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Les Inrocks sont dans le rouge et veulent utiliser une rupture conventionnelle collective

13 janvier 2018

Temps de lecture : 6 minutes
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Les Inrocks sont dans le rouge et veulent utiliser une rupture conventionnelle collective

Temps de lecture : 6 minutes

Après PSA ou Pimkie (groupe Mulliez), ce sont Le Figaro et les Inrockuptibles qui songent aux ruptures conventionnelles collectives pour diminuer leur masse salariale. Toujours fidèle à elle-même la CGT a dénoncé le projet de licenciements du Figaro mais s’est tue sur ceux des Inrocks. Pas touche aux vaches sacrées ! L’hebdomadaire du banquier Matthieu Pigasse accumule en effet les pertes. Marqué au centre-gauche – autrement dit plutôt en Marche – le titre ne profite pas du succès (apparent) de ses idées aux élections de 2017.

Le 14 décem­bre, Elis­a­beth Labor­de, direc­trice de l’heb­do­madaire, a ren­con­tré les syn­di­cats pour les prévenir de l’ou­ver­ture d’une négo­ci­a­tion sur la rup­ture con­ven­tion­nelle col­lec­tive de cer­tains des con­trats des 70 salariés du titre. La for­mule lancée à la ren­trée 2017 avec une volon­té affichée de mon­ter en gamme n’a pas fait d’ét­in­celles : la dif­fu­sion France payée se sta­bilise (-0,12% à 35 262 exem­plaires, avec 25 000 abon­nés), tan­dis que depuis 2013 elle a reculé de 16%. Le titre a eu en 2017 un chiffre d’af­faires de 15 mil­lions d’eu­ros pour une perte nette de 1,5 mil­lions d’euros.

Les Inrocks sont retombés au point où ils en étaient en 2009, lorsque Pigasse les a rachetés

Une nou­velle grosse perte qui a peut-être provo­qué une cer­taine las­si­tude du ban­quier Pigasse, lassé de devoir remet­tre au pot en per­ma­nence pour soutenir la gauche cul­turelle. En févri­er 2016 Pierre Siankows­ki, tout juste nom­mé directeur de la rédac­tion du mag­a­zine, recon­nais­sait dans Ozap/Puremédias « il ne faut pas se men­tir aus­si : sans lui, on ne serait plus là. C’est quelqu’un qui nous sou­tient finan­cière­ment ».

Dans Le plein emploi de soi-même (2013), Bernard Zekri révèle les grands pro­jets que Pigasse a eu pour Les Inrocks : « Pigasse se promène partout, touche à tout, deale, vend et achète. Il est grand, beau, a 44 ans, de l’ar­gent et aime séduire. En 2009 il a acheté les Inrock­upt­ibles », rentable depuis 2003 avec 13,2 mil­lions d’€ de chiffre d’af­faires en 2008 et 76 salariés hors pigistes, à Jean-Daniel Camus qui en a gardé 20%, « heb­do­madaire de musique, de cul­ture et de mœurs, arbi­tre d’une élé­gance d’a­vant-garde mais défici­taire et plus révéré que lu. C’é­tait mon patron. Il m’a con­va­in­cu de le suiv­re et engagé comme directeur de la rédac­tion. Il voy­ait déjà les Inrocks en news cul­turel et jeune qui eût con­cur­rencé le Nou­v­el Obser­va­teur ».

Les ventes remon­tent à 55 000 exem­plaires puis se blo­quent : « faute de relance et d’embauches, nous pla­fon­nons. Désor­mais Pigasse m’ig­nore : en douze mois, je ne l’ai vu qu’une demi-heure ». Le 12 juil­let 2012 à l’hô­tel Bris­tol il lui annonce qu’il le vire, sans le vir­er – Audrey Pul­var est bom­bardée direc­trice édi­to­ri­ale. Elle ne tient pas l’an­née : Matthieu Pigasse est agacé par sa volon­té d’au­tonomie et ses deman­des d’ar­gent tan­dis que l’heb­do­madaire aurait accu­mulé 7 mil­lions d’eu­ros de dettes en trois ans, selon Téléra­ma. Depuis, le « pas patri­ote pour un sou » Frédéric Bon­naud, par­ti à la Ciné­math­èque française en févri­er 2016, n’a pas été plus heureux. Rien ne s’est amélioré et le titre en est au même point, ou qua­si, que lors de son rachat par Pigasse en 2009. Et ce bien que la pub­lic­ité occupe désor­mais près d’un quart de la pag­i­na­tion, relève Acrimed à l’au­tomne 2017.

