Tout d’un coup, pfuiit ! disparu. Depuis ce 26 septembre, il n’y a plus de site indépendant de Presse-Océan, le quotidien de Nantes intégré dans le giron du groupe Ouest-France qui venait de fêter ses 75 ans. Preuve que nous n’avions pas si tort en expliquant qu’il était plus près de la tombe que du renouveau. Désormais, c’est une rubrique Presse-Océan sur le site d’Ouest-France, cependant encore aux couleurs du journal nantais.
Une synergie très Ouest-France
Et à droite, en regard des articles du jour – des condensés censés attiser la curiosité pour une édition papier en réalité insipide à force d’être consensuelle – on trouve le fil d’actualité en continu d’Ouest-France. Ce qui s’appelle dans le jargon une synergie. Les nantais en sont bien conscients, puisqu’on trouve de plus en plus régulièrement – surtout l’été – les mêmes articles dans les deux journaux, jusqu’à la photo et parfois le titre ! Quel intérêt alors de continuer à acheter Presse-Océan ?
Dans l’Anjou voisin, le Courrier de l’Ouest échappe encore à l’absorption et garde son propre site internet. Tout comme il a su garder sa position de leader dans les départements couverts. Mais l’Anjou et les Mauges ont aussi très peu de médias indépendants – rien ou presque ne vient concurrencer Le Courrier.
Sur le web, Presse-Ocean était depuis longtemps distancé localement, principalement par Breizh Info fondé il y a six ans – le seul quotidien conservateur breton en ligne s’appuie toujours sur un solide socle de lecteurs, et déjoue la censure en s’occupant de tous les sujets sensibles que le groupe Ouest-France veut ignorer. Sur un plan plus micro-local, une galaxie de petits sites d’informations (Châteaubriant Actualités, Média web, Saint-Nazaire News) et même le gratuit remarquable de Yannick Urrien, La Baule + lui taillent des croupières. Désormais, grâce à son intégration, Presse-Océan pourra se targuer des audiences web d’Ouest-France… dont le mérite ne lui revient guère.
Mort sans enterrement
« De facto, Presse-Ocean est déjà mort et enterré », résume un ex-journaliste du titre. « La moitié de nos lecteurs des années 2000 n’achèteront jamais Ouest-France, par principe, car c’est un journal rennais, ou pour une autre raison. Eux ils lisent la presse nationale ou Breizh Info, qui sort tous les sujets qu’on n’a pas le droit de couvrir, et avec les précisions qu’on n’a pas le droit de donner en plus.
Expliquer que Nantes-centre c’est le Bronx ou que le marché de Talensac [marché central] est dans un état de saleté repoussant, c’est mal vu. Donner noms et origines des responsables de la situation, plus encore. On ne peut même pas citer dans nos colonnes quelqu’un qui dirait que Johanna Rolland [la maire socialiste] est incompétente, eux le font à longueur de temps. Mais eux n’ont pas de pub et pas de pressions politiques, ils n’ont rien à perdre. Encore un quart est parti chez OF, car il y a les mêmes infos dans les deux titres, aucun intérêt de continuer de lire les deux. Un quart reste chez nous, ça ne suffit pas pour être rentable seuls et donc en capacité de survivre. Et les jeunes, quand ils s’informent, et s’ils s’informent, ils vont sur les réseaux sociaux ou Breizh Info. Donc on est foutus ».
Après le rachat de l’agence spécialisée API par le groupe Ouest-France, la disparition corps et bien du Nouvel Ouest et maintenant celle du site de Presse-Océan, Ouest-France domine de plus en plus sans partage la Haute-Bretagne, autour de Rennes et Nantes. Ce qui peut être utile aux candidats – principalement socialistes et apparentés – que le quotidien jugera bon de soutenir aux prochaines municipales ; là où s’étend Ouest-France, demeure aussi le socialisme municipal, pourtant sérieusement secoué par les législatives, les européennes et le séisme Macron.