C’est bien connu : la peur fait vendre. Surtout s’il s’agit d’un projet capable de bouleverser un bourg de 3000 habitants perdu dans la campagne bretonne entre Vannes et Ploërmel. À Sérent, le maire divers gauche voulait transformer l’ancienne maison de retraite en centre d’accueil pour 15 familles de migrants, géré par l’association spécialisée Coallia qui portait le projet. Ce qui a rapidement – la campagne des régionales aidant – révolutionné ce bourg breton, la majorité des habitants étant contre.
Le maire ne s’était du reste pas simplifié la vie, puisqu’il n’en avait pas discuté au préalable avec ses concitoyens, et, la polémique prenant de l’ampleur, s’était raidi dans sa volonté de leur imposer son projet. Ce fut finalement la Préfecture du Morbihan qui l’enterra pour des raisons officielles de bon sens : l’éloignement du village et l’état du bâtiment qui nécessite des travaux.
En attendant, le journal papier du coin est tombé dans le piège du sensationnalisme. Pensez, à Sérent c’était l’événement du siècle ! La tentation était trop forte et l’hebdomadaire local succomba, publiant en Une la photo d’une famille de réfugiés devant l’ancienne maison de retraite qui devait accueillir ce centre d’accueil. Double problème, comme le signale dans un communiqué le syndicat national des journalistes : la photo est un « photomontage combinant une image de l’ancien foyer-logement avec celle de quatre réfugiés photographiés en Autriche en septembre dernier ». Et le lecteur n’est pas prévenu : le cliché est juste crédité à l’agence EPA. Il n’y a aucune indication qu’il a été bricolé.
L’occasion pour le syndicat professionnel d’estimer qu’« avec de tels procédés, Le Ploërmelais tire une balle dans le pied de la profession » et de ressortir sa charte – du reste bien peu appliquée dans les médias français – où il est écrit noir sur blanc que « le journaliste (…) tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles ».
Le lecteur breton s’étonnera pour une autre raison. Le Ploërmelais, dont la diffusion France Payée, en baisse continue, est de 4889 exemplaires en moyenne de juillet 2014 à juin 2015, appartient à Publihebdos, qui est lui-même filiale de SIPA-Ouest-France. Or le navire amiral de ce dernier – Ouest-France – et les quotidiens qui en dépendent, par exemple Presse Océan dans la région nantaise – ne cessent de montrer aux bretons l’arrivée prochaine des migrants sous le jour le plus favorable, et couvrent avec beaucoup de bienveillance les efforts de diverses collectivités locales pour les accueillir. Et c’est encore Ouest-France qui avait traité de « racistes » les manifestants réunis à Brest pour réclamer la fermeture d’une mosquée salafiste…