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Imbroglio aux Presses Universitaires de France (PUF) : Face à l’obscurantisme woke paraîtra le 30 avril

28 mars 2025

Temps de lecture : 6 minutes
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Imbroglio aux Presses Universitaires de France (PUF) : Face à l’obscurantisme woke paraîtra le 30 avril

Temps de lecture : 6 minutes

Sur­prise ! L’ouvrage col­lec­tif inti­t­ulé Face à l’obscurantisme woke, co-dirigé par Pierre Ver­meren, Xavier-Lau­rent Sal­vador et Emmanuelle Hénin, d’abord prévu pour paru­tion début avril 2025 aux PUF puis cen­suré début mars 2025 par l’éditeur, sous le dik­tat, entre autres, de l’historien du Col­lège de France Patrick Boucheron… sera bien édité par le même édi­teur le 30 avril 2025. Il est même déjà réap­paru sur les sites des librairies en ligne. Cha­cun pour­ra donc, sauf nou­veau rebondisse­ment, le lire. La presse bien-pen­sante n’est pas for­cé­ment enthousiaste.

Voir aus­si : Les PUF cen­surent un ouvrage sur « l’obscurantisme woke », l’auteur dénonce une « cen­sure préalable »

De quoi parle le livre ?

Selon l’éditeur : « En Amérique du Nord et en Europe, nous assis­tons à un assaut inédit con­tre le statut de la vérité et de la sci­ence. Des mou­ve­ments poli­tiques se récla­ment des sci­ences sociales pour asseoir leur idéolo­gie. Or en démoc­ra­tie, nul n’est plus éclairé ni plus intel­li­gent que les autres pour vot­er : un homme, un vote. Et la sci­ence ne cesse d’être com­bat­tue au nom du « ressen­ti », cette vague notion idéol­o­gisée. Dans les deux cas, l’ob­jec­tif est la con­quête cul­turelle de lieux de pou­voir : mairies, places de députés, uni­ver­sités, médias. Les sci­ences, au pre­mier rang desquelles la biolo­gie, sont exposées à une con­tes­ta­tion idéologique sur leurs fonde­ments par des mil­i­tants aveuglés par leur toute-puis­sance. Elle leur offre l’il­lu­sion de croire qu’ils peu­vent être ce qu’ils veu­lent : homme ou femme, plante ou ani­mal, magi­cien, ini­tié ou sim­ple bacille…Cette posi­tion sape les bases de la ratio­nal­ité au prof­it d’idéolo­gies religieuses, poli­tiques et marchandes.

Vingt contributions

L’ou­vrage présente une ving­taine de con­tri­bu­tions cen­trées autour des grands enjeux de la péné­tra­tion des idéolo­gies décolo­niales, des théories de la race et du genre dans les milieux actuels de la recherche en let­tres et sci­ences humaines, en droit et même dans les sci­ences dures. Ce phénomène de décon­struc­tion de la sci­ence et du rap­port à la vérité s’ac­com­pa­gne d’un mil­i­tan­tisme gran­dis­sant de l’is­lamisme, dont cer­tains acteurs prof­i­tent pour impos­er leur prosé­lytisme et leur obscurantisme.

Retour sur la censure

Début mars 2025, une cen­sure de la peur. Selon Pierre Ver­meren, his­to­rien recon­nu et pro­fesseur à la Sor­bonne, les caus­es de la cen­sure étaient liées à l’intervention de Patrick Boucheron, his­to­rien et mil­i­tant « décolo­nial » influ­ent dans les milieux de gauche. Elles étaient aus­si plus pro­fondes, ain­si qu’il l’a expliqué sur le plateau du Club Le Figaro Idées le 13 mars 2025. Mais, pour lui, ce n’était pas l’unique rai­son : il s’agissait d’une « cen­sure préal­able », provenant « d’un édi­teur qui avait lui-même com­mandé l’ouvrage il y a trois ans, qui avait même trou­vé le titre. » Et de détailler : « Il voulait Man­i­feste con­tre le wok­isme, nous on l’a ren­du un peu plus voltairien en par­lant de l’obscurantisme. Le con­texte, il y a trois ans, n’était pas du tout le même qu’aujourd’hui. Et au-delà du con­texte trumpi­en et autre, il y a eu la ques­tion d’une intim­i­da­tion qui est venue du Col­lège de France à tra­vers la voix de Mon­sieur Boucheron qui a mis une « honte » sur le nom des PUF s’ils venaient à pub­li­er ce livre ». Selon Pierre Ver­meren, l’éditeur, pre­nait peur et voulait sauver sa maison.

