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Google poursuivi en justice en Pologne pour cause de censure idéologique

18 novembre 2019

Temps de lecture : 5 minutes
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Google poursuivi en justice en Pologne pour cause de censure idéologique

Temps de lecture : 5 minutes

Dans un communiqué publié le 8 novembre 2019 sur son site, l’organisation polonaise d’avocats et juristes pro-vie et pro-famille Instytut Ordo Iuris indique avoir entamé une action en justice contre le géant américain Google.

Dans cette affaire, les avo­cats de cette ONG con­nue pour son effi­cac­ité et son activisme en Pologne et à l’étranger, auprès des instances inter­na­tionales (ONU, CEDH, CJUE, etc.), représen­tent le rédac­teur en chef d’un heb­do­madaire con­ser­va­teur pres­tigieux, Do Rzeczy. Cinquième heb­do­madaire d’actualité sur le marché polon­ais en ter­mes de ventes, Do Rzeczy est sou­vent classé pre­mier ou deux­ième en ter­mes d’influence, c’est-à-dire en nom­bre de fois où ses arti­cles sont cités dans les autres médias polonais.

Censure sur YouTube

La plainte de l’Institut Ordo Iuris con­tre Google con­cerne tout par­ti­c­ulière­ment des émis­sions de la télévi­sion Inter­net wSensie.tv aux­quelles par­tic­i­paient Paweł Lisic­ki, le rédac­teur en chef de Do Rzeczy. Le ser­vice YouTube, qui appar­tient à Google et sur lequel wSensie.tv dif­fuse ses émis­sions, a en effet sup­primé à deux repris­es cet été des épisodes de l’émission Wierzę (« Je crois »), présen­tée sur le site de la télévi­sion Inter­net comme étant une émis­sion catholique et dans lesquelles Paweł Lisic­ki dis­cu­tait avec le jour­nal­iste Marek Myśko de l’enseignement de l’Église en ce qui con­cerne l’homosexualité. Paweł Lisic­ki est un jour­nal­iste, com­men­ta­teur, essay­iste et écrivain con­ser­va­teur recon­nu en Pologne et très sou­vent invité sur les plateaux de télévi­sion. Auteur de nom­breux livres et féru de théolo­gie et d’histoire, c’est un spé­cial­iste de l’histoire de l’Église.

Ain­si que le rap­pelle Ordo Iuris dans son com­mu­niqué infor­mant des pour­suites engagées con­tre Google, la cen­sure qui a frap­pé cette émis­sion sur YouTube n’est mal­heureuse­ment pas un cas isolé. Et l’organisation de citer une homélie de l’archevêque de Cra­covie com­para­nt le total­i­tarisme LGBT au total­i­tarisme com­mu­nisme, qui avait été mise en ligne par la radio catholique Radio Mary­ja, ain­si que les paroles de jour­nal­istes con­ser­va­teurs et « autres con­tenus à car­ac­tère pro-famille, chré­tien et con­ser­va­teur », et les chaînes YouTube de cer­taines télévi­sions Inter­net de droite.

Au début du mois d’août, YouTube avait par exem­ple blo­qué la chaîne wRealu24 mal­gré (ou à cause de ?) ses quelque 400 000 abon­nés après que cette chaîne aux vues con­ser­va­tri­ces et patri­o­tiques se fut fait une spé­cial­ité de cou­vrir en direct les « march­es des égal­ités » LGBT très nom­breuses cette année en Pologne, mais avec sou­vent les mêmes vis­ages de mil­i­tants trans­portés en auto­cars d’une ville à l’autre. Certes, le reporter de wRealu24 y posait sou­vent des ques­tions qui avaient le don de gên­er ou agac­er les man­i­fes­tants, et il lui fal­lait par­fois exhiber sa carte de presse pour obtenir la pro­tec­tion de la police, mais il agis­sait tou­jours sans agres­siv­ité et en restant cour­tois à tout moment, con­traire­ment à cer­tains de ses interlocuteurs.

