En 2007 sortait en librairie un essai écrit par la journaliste altermondialiste Naomi Klein, La stratégie du choc (Actes Sud, traduit en 2008). La thèse centrale de son ouvrage : les élites utilisent souvent des situations extrêmes (catastrophes naturelles, attentats) et la sidération de l’opinion publique pour « assurer la prise de contrôle de la planète par un ultralibéralisme surpuissant ». Si le livre a connu un grand succès en librairie, les accusations de complotisme ont été plus que rares. En comparaison, le documentaire « Hold up » qui vient d’être mis en ligne sur internet fait face à un déluge de critiques tous azimuts. Au point de passer sous silence plusieurs aspects majeurs de la gestion de la crise sanitaire qui méritent d’être débattus.
Le documentaire
Le documentaire, réalisé par Nicolas Réoutsky et Christophe Cossé, intitulé « Hold up », a pu voir le jour en dehors des circuits traditionnels de distribution grâce à un financement participatif. D’une durée de deux heures quarante-neuf minutes, il passe en revue des allégations de corruption et de manipulation par les autorités dans la gestion de la crise sanitaire que nous connaissons depuis le début de l’année. Dès sa mise en ligne publique et gratuite mercredi 11 novembre, le compteur du nombre de vues a explosé.
La thèse centrale du documentaire est que nos dirigeants ont pour objectif un « reset », une réinitialisation planétaire afin d’instaurer un gouvernement mondial. Un bouleversement qui serait rendu possible par la crise sanitaire et l’effet de sidération sur les peuples. Présenté de cette façon, le réflexe commun serait de passer son chemin pour ne pas perdre de temps avec une théorie abracadabrantesque. Pourtant, tant sur le fond que sur la forme, « Hold up » mérite d’être vu. La généralisation du port du masque, la stratégie de tests suivie par la France, le confinement et ses effets délétères sur la santé des Français et l’économie, la suspension des libertés publiques, les liens entre certains mandarins de la médecine et l’industrie pharmaceutique, les thérapies utilisées, etc. sont autant de sujets d’importance majeure dans la période. Ils sont débattus dans le documentaire par des professionnels de santé et une députée anciennement LREM. Ces questions qui ne devraient pas être esquivées font pourtant trop souvent l’objet d’une véritable omerta médiatique.
Grand succès populaire, tir de barrage unanime des médias de grand chemin
Si l’objectif des réalisateurs de « Hold up » était de susciter le débat autour de la lutte contre la pandémie du coronavirus, l’objectif n’est que partiellement atteint. La thèse centrale du film, qualifiée de complotiste par la quasi-totalité des médias, a en effet suffi à créer un effet de halo qui rend les autres points soulevés par les réalisateurs inaudibles. Et c’est bien dommage, car les occasions d’avoir un débat de fond sur la stratégie des gouvernements dans la lutte contre le coronavirus sont rares.
Un documentaire complotiste ?
À peine mis en ligne, de très nombreux médias classent « Hold up » dans la catégorie « complotiste » :
- Sud-Ouest évoque « la théorie du complot » au sujet du documentaire « qui fait scandale ».
- Numérama semble se désoler du succès du « film complotiste ».
- France info titre sur « le documentaire qui dénonce un « complot mondial » (qui) fait polémique ».
- RTL est parti à la recherche de « qui se cache derrière le documentaire complotiste ».
- Le Monde répond le 13 novembre aux questions au sujet de « l’épidémie de Covid-19 et (du) complotisme relayé par le documentaire « Hold up ». On pourrait multiplier les exemples d’articles qui s’attachent à dénoncer la « théorie complotiste », au lieu de débattre sur le fond des arguments soulevés par « Hold up ».
- La station de radio France Inter a‑t-elle une explication à ce déni de débat ? « Pour démonter ce documentaire, il faudrait des heures, des jours de travail », affirme au micro de la radio affiliée à l’État français Tristan Mendes France, un militant dont l’OJIM a dressé le portrait récemment, et qui ne dispose pourtant d’aucune compétence médicale. Mais il est vrai qu’apposer le sceau du « complot » sur n’importe quel sujet lui permet de se répandre tout à loisir dans les médias de grand chemin.
Des intervenants qui se désolidarisent
Assez rapidement après que le documentaire ait commencé à faire un intense buzz sur les réseaux sociaux, deux personnalités y intervenant se désolidarisent de sa thèse centrale :
- Le Midi libre nous informe le 13 novembre que « le cardiologue et ancien ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy dit se “désolidariser” de ce film. Il a d’ailleurs demandé à en être retiré ».