C’est d’ailleurs ce que cet édi­teur, Paul Gara­pon, avait écrit aux co-directeurs de l’ouvrage. Glob­ale­ment, à l’exception du Figaro, de Cnews ou du Jour­nal Du Dimanche, l’essentiel des médias, de Libéra­tion à Fran­ce­In­fo en pas­sant par Le Nou­v­el Obs, avaient jus­ti­fié la dépro­gram­ma­tion, refu­sant la notion de cen­sure, con­sid­érant qu’un tel livre ne pou­vait que favoris­er des idées dan­gereuses, c’est-à-dire non progressistes.

Sorti par la fenêtre, Face à l’obscurantisme woke revient par la porte

Finale­ment, une douzaine de jours se sont écoulés avant que les PUF n’annoncent leur déci­sion de main­tenir la paru­tion de l’essai col­lec­tif. Paul Gara­pon l’a indiqué aux auteurs la dernière semaine de mars, par le biais d’un mes­sage. L’information a été ren­due publique par Libéra­tion le 22 mars 2025. Gara­pon aurait même assuré aux auteurs que « la volon­té de pub­li­er leur ouvrage ne l’a jamais quit­té » (sic). Dif­fi­cile d’y retrou­ver ses petits.

Le livre pris en otage par le mouvement anti-Trump

Com­men­taire de Libéra­tion: « pub­li­er un livre dénonçant « l’assaut inédit » du « mou­ve­ment woke » sur la sci­ence en Amérique du Nord et en Europe peut sem­bler con­testable à l’heure où le prési­dent Trump s’attaque aux champs uni­ver­si­taires touchant aux iné­gal­ités sociales, aux dis­crim­i­na­tions raciales, au cli­mat ou encore à la san­té ». Ce même Libéra­tion pour­suit son offen­sive con­tre l’ouvrage avec un dossier paru dans son édi­tion du 25 mars. Ses jour­nal­istes ont lu le livre. Selon eux, la thèse du livre « con­siste à démon­tr­er que la lib­erté académique est men­acée par le mou­ve­ment woke et non par la bru­tal­ité de l’administration Trump ». Pour Libéra­tion, le vrai souci serait que l’un des co-directeurs du livre, chroniqueur dans « le JDD de Vin­cent Bol­loré » se serait rap­proché de Péri­clès, « la struc­ture Pierre-Edouard Stérin qui vise à faire gag­n­er l’extrême-droite aux prochaines élections ».

VOIR AUSSI https://www.ojim.fr/le-delire-woke-sattaque-a-spirou/

Complotisme et point Godwin

Le livre col­lec­tif analyse et décon­stru­it les pon­cifs de la « cul­ture » woke : hétéro-patri­ar­cat, racisme sys­témique, cul­ture du viol, décoloni­sa­tion des imag­i­naires, queeri­sa­tion, inter­sec­tion­nal­ité, etc… Tout ce qui s’est instal­lé dans des franges minori­taires des milieux cul­turels de gauche depuis une quin­zaine d’années, pré­ten­dant à une vérité incon­testable. Que l’on vienne à débat­tre de ces pré­ten­dus con­cepts provoque une lev­ée de boucli­er. La preuve par les mésaven­tures de Face à l’obscurantisme woke. Mais Libéra­tion va encore plus loin, l’essai serait à la lim­ite du « com­plo­tisme ». Le point God­win est vite atteint, non sans chercher à délégitimer ad hominem les auteurs ni à sig­naler que l’ouvrage point­erait du doigt l’immigration, sujet tabou. Con­clu­sion au sujet du wok­isme ? « Le dénon­cer comme l’ennemi numéro 1, pas­sant sous silence les coups de boutoirs du trump­isme, dont on ne ver­ra jamais le mot écrit tout au long de cet ouvrage, con­firme bien la faute de tim­ing red­outée par les PUF et donne l’impression d’un aveu­gle­ment pour ne pas dire d’une volon­té, à peine masquée chez cer­tains auteurs, de pren­dre part à la guerre cul­turelle en cours ».

Out­re Libéra­tion, en date du 26 mars 2025, le Jour­nal du Dimanche, Le Point, Valeurs Actuelles, Fron­tières, Le Salon Beige, Boule­vard Voltaire ont sig­nalé que Face à l’obscurantisme woke allait bien paraître. Mais à la date du 27 mars à 15h pas encore Le Monde, Le Figaro ou d’autres médias.

Paul Ver­meulen

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