Surprise ! L’ouvrage collectif intitulé Face à l’obscurantisme woke, co-dirigé par Pierre Vermeren, Xavier-Laurent Salvador et Emmanuelle Hénin, d’abord prévu pour parution début avril 2025 aux PUF puis censuré début mars 2025 par l’éditeur, sous le diktat, entre autres, de l’historien du Collège de France Patrick Boucheron… sera bien édité par le même éditeur le 30 avril 2025. Il est même déjà réapparu sur les sites des librairies en ligne. Chacun pourra donc, sauf nouveau rebondissement, le lire. La presse bien-pensante n’est pas forcément enthousiaste.
Voir aussi : Les PUF censurent un ouvrage sur « l’obscurantisme woke », l’auteur dénonce une « censure préalable »
De quoi parle le livre ?
Selon l’éditeur : « En Amérique du Nord et en Europe, nous assistons à un assaut inédit contre le statut de la vérité et de la science. Des mouvements politiques se réclament des sciences sociales pour asseoir leur idéologie. Or en démocratie, nul n’est plus éclairé ni plus intelligent que les autres pour voter : un homme, un vote. Et la science ne cesse d’être combattue au nom du « ressenti », cette vague notion idéologisée. Dans les deux cas, l’objectif est la conquête culturelle de lieux de pouvoir : mairies, places de députés, universités, médias. Les sciences, au premier rang desquelles la biologie, sont exposées à une contestation idéologique sur leurs fondements par des militants aveuglés par leur toute-puissance. Elle leur offre l’illusion de croire qu’ils peuvent être ce qu’ils veulent : homme ou femme, plante ou animal, magicien, initié ou simple bacille…Cette position sape les bases de la rationalité au profit d’idéologies religieuses, politiques et marchandes.
Vingt contributions
L’ouvrage présente une vingtaine de contributions centrées autour des grands enjeux de la pénétration des idéologies décoloniales, des théories de la race et du genre dans les milieux actuels de la recherche en lettres et sciences humaines, en droit et même dans les sciences dures. Ce phénomène de déconstruction de la science et du rapport à la vérité s’accompagne d’un militantisme grandissant de l’islamisme, dont certains acteurs profitent pour imposer leur prosélytisme et leur obscurantisme.
Retour sur la censure
Début mars 2025, une censure de la peur. Selon Pierre Vermeren, historien reconnu et professeur à la Sorbonne, les causes de la censure étaient liées à l’intervention de Patrick Boucheron, historien et militant « décolonial » influent dans les milieux de gauche. Elles étaient aussi plus profondes, ainsi qu’il l’a expliqué sur le plateau du Club Le Figaro Idées le 13 mars 2025. Mais, pour lui, ce n’était pas l’unique raison : il s’agissait d’une « censure préalable », provenant « d’un éditeur qui avait lui-même commandé l’ouvrage il y a trois ans, qui avait même trouvé le titre. » Et de détailler : « Il voulait Manifeste contre le wokisme, nous on l’a rendu un peu plus voltairien en parlant de l’obscurantisme. Le contexte, il y a trois ans, n’était pas du tout le même qu’aujourd’hui. Et au-delà du contexte trumpien et autre, il y a eu la question d’une intimidation qui est venue du Collège de France à travers la voix de Monsieur Boucheron qui a mis une « honte » sur le nom des PUF s’ils venaient à publier ce livre ». Selon Pierre Vermeren, l’éditeur, prenait peur et voulait sauver sa maison.
C’est d’ailleurs ce que cet éditeur, Paul Garapon, avait écrit aux co-directeurs de l’ouvrage. Globalement, à l’exception du Figaro, de Cnews ou du Journal Du Dimanche, l’essentiel des médias, de Libération à FranceInfo en passant par Le Nouvel Obs, avaient justifié la déprogrammation, refusant la notion de censure, considérant qu’un tel livre ne pouvait que favoriser des idées dangereuses, c’est-à-dire non progressistes.
Sorti par la fenêtre, Face à l’obscurantisme woke revient par la porte
Finalement, une douzaine de jours se sont écoulés avant que les PUF n’annoncent leur décision de maintenir la parution de l’essai collectif. Paul Garapon l’a indiqué aux auteurs la dernière semaine de mars, par le biais d’un message. L’information a été rendue publique par Libération le 22 mars 2025. Garapon aurait même assuré aux auteurs que « la volonté de publier leur ouvrage ne l’a jamais quitté » (sic). Difficile d’y retrouver ses petits.
Le livre pris en otage par le mouvement anti-Trump
Commentaire de Libération: « publier un livre dénonçant « l’assaut inédit » du « mouvement woke » sur la science en Amérique du Nord et en Europe peut sembler contestable à l’heure où le président Trump s’attaque aux champs universitaires touchant aux inégalités sociales, aux discriminations raciales, au climat ou encore à la santé ». Ce même Libération poursuit son offensive contre l’ouvrage avec un dossier paru dans son édition du 25 mars. Ses journalistes ont lu le livre. Selon eux, la thèse du livre « consiste à démontrer que la liberté académique est menacée par le mouvement woke et non par la brutalité de l’administration Trump ». Pour Libération, le vrai souci serait que l’un des co-directeurs du livre, chroniqueur dans « le JDD de Vincent Bolloré » se serait rapproché de Périclès, « la structure Pierre-Edouard Stérin qui vise à faire gagner l’extrême-droite aux prochaines élections ».
VOIR AUSSI https://www.ojim.fr/le-delire-woke-sattaque-a-spirou/
Complotisme et point Godwin
Le livre collectif analyse et déconstruit les poncifs de la « culture » woke : hétéro-patriarcat, racisme systémique, culture du viol, décolonisation des imaginaires, queerisation, intersectionnalité, etc… Tout ce qui s’est installé dans des franges minoritaires des milieux culturels de gauche depuis une quinzaine d’années, prétendant à une vérité incontestable. Que l’on vienne à débattre de ces prétendus concepts provoque une levée de bouclier. La preuve par les mésaventures de Face à l’obscurantisme woke. Mais Libération va encore plus loin, l’essai serait à la limite du « complotisme ». Le point Godwin est vite atteint, non sans chercher à délégitimer ad hominem les auteurs ni à signaler que l’ouvrage pointerait du doigt l’immigration, sujet tabou. Conclusion au sujet du wokisme ? « Le dénoncer comme l’ennemi numéro 1, passant sous silence les coups de boutoirs du trumpisme, dont on ne verra jamais le mot écrit tout au long de cet ouvrage, confirme bien la faute de timing redoutée par les PUF et donne l’impression d’un aveuglement pour ne pas dire d’une volonté, à peine masquée chez certains auteurs, de prendre part à la guerre culturelle en cours ».
Outre Libération, en date du 26 mars 2025, le Journal du Dimanche, Le Point, Valeurs Actuelles, Frontières, Le Salon Beige, Boulevard Voltaire ont signalé que Face à l’obscurantisme woke allait bien paraître. Mais à la date du 27 mars à 15h pas encore Le Monde, Le Figaro ou d’autres médias.
Paul Vermeulen