C’est dans le cadre des États généraux de l’information que Denis Olivennes, président d’Editis et président du conseil de surveillance Czech Média Invest (CMI) et Daniel Křetínský, aux manettes du groupe CMI, ont publié une tribune dans Le Figaro pour faire part de leurs inquiétudes sur l’avenir de l’information à l’heure de l’explosion du numérique.
« Un immense danger plane sur l’information. […] Il nous paraît urgent de s’alarmer et d’agir. L’Europe le peut. Si elle ne le fait pas, la France, patrie de la liberté, le doit. » Le ton est grave, la plume lourde de solennité : Daniel Křetínský et Denis Olivennes : dans une tribune intitulée : « Le vrai danger qui pèse sur l’information n’est pas celui qu’on croit », ces deux habitués des médias livrent leur vision de l’état de l’information à l’ère numérique.
L’information à l’ère numérique : quel état en France ?
Pour les deux rédacteurs, le « pluralisme de l’information est garanti » et « toutes les sensibilités politiques, économiques, sociales, culturelles et confessionnelles sont représentées ». Le professionnalisme des rédactions serait à leurs yeux assuré par les trente mille journalistes titulaires d’une carte de presse, pour un quart issu des écoles de journalisme. De même, il leur apparaît que « la responsabilité déontologique et juridique des médias est solidement inscrite dans le droit ». Et si des perspectives d’amélioration de ces points leur semble possible, notamment par l’intermédiaire des États généraux de l’information, ils considèrent que le « point crucial n’est pas là ».
La prolifération numérique : un « immense danger » pour les médias traditionnels
Face à des médias traditionnels qu’ils semblent juger quasi irréprochables (des médias « respectueux des valeurs démocratiques et de la loi », Křetínský et Olivennes redoutent la prolifération numérique, « sources agrégeant d’énormes audiences, présentes sur des plateformes disposant de moyens financiers, technologiques et humains simplement incommensurables à ceux des médias traditionnels et qui ne sont ni professionnelles ni pluralistes ni responsables ». Alimentant les « populismes », attentatoires à la « vie privée, réputation ou dignité des personnes », ces organes « saperaient » le « débat démocratique ». Et le développement de l’intelligence artificielle, le problème risque selon eux de s’amplifier, avec l’émergence de « deep fake » notamment.
Face aux dangers, quelles solutions ?
Le milliardaire tchèque Daniel Křetínský et son acolyte directeur général de Libération Denis Olivennes ne veulent pas s’y résoudre : il existerait des solutions face à de telles offensives. L’octroi d’un statut de « quasi-éditeur » aux plateformes hébergeant les contenus apparaît comme une solution viable aux auteurs de la tribune, qui balaient la notion de liberté d’expression avec l’anathème facile : « Dans une démocratie avancée, la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres ». Pour les réseaux sociaux, les deux hommes de presse estiment que la responsabilité des éditeurs des plateformes doit être engagée en cas d’atteinte à la loi et que l’anonymat des utilisateurs doit être levé. Ils considèrent par ailleurs que les vidéos exécutées par l’intelligence artificielle doivent être signalées et que les annonceurs publics et privés devraient publier leur part d’investissements publicitaires dans les plateformes et les médias.
Un phénomène à l’origine de « l’explosion du populisme » ?
Si l’on en croit les auteurs de la tribune, l’absence d’engagement de responsabilité de telles plateformes a conduit à « l’explosion du populisme, [la] fin du débat public rationnel, [et constitue une] porte ouverte aux manipulations massives de l’opinion ». Une explication pratique, qui évitera aux auteurs de s’interroger sur d’éventuelles défaillances d’un mode de gouvernement qui n’appelle qu’un intérêt limité de la population. Face à ce qu’ils tiennent pour un « danger mortel pour nos démocraties », ils s’en remettent aux États généraux de l’information. Des EGI qui auront « réussi leur pari s’ils parviennent à dégager un consensus sur l’urgence d’une régulation forte des plateformes, des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle ». Des EGI qui ne s’inquiètent que peu des nouvelles formes de censures qui se multiplient…
Voir aussi : Denis Olivennes, portrait