Autres censures des GAFA

Dans son numéro du 12–18 août, l’hebdomadaire Do Rzeczy avait réa­gi à la cen­sure qui venait de frap­per son rédac­teur en chef par un dossier sur la manière dont les géants améri­cains de l’Internet Google, Face­book et Ama­zon pra­tiquent la cen­sure idéologique con­tre les chaînes con­ser­va­tri­ces, nation­al­istes, catholiques ou pro-vie. Out­re la sup­pres­sion ou le blocage des comptes ou des con­tenus, on pou­vait y lire com­ment, par exem­ple, Google coupe les sites de droite de leur finance­ment par la pub­lic­ité. Par­mi d’autres, le rédac­teur de l’hebdomadaire libéral-con­ser­va­teur Najwyższy Czas (« Il est grand temps »), Tomas Som­mer expli­quait ain­si dans ce numéro de Do Rzeczy com­ment, sans aver­tisse­ment, les pub­lic­ités Google ces­saient d’apparaître sur leur site, les pri­vant des revenus cor­re­spon­dants, ce qui était suivi au bout d’un cer­tain temps par l’appel d’un employé de Google, qui ne se présen­tait que par son prénom et qui n’était jamais le même, pour informer qu’il n’y aurait plus de pub­lic­ité sur le site tant que celui-ci présen­terait des con­tenus « non con­formes aux valeurs de Google ». Impos­si­ble en revanche de savoir quels con­tenus pré­cis étaient sup­posés enfrein­dre ces valeurs. Dans la pra­tique, cepen­dant, il sem­blerait que, en Pologne comme ailleurs, toute cri­tique de l’idéologie et de la mil­i­tance LGBT, de l’immigration ou de l’avortement et tout con­tenu à car­ac­tère patri­o­tique est sus­cep­ti­ble d’être classé « dis­cours de haine » par Google et con­sorts, au con­traire des dis­cours agres­sive­ment anti-chré­tiens et anti-droite qui sus­ci­tent rarement des réac­tions des géants du Net quand ils sont dénoncés.

Pour ce qui est des émis­sions de la télévi­sion Inter­net wSensie.pl à l’origine de l’action en jus­tice d’Ordo Iuris, les pas­sages de la Bible et les doc­u­ments de l’Église cités par Paweł Lisic­ki avaient vis­i­ble­ment été jugés par les employés de Google comme inci­tant à la haine. Après la sup­pres­sion des deux émis­sions incrim­inées, c’est la chaîne wSensie.pl elle-même qui avait été blo­quée pour 3 mois sur YouTube. Google était toute­fois revenu sur cette déci­sion après l’intervention d’Ordo Iuris, mais les avo­cats de l’ONG polon­aise exigeaient égale­ment des excus­es publiques, à pub­li­er sur un quart de la sur­face de la page d’accueil du site YouTube.com, envers les deux jour­nal­istes de l’émission qui s’étaient estimés dif­famés par le motif « de dis­cours de haine » évo­qué pour jus­ti­fi­er la cen­sure qui les avaient frap­pés. Ordo Iuris demandait encore que Google s’engage par écrit à met­tre fin à ces pra­tiques que l’organisation polon­aise con­sid­ère comme illé­gale à la lumière des lois polon­ais­es sur la lib­erté expres­sion. La direc­tion de Google n’ayant pas daigné réa­gir, la jus­tice polon­aise va donc se saisir du dossier.

Censures des géants américains

Par­al­lèle­ment, l’Institut Ordo Iuris a pré­paré un pro­jet de loi accom­pa­g­né d’une péti­tion dans le but de mieux défendre en Pologne la lib­erté d’expression sur Inter­net. Cette action est soutenue par plusieurs jour­nal­istes et polémistes qui ont été vic­times de la cen­sure des géants améri­cains du Net et elle est égale­ment soutenue par le cen­tre de sur­veil­lance de la lib­erté de la presse de l’association des jour­nal­istes polon­ais (Sto­warzysze­nie Dzi­en­nikarzy Pol­s­kich, SDP).

Dans son com­mu­niqué, Ordo Iuris informe aus­si être en train d’analyser d’autres « affaires liées à la cen­sure idéologique » pra­tiquée par Google et les médias soci­aux. Des affaires qui pour­raient débouch­er sur de nou­velles actions en justice.

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