« Coups » en cou­ver­ture et agit-prop gauchiste

La polémique avec Valls – asso­cié début 2018, en train de boire un verre de vin – aux « dom­mages géné­tiques irréversibles » que provo­querait l’al­cool – ce qui l’a mis, on s’en doute, en colère, ne change rien aux per­spec­tives moros­es du titre, qui pré­tend avoir besoin de réduire sa masse salar­i­ale pour se « con­cen­tr­er sur son offre dig­i­tale ». Le jour­nal doit aus­si démé­nag­er courant 2018 au nord de Paris dans un immeu­ble com­mun aux autres activ­ités média détenues par Matthieu Pigasse (Les Nou­velles Édi­tions Indépen­dantes), dont la radio Nova, le fes­ti­val Rock en Seine, le mag­a­zine pure­play­er fémin­iste Cheek Mag­a­zine, les mag­a­sins de dis­ques Rough Trade…

Dans le même genre que l’at­taque con­tre Manuel Valls , Les Inrock­upt­ibles avaient fer­rail­lé con­tre Eugénie Bastié ou encore fait du Pou­tine bash­ing sans réus­sir à mon­tr­er autre chose qu’un gauchisme arro­gant don­neur de leçons de morale que la grande majorité des français ne peut plus voir en pein­ture, au nom du « fil directeur » de la « pre­scrip­tion cul­turelle » : autrement dit, comme il y a 30 ans, les Inrocks se voient en jour­nal qui dit qui sera écouté, lu, enten­du demain – et qui ne le sera pas pour crime de mal-pen­sance. Le prob­lème, c’est que le monde a changé en 30 ans.

L’un des pigistes des Inrocks est d’ailleurs un « antifa anti-sion­iste », sûre­ment un mod­èle d’ob­jec­tiv­ité, on s’en doute. Un autre des pro­tégés des Inrocks en général et de Pierre Siankows­ki en par­ti­c­uli­er – il est allé jusqu’à men­ac­er un maire qui s’é­tait mêlé de la polémique – n’é­tait autre que Meh­di Meklat du Bondy Blog, jeune plume de ban­lieue pos­i­tive­ment dis­crim­iné par les médias gauchistes côté lumière, et qui s’est illus­tré côté ombre par ses tweets racistes, anti­sémites, homo­phobes et faisant l’apolo­gie du ter­ror­isme islamique.

Cette logique de « coups » en cou­ver­ture – aux dépens des analy­ses de fond – et de pro­pa­gande poli­tique avait été annon­cée par Pierre Siankows­ki en févri­er 2016 sur Ozap/Puremédias. Il fait au pas­sage l’éloge du numéro de la semaine – auto-sat­is­fecit et pub en même temps – « cette semaine, on a un grand entre­tien avec Chris­tiane Taubi­ra, on a un reportage en Pologne, on a des papiers sur Bernie Sanders (le can­di­dat à la pri­maire démoc­rate aux Etats-Unis, ndlr) et Kanye West. Pour moi, le jour­nal de cette semaine est typ­ique­ment dans ce qu’on doit faire ».

Bref, il s’ag­it en réal­ité de servir la clien­tèle des 25 000 abon­nés du jour­nal, en leur per­me­t­tant de s’en­canailler à peu de frais. Pour ce qui est de fidélis­er les vis­i­teurs du site – il revendique au pas­sage « 7 mil­lions de vis­i­teurs par mois », c’est raté – l’au­di­ence du site sem­ble s’être effon­drée au lende­main des prési­den­tielles, tombant du 10 000e rang mon­di­al au-dessous du 13 000e, selon Alexa. Dans la mesure où le rank­ing est une com­bi­nai­son du nom­bre de vis­i­teurs uniques et du nom­bre de pages vues sur les trois derniers mois, l’au­di­ence du site a reculé, mal­gré les « coups » édi­to­ri­aux. Ou à cause d’eux ?

 

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