Le groupe EBRA, propriété du Crédit Mutuel, est le premier groupe de presse régionale en France, avec des titres comme Le Dauphiné libéré, Le Progrès, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, L’Est républicain, Le Journal de la Haute Marne, L’Alsace, Le Républicain lorrain, Le Bien Public, Le Journal de la Haute-Saône, Vosges Matin. Les fusions diverses et les plans de départs volontaires y sont monnaie courante, et cela continue à l’été 2018, alors que l’influence acquise par la banque à travers le groupe de presse lui coûte de plus en plus cher, avec 37 millions d’euros de pertes en 2017, seulement 4.4 petits millions de moins qu’en 2016.
Selon les syndicats cependant, « le pôle presse présente un intérêt stratégique pour le CM11 (Crédit Mutuel hors fédérations de Bretagne, Sud-Ouest – qui à deux constituent Arkéa en cours de sécession,)car ses titres ont des bases de données qui peuvent constituer un atout important pour préparer l’ère du big data ». D’où l’intérêt de garder des titres déficitaires, rendus dépendants en outre par 60 millions d’euros de prêts et avances consentis par le Crédit Mutuel au pôle presse.
Près de 130 postes techniques ont déjà été supprimés en 2017–2018 essentiellement en Moselle et Alsace après 55 millions d’euros de pertes en 2016. Un plan de départs volontaires nouveau sera déposé fin septembre, suite aux avis du comité d’entreprise extraordinaire le 20 septembre 2018.
Est Républicain et Vosges Matin : le thermomètre enfiévré du groupe EBRA
Régulièrement publiés par les syndicats, les comptes de l’entité Est Médias à fin mai 2018 laissent apparaître une érosion continue de la publicité (sauf nationale sur L’Est Républicain) et de la diffusion. Néanmoins le résultat d’exploitation de L’Est Républicain est négatif (-4.3 millions d’€) tandis que celui de Vosges Matin est légèrement positif du fait de la diminution du coût de la refacturation de l’impression.
Sur 2017, le chiffre d’affaires global, pub et diffusion, baisse encore de 3.9% à L’Est Républicain et 3% à Vosges Matin, tandis que la diffusion baisse de 5.4% pour le second titre et 3.8% pour le premier, contre ‑2.8% sur l’ensemble du groupe EBRA. « Le passage au tabloïd n’a fait qu’accélérer l’érosion au lieu de la contenir », relève la CGT, qui constate aussi que les recettes publicitaires ont diminué de 1.5 millions d’euros pour les deux titres en 2017.
Économies mon beau souci
Tous azimuts, les économies continuent : ‑20% pour la consommation de papier, ‑30% pour les correspondants et pigistes en trois ans. En revanche, le doublement du coût de l’informatique, sous-traitée à Euro-Information Telecom (…dont le Crédit Mutuel est actionnaire à 95%), la provision pour restructuration de 4.1 millions d’€ à L’Est Républicain et la dépréciation de Vosges Matin à 3.6 millions plombent les chiffres.
Au 31 juillet, le déficit de L’Est Républicain s’aggrave (-5.7 millions d’€) tandis que Vosges Matin est bénéficiaire de 121.000 €. Tandis que la publicité nationale augmente fortement, la publicité régionale commerciale ou non s’érode en continu. Le résultat d’exploitation de L’Est Républicain bénéficie de la prospection en Franche-Comté et de la publicité, en augmentant de 9% sur un an. Cependant, engagé dans un plan de digitalisation renforcée (digital first), le groupe peine à remplacer les journalistes papier en cours de formation par des CDD – seuls cinq ont été recrutés.
« Depuis qu’il est aux commandes de nos entreprises de presse, le Crédit Mutuel porte l’entière responsabilité de la situation économique dans laquelle se trouvent nos journaux », assène la CGT Est-Médias dans un constat qui va bien au-delà de la situation de l’Est Républicain et de Vosges Matin. « En n’ayant aucune vision stratégique digne de ce nom, en n’investissant pas dans les outils de production et dans la formation des salariés, en sacrifiant les conditions de travail et la qualité des produits, en privilégiant la réduction des coûts au développement de l’activité ».
Économies tous azimuts en Alsace aussi
En Alsace, outre la suppression de 73 postes avec le transfert de l’impression du journal L’Alsace à Strasbourg, une fusion de celui-ci à marche forcée, mais à pas lents, est en cours avec les DNA. Lors du CSE extraordinaire de juin dernier, des changements importants ont été présentés aux syndicats : ainsi la page 24 Heures passe aux DNA tandis que le journal perd 4% de sa surface – et un des trois cahiers le lundi.
Ce qui permet automatiquement de baisser la consommation de papier… et d’augmenter insidieusement les tarifs de la publicité. Des petites économies qui en font de grandes, mais peuvent aussi avoir le don de décourager annonceurs et lecteurs.