- La sociologue de gauche Monique Pinçon-Charlot, dénonce un « montage choc au service de l’émotion et de la colère », nous apprend RTL le 13 novembre. Il est vrai que sa théorie proto-marxiste n’a pas été entièrement reprise par les réalisateurs.
- À contrario, le juriste Régis de Castelnau assume dans une tribune sur le site de Front populaire totalement ses propos dans le documentaire.
Ces prises de position illustrent l’enjeu que représente le fait d’avoir apporté un témoignage qui viendrait accréditer la thèse centrale du documentaire. Le lien entre les deux est — quoi qu’en disent de nombreux éditorialistes – pourtant de la responsabilité des réalisateurs.
Une censure de plusieurs plateformes de mise en ligne
Rapidement après la mise en ligne du documentaire, la vidéo a disparu des moteurs de recherche de YouTube et consorts. Puis c’est d’Instagram, de Viméo, d’Odysee, etc., que « Hold up » est blackboulé.
Facebook n’est pas en reste qui censure l’extrait vidéo sur le thème des masques. Aucune protestation outrée des défenseurs de la liberté d’expression n’était audible à la suite de ces pratiques autoritaires.
Sur CNews, on assiste à l’incroyable scène de Sonia Mabrouk qui prend la défense de Pascal Praud fortement critiqué par Ilana Circurel, la porte-parole de LREM. Pascal Praud a en effet eu l’outrecuidance d’inviter le réalisateur du documentaire. Un crime de lèse-majesté, visiblement. La porte-parole de LREM entend en effet non seulement donner des leçons de journalisme et de déontologie à Pascal Praud, mais elle affirme également que le documentaire n’est pas de l’ordre de la liberté d’expression, « c’est une bombe complotiste ». Dans ce contexte d’affolement médiatique, le chirurgien oncologue et statisticien Gérard Delepine est bien isolé à affirmer sur TV Libertés que « tout doit pouvoir se discuter ». « Dans cette hystérie globale, où ordres, contre-ordres, et mensonges se succèdent, les Français semblent perdus. Ils cherchent des réponses ailleurs, notamment dans le documentaire “Hold-Up” » souligne la chaine de télévision alternative.
Un débat qui nécessiterait d’être ouvert
On peut faire beaucoup de reproches au documentaire. Sa construction juxtapose dans une très longue première partie des témoignages forts et argumentés au sujet de la gestion de la crise sanitaire liée au coronavirus. Dans la seconde partie qui présente la thèse centrale des réalisateurs, les éléments étayant celle-ci sont pour le moins peu convaincants : le déploiement de la 5G et de la crypto monnaie comme préalable à l’instauration d’une société policière, le militantisme pro-vaccin de Bill Gates, les déclarations du mentor d’Emmanuel Macron, Jacques Attali, au sujet du gouvernement mondial dont il souhaite voir le jour, la théorie du reset (réinitialisation) qui permettrait de le mettre en place.
La journaliste Natacha Polony soulignait le 14 novembre dans l’émission « Le grand face à face » sur France Inter que le succès de ce documentaire est probablement dû au débat que les médias de grand chemin ne veulent pas ouvrir sur la gestion de la crise sanitaire, ce qui amène une large de frange de l’opinion publique à s’en détourner.
Les Français considérés comme des adultes ?
Il est vrai que l’impression générale est que les médias de grand chemin laissent les coudées franches au gouvernement dans la gestion de la crise sanitaire, alors qu’il multiplie les déclarations contradictoires et qu’il n’hésite pas à restreindre fortement les libertés publiques et l’activité d’une partie des petites entreprises. Le fait que la personnalité préférée des français, Sophie Marceau, soutienne le documentaire en dit long sur la défiance de très nombreux Français vis-à-vis du discours des élites.
Et si pour une fois, la classe politique et la classe médiatique pouvaient considérer les Français comme des adultes, dotés de sens critique et capables de faire la part des choses, sans que la menace de censure soit de nouveau brandie comme réponse à l’expression d’idées considérées comme interdites ?
Quoi qu’il en soit, si « Hold up », en dépit de tous ses raccourcis et arguments douteux, peut amener à susciter un débat sur la stratégie sanitaire des autorités, sur le gouvernement par la peur et la restriction des libertés publiques, cela ne sera pas le moindre de ses mérites. Son succès nous montre que le magistère moral des éditorialistes et journalistes des médias de grand chemin est largement entamé. Et ça, c’est plutôt une bonne nouvelle…