Des envoyés de la Commission de contrôle budgétaire du Parlement européen (CONT) étaient à Budapest à la mi-mai pour une tournée d’inspection. Sous couvert de fausse objectivité et peinant à dissimuler la nature politique de leur démarche, certains membres de cette commission se sont adonnés à un exercice bien connu : l’inquisition orbanophobe.
« Une police secrète » hongroise, rien que ça !
Si cet exercice d’inquisition à l’encontre de la Hongrie ne date pas d’hier, cette délégation a toutefois innové en la matière. La palme revient à Monika Hohlmeier, présidente de la CONT et membre de l’Union chrétienne-sociale (CSU) bavaroise siégeant au Parti populaire européen (PPE), un groupe qui comptait les euro-députés Fidesz par le passé.
À l’occasion de la conférence de presse destinée à faire le point sur la visite des députés-enquêteurs, elle a déclaré que le gouvernement hongrois avait pris différentes mesures d’intimidation comme par exemple des « visites de la police secrète dans les locaux des entreprises ». Cela fait vraiment froid dans le dos… Mais pour agrémenter ses propos de preuves, c’est la débandade. Selon elle, des entreprises seraient dans la cible du gouvernement, lequel entendrait nationaliser ces dernières. Aucun exemple de cité.
Que serait une croisade bruxelloise sans Daniel Freund ?
Autre éminent membre de cette commission : l’inénarrable Daniel Freund, député européen vert et inclusif, en lutte quotidienne sur Twitter contre l’affreux dictateur Orbán. Freund, l’ami des dirigeants de l’opposition hongroise, a sorti le grand jeu à Budapest.
When I started my mandate in the 🇪🇺Parliament 3.5 years ago, the undertaking was considered hopeless by many. Someone like Orban was unmanageable. The resistance in the Council was too big, Orban too powerful with his veto, and von der Leyen too unwilling to take action. /1 pic.twitter.com/uN0UBFKMc9
— Daniel Freund (@daniel_freund) December 23, 2022
Sans surprise, il n’a pas manqué de produire son habituel couplet sur l’absence de liberté de la presse en Hongrie. Culotté, quand on sait que la délégation dont il faisait partie a profité de son séjour à Budapest pour rendre visite au rédacteur en chef de Magyar Narancs et à un membre de la rédaction de Magyar Hang, des hebdomadaires hongrois passant leur temps à taper sur Orbán à bras raccourcis, mais aussi des responsables d’ONG basées à Budapest, qui, pas plus que les médias « libres et indépendants », ne sont tenus en laisse par le pouvoir.
No migration, no money!
La délégation CONT était à Budapest pour juger de l’utilisation appropriée des fonds européens, tout en sachant que des milliards d’euros auxquels a droit la Hongrie sont encore en suspens, officiellement en raison de questions liées à l’État de droit, une notion dont la teneur politique peut cependant difficilement être dissimulée.
Lors de son passage à Budapest, Daniel Freund a d’ailleurs reconnu le caractère politique du mécanisme de conditionnalité liée à l’État de droit. Interrogé par un journaliste pro-Orbán, Freund a confirmé que l’UE avait bien des projets pour la Hongrie : la forcer à accueillir des migrants sur son sol.
So, ultimately, the EU’s withholding of funds rightfully due to Hungary is not about “rule of law,” academic freedom, freedom of speech. In reality, it’s about migration.
Don’t take my word for it, take @danuel_freund’s: “The no migration, no one into the country would lead… pic.twitter.com/UkGTR43BYJ
— Zoltan Kovacs (@zoltanspox) May 18, 2023
Cela n’est donc pas un délire complotiste selon l’euro-député vert allemand : si la Hongrie continue à dire non à l’immigration, cela aboutira à la priver de fonds européens. L’on cherche toujours les bases juridiques qui permettraient de considérer ces propos comme autre chose qu’une déclaration politique n’ayant strictement rien à avoir avec de quelconques critères liés à l’État de droit.
