants de revenir en Turquie, tout cela semble peser bien peu dans cette guerre de l’opinion dans laquelle de nombreux médias de grand chemin ont perdu toute honnêteté sur la situation : celle d’une submersion migratoire organisée.
Et quand France info évoque le 5 mars le sort des migrants poussés vers la frontière grecque, c’est non pas le gouvernement turc qui est mis en accusation pour les instrumentaliser, pour faire pression sur l’U.E., ce sont les soldats grecs qui sont accusés de violence. Sans commentaire.