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Hongrie : une femme politique anti-Orbán crée un scandale à la télévision

22 novembre 2022

Temps de lecture : 5 minutes
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Hongrie : une femme politique anti-Orbán crée un scandale à la télévision

Temps de lecture : 5 minutes

La Hongrie est le pays que les bonnes âmes aiment citer pour évoquer de prétendues attaques contre la liberté de la presse. Si l’Ojim s’intéresse régulièrement à ce petit pays d’Europe centrale, c’est parce que ce dernier est l’exemple presque parfait du chantage permanent exercé par les élites libérales-libertaires sur les réfractaires à leur ligne politique. Étudier la Hongrie de près permet de fournir des arguments à tous ceux voulant démasquer l’hypocrisie des tenants de la pensée admise et dominante. Un épisode récent sur une chaîne privée hongroise offre toutes les clés pour comprendre cette hypocrisie. Un véritable cas d’école !

La gauche fixe les règles du journalisme

L’affaire com­mence le 4 novem­bre 2022 sur une émis­sion mati­nale de la chaîne ATV (privée et cri­tique du gou­verne­ment). La maire du 9ème arrondisse­ment de Budapest, Kriszti­na Baranyi, con­nue pour être une des plus farouch­es opposantes à Vik­tor Orbán, y est invitée devant trois jour­nal­istes, dont Szilárd Sza­lai, du média Pesti Srá­cok, un site pro-gouvernemental.

Ce dernier ne perd de temps et pose une ques­tion déli­cate à Kriszti­na Baranyi sur les prob­lèmes de chauffage expéri­men­tés par les habi­tants du 9ème arrondisse­ment. Pas de réponse à la ques­tion du jour­nal­iste de la part de Baranyi, mais une réac­tion qui fait depuis polémique et a don­né lieu à des dizaines d’articles dans la presse hongroise.

Le femme poli­tique hon­groise déclare qu’elle avait depuis longtemps fait le ser­ment de ne pas s’adresser aux « médias de pro­pa­gande » et « aux pro­pa­gan­distes payés [par le gou­verne­ment] ». Elle pour­suit en expli­quant qui si elle avait su qui serait dans le stu­dio elle ne s’y serait pas ren­due. Baranyi se dit aus­si sur­prise que la chaîne ATV invite une per­son­ne qui n’a rien à voir avec la pro­fes­sion de jour­nal­iste et qui tra­vaille pour un média qui « triche et ment sans inhi­bi­tion et en permanence ».

Malaise sur le plateau

La chaîne ATV ne peut pas être soupçon­née d’être pro-Orbán. Elle est au côté de RTL Klub (Berteslmann) une des deux grandes chaînes cri­tiques du gou­verne­ment hon­grois. Deux stars d’ATV, András Simon et Judit Péter­fi, avaient d’ailleurs rejoint au print­emps l’équipe de cam­pagne de Péter Már­ki-Zay, can­di­dat de l’opposition unie face à Vik­tor Orbán en avril.

Sur le plateau face à Baranyi, Róbert Kárász, qui, il est vrai, est moins anti-Orbán que d’autres jour­nal­istes de la chaîne, tente de rap­pel­er la maire du 9ème arrondisse­ment à l’ordre et défend la lib­erté édi­to­ri­ale de la chaîne en expli­quant que doivent être invités tous les représen­tants des dif­férentes ten­dances poli­tiques. Selon Kárász, Baranyi ne doit pas not­er une ques­tion d’un jour­nal­iste mais y répondre.

Même son de cloche de la part d’Emília Krug, l’autre jour­nal­iste d’ATV présente sur le plateau, qui ajoute que la prochaine fois l’invitée sera prév­enue des jour­nal­istes qui l’interrogeront. Mais Krug enfonce le clou : ce n’est pas à un invité de définir ce qu’est ou non le jour­nal­isme, mais seule­ment aux téléspec­ta­teurs. S’en suit un dia­logue de sourd, une émis­sion inouïe comme le con­clut les présen­ta­teurs. Un moment de télévi­sion riche en enseignements !

Une saga qui n’en finit plus

Les médias pro-gou­verne­men­taux se sont évidem­ment emparés de l’affaire et ont con­damné l’attitude de Kriszti­na Baranyi, qui selon eux en dit long sur la manière avec laque­lle la gauche con­sid­ère la diver­sité d’opinion et la lib­erté d’expression. L’affaire a don­né lieu à un échange de ver­sions des faits : Kárász affir­mant que Baranyi était au courant de la venue de Sza­lai, Baranyi accu­sant Kárász d’être mal­hon­nête, etc.

Mais le sum­mum de l’affaire a été atteint avec la réac­tion de l’orbanophobe en chef, le philosophe post-marx­iste Gáspár Mik­lós Tamás, qui s’est par le passé illus­tré en qual­i­fi­ant la Hon­grie de pays fas­cis­toïde. Dans une tri­bune en date du 10 novem­bre, pub­liée dans Telex, le philosophe d’extrême-gauche qual­i­fie sans sur­prise le média Pesti Srá­cok, qui déplait tant à Baranyi, de média d’extrême-droite, mais explique qu’il ne faut pas ignor­er l’extrême-droite, car cela ne serait pas une bonne idée que de laiss­er sans réponse des dis­cours dan­gereux. On con­naît la musique !

Voir aus­si : Hon­grie : Telex, ou le jour­nal­isme woke qui crie à la dictature

Une affaire qui résume tout du paysage médiatique hongrois

Et si cette scène avait eu lieu dans l’autre sens ? Qu’une per­son­ne proche du gou­verne­ment avait bal­ayé d’un revers de la main avec un aplomb moral sim­i­laire à celui de Baranyi la ques­tion d’un jour­nal­iste d’opposition ? En réal­ité, cela arrive sou­vent en Hon­grie. Des sou­tiens du gou­verne­ment refu­sant régulière­ment de répon­dre aux ques­tions des médias 444 et Telex (les plus orbano-cri­tiques) en les qual­i­fi­ant d’organes de prop­a­ga­tion de fake-news. Mais cela tou­jours dans le cadre de micro-trot­toirs sauvages. C’est alors tou­jours l’occasion pour l’opposition d’affirmer que la « presse libre et indépen­dante » ne peut exercer son tra­vail con­ven­able­ment en Hongrie.

Car ce qu’il faut bien com­pren­dre une bonne fois pour toute : con­traire­ment à ce qu’affirment les accusa­teurs de la Hon­grie à l’Ouest, la presse hon­groise est libre, mais elle l’est dans une con­fig­u­ra­tion car­ac­téris­tique des pays post-social­istes. Deux blocs s’affrontent : l’un est pro-gou­verne­men­tal, l’autre lui est opposé. La lib­erté de ton du bloc d’opposition est totale, et bien plus poussée que dans la presse française. Il est toute­fois vrai que cette sit­u­a­tion n’est pas sat­is­faisante, les joutes médi­a­tiques s’apparentant sou­vent à des batailles de per­ro­quets n’entendant pas débat­tre de manière con­struc­tive mais plutôt s’invectiver. L’affaire Baranyi/ATV est là pour en témoigner.

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