Parlons corruption
Rendons à Daniel Freund ce qui est à Daniel Freud. Certes sans faire de zèle, ce dernier s’est exprimé sur le Qatargate, le scandale de corruption touchant des membres du groupe socialiste au Parlement européen. Mais force est de constater que les valises de billets du Qatar passionnent moins les inquisiteurs de Bruxelles que la Hongrie. Des jeunes hongrois pro-gouvernement ont tenu à rappeler ce deux poids deux mesures de la délégation CONT à Budapest, en réservant un accueil spécial aux membres de cette commission.
MEPs’ mission to 🇭🇺Budapest to investigate #corruption backfires.
Young conservatives mock them as they arrive to the local office of the EP.
Maybe put your own house in order first!?@EP_BudgControl @Europarl_EN #EvaKaili @daniel_freund @katka_cseh @MHohlmeier @sandor_ronai pic.twitter.com/7TXXb7YUOG— András László (@laszloan) May 16, 2023
Une délégation bien entourée
Ne maîtrisant pas le hongrois, il fallait bien que les membres de cette délégation aient leur lot de fixeurs sur place. Mais les journalistes et les représentants d’ONG pour le moins orbano-sceptiques n’auront pas suffi à rassasier l’appétit de justice et de vérité de la CONT.
Les députés européens hongrois Katalin Cseh (Momentum — Renew Europe) et Sándor Rónai (Coalition démocratique — Socialistes et Démocrates), deux opposants farouches à la politique du gouvernement, se sont ajoutés à cette délégation, faisant ainsi voler en éclats la thèse selon laquelle cette commission travaillerait de manière objective et sans biais politique.
Voir aussi : Hongrie : un média anti-Orbán financé par le groupe des socialistes au Parlement européen
Notons au passage que Rónai siège dans les rangs d’un groupe parlementaire européen dont des membres sont accusés d’avoir reçus de l’argent liquide du Qatar, mais aussi d’un parti hongrois dont le vice-président Csaba Molnár, également député européen SD, a déclaré que son but était que la Hongrie ne reçoive pas les fonds européens qui lui sont dus. Molnár est même allé jusqu’à expliquer qu’il y voyait un devoir patriotique !
Le cynisme nordique à l’œuvre
Il était là pour jouer le rôle du sage. Le député européen finlandais membre du Parti de la coalition nationale et du groupe PPE, Petri Sarvamaa, a osé expliquer que la visite de la commission CONT en Hongrie ne concernait pas… la Hongrie.
Il s’agirait selon lui d’une simple formalité technique nécessaire aux travaux de la commission CONT. Rien de politique dans tout cela, les membres de la CONT traitent la Hongrie comme de tous les autres pays européens. Membre depuis onze ans de cette commission, Sarvamaa le jure : son travail est nécessaire et est exercé de la même manière dans tous les pays de l’UE, sans discrimnation politique.
D’ailleurs, dans un élan de bonté, Petri Sarvamaa a tenu à préciser que les Finlandais aimaient les Hongrois ! Et bien sûr que sa venue en Hongrie n’était pas liée à un quelconque parti politique local. Tout cela dit calmement et sans trembler, assis à la même table que Katalin Cseh et Sándor Rónai.
La mayonnaise ne prend pas
Hormis une frange radicalisée de l’électorat de centre-ville de Budapest, plus personne en Hongrie ne prend au sérieux cette obsession bruxelloise de l’État de droit et de la liberté de la presse. Le tableau est en réalité assez clair : les opposants politiques hongrois à Orbán se confondent avec leurs sponsors occidentaux ; tout n’est que bataille politique, le droit et les questions juridiques n’étant que des prétextes hautement bancales.
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Cette proximité entre les opposants locaux et les alliés occidentaux est aussi vraie en matière de médias. En Hongrie, les médias dits « libres et indépendants » sont tous à des degrés divers dépendants, y compris bien sûr financièrement, d’officines occidentales. L’Ojim est un des rares médias en langue française à traiter de cette question, et c’est important, étant donné que les conclusions de la commission CONT serviront probablement à faire les gros titres des médias de grand chemin dans les prochaines semaines.
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