Il y a des jours où la lecture de certains articles de journaux plonge dans un abîme de perplexité. La simple juxtaposition et présentation des informations en dit long sur une société où l’inversion des valeurs semble devenir la norme. Deux exemples récents liés à l’immigration clandestine nous en donnent une nouvelle illustration.
La condamnation d’une militante de Génération identitaire
Le 9 septembre, Le Parisien (reprenant une dépêche AFP) nous informe que « l’ancienne porte-parole du mouvement d’ultradroite (excusez du peu, NDLR) dissous Génération identitaire, Thaïs d’Escufon, a été condamnée jeudi à Saint-Gaudens (Haute-Garonne) à deux mois de prison avec sursis « pour injures publiques », après la publication d’une vidéo anti-migrants ».
Relaxe de 7 no border
Le lendemain, le 10 septembre, Le Dauphiné libéré nous informe que des individus, appelés les « 7 de Briançon », ont été relaxés. « Ils avaient été condamnés pour avoir fait entrer en France des personnes en situation irrégulière », apprend-on à la lecture de l’article.
Le journaliste indique ensuite qu’« l’origine de leur condamnation en première instance, les militants no border avaient le 22 avril 2018, participé à une manifestation pour exprimer leur solidarité avec les personnes migrantes et pour dénoncer une action de Génération identitaire à la frontière franco-italienne quelques jours plus tôt ».
Jusqu’ici, pas d’étonnement majeur, compte tenu de la présentation positive des militants no border par leurs défenseurs dans l’article du Dauphiné libéré et de celle négative des militants « d’ultra droite » par le Parisien.
Des précisions utiles
En poussant un peu la recherche d’informations, on apprend à la lecture d’un article du Parisien du 8 novembre 2018 que les 7 de Briançon « sont accusés d’avoir aidé une vingtaine d’étrangers en situation irrégulière à passer la frontière entre l’Italie et la France, au col de Mont-Genèvre au-dessus de Briançon, le 22 avril 2018 ».
D’autres informations importantes sont révélées dans l’article : « Sur les vidéos prises ce 22 avril au col de Montgenèvre et diffusées dans la salle du tribunal, on voit certains prévenus tenter de forcer le barrage de gendarmerie. Une manœuvre dont profitent plusieurs migrants pour contourner le dispositif mis en place par les gendarmes ». Le passage des clandestins aurait été clairement revendiqué par des militants no border sur les réseaux sociaux notamment.
Et dans une parfaite symétrie, que reproche-t-on à Thaïs d’Escuffon ? Le Parisien apporte quelques précisions dans son article du 9 septembre :
« Selon le procureur, la porte-parole du mouvement, Anne-Thaïs du Tertre d’Escuffon, dite Thaïs d’Escufon, étudiante toulousaine de 21 ans, avait « stigmatisé » les migrants dans une vidéo YouTube publiée le 21 janvier en affirmant qu’il était « scandaleux qu’un migrant puisse traverser la frontière ». Des propos qui caractérisent « ce passage de la frontière comme un danger, c’est une spéculation sur la notion de danger alors que rien n’est argumenté ».
Quelle que soit la motivation des deux jugements et les éléments retenus, on ne peut s’empêcher de ressentir un certain trouble, et même un trouble certain, face à ces deux verdicts, tels qu’ils sont présentés par les journaux cités :
D’un côté, une jeune femme condamnée pour avoir affirmé qu’il était « scandaleux qu’un migrant puisse traverser la frontière », et de l’autre, des militants no border relaxés après avoir permis en recourant à la force à une vingtaine d’étrangers en situation irrégulière de passer la frontière franco-italienne. Dans ces deux affaires, les qualificatifs retenus pour désigner les uns et les autres, les personnes interrogées pour réagir aux jugements auront suffi à couvrir d’indignité l’une des militantes du mouvement désormais dissous Génération identitaire, de l’autre à présenter de manière plutôt positive l’action des no border. Du beau travail, ou l’inverse.
Sur un sujet proche, nous recommandons la lecture de l’article d’Il Giornale sur les manipulations par l’image des mêmes filières.