Première diffusion le 13/10/2022.
Première partie. L’International Center for Journalists, basé à Washington, a été fondé en 1984, tout un symbole ! Il se veut bien évidemment libre et indépendant, à la manière de ces innombrables organisations nord-américaines chargées de faire la pluie et le beau temps sur le terrain des idées et des relations internationales.
En près de trente années d’existence, cette organisation a étendu ses activités dans près de 180 pays et revendique un réseau fort de plus de 150 000 journalistes. Une puissante machine de formation et de mise en réseaux des journalistes dont on parle peu en Europe. Éclairage sur l’ICFJ, un bras incontournable de la force de frappe médiatique US au plan mondial.
« Diversité, équité et inclusion »
Il s’agit de la devise de l’ICFJ, des engagements pris par ce centre de formation dans sa mission. Pas de doute sur la teneur idéologique de cette organisation : les explications de sa mission sont truffées du vocable convenu de la bien-pensance.
On y croise l’inénarrable lutte contre la corruption, la défense du principe des démocraties en bonne santé, l’empowerment, ce terme utilisé à tour de bras par les vendeurs de luttes sociétales, la technologie et la mentalité start-up au service de ce que les anglo-saxons appellent les « communities », toutes discriminées bien-sûr. L’orientation idéologique de cette organisation est signée des deux mains et constitue un bon résumé sémantique de ce que propage le camp du Bien. Rien d’étonnant si l’on sait d’où vient cette organisation.
Une organisation cornaquée par les médias de grand chemin US depuis ses débuts
L’ICFJ est le bébé de trois grands journalistes américains qui officiaient pendant la guerre froide : Tom Winship, James D. Ewing et George Krimsky. Ces trois hommes ont fondé l’ICFJ dans le but de « soutenir leurs confrères à l’étranger, particulièrement dans des pays où la tradition de la presse libre est faible. »
Le premier, Tom Winship, était une signature fameuse du Boston Globe, le plus vieux quotidien de Boston connu pour son nombre record de prix Pulitzer (12) un journal dans lequel travaillait déjà son père, Lawrence. Le Boston Globe a eu son heure de gloire et s’est fait connaître pour son opposition à la guerre du Vietnam et la couverture accordée à la période de désagrégation raciale des écoles de Boston (1974–1988). La famille Winship est une dynastie de journalistes, le grand-père de Tom, A. E. Winship, était journaliste au Boston Traveller.
Le deuxième, James D. Ewing, était le propriétaire de la Keene Sentinel pendant quarante ans et s’est illustré par la formation qu’il a octroyée en 1987 au futur président afghan Hamid Karzai (qui a également fréquenté l’école de journalisme de Lille en 1985–1986). D’abord perçu comme un espoir à Washington, Karzai, qui a reçu secrètement des fonds de la CIA, prendra plus tard ses distances avec les États-Unis.
Le troisième, George Krimsky, a longtemps été un pilier de l’agence de presse AP Press, pour laquelle il était le correspondant en Union soviétique et au Moyen-Orient, autrement dit un homme aux premières loges de la vision du monde nord-américaine au cœur de la guerre froide.
À la manière d’une ribambelle de think tanks et autre instituts ou fondations prétendument « indépendants », l’ICFJ sort directement d’une Amérique montrant ses crocs au cours de la guerre froide. Ces entités ont besoin d’un ennemi pour fonctionner. Il en est toujours ainsi en 2022 en ce qui concerne l’ICFJ.
Au service d’un « monde meilleur »
Après s’être illustré au profit des intérêts de Washington dans la lutte contre les Rouges, puis avoir œuvré — avec le succès que l’on sait — à la démocratisation du Moyen-Orient, l’ICFJ ferraille désormais sans surprise contre toute forme de « désinformation », que cette dernière émane de cercle jugés « complotistes » ou des couloirs du Kremlin.
L’ICFJ a notamment été en première ligne pour « aider des journalistes à couvrir l’histoire du siècle. » Dans une lettre signée par la présidente du centre, Joyce Barnathan, on apprend en effet que l’ICFJ se targue d’avoir fait bénéficier à « des dizaines de milliers de journalistes » un accès « aux meilleurs épidémiologistes et praticiens de la santé, aux meilleurs formateurs du monde en techniques de journalisme numérique, ainsi qu’à des experts en désinformation et en durabilité des médias. » Un véritable « combat contre les fausses informations » qui permet de « sauver des vies », comme l’affirme Joyce Barnathan.
L’ICFJ coche toutes les cases de la bien-pensance, qui plus est dans un style virant au comique :
« Notre devise est “It Takes a Journalist”. Qu’il s’agisse d’une pandémie mondiale, d’une injustice raciale, d’un changement climatique ou de malversations gouvernementales, il faut un journaliste pour apporter au public des informations factuelles qui peuvent faire la différence entre la vie et la mort. Et quelle que soit l’histoire, l’ICJF sera là pour soutenir et renforcer les journalistes qui contribuent à rendre notre monde meilleur. »
À suivre…