Malgré une popularité conséquente, qui ne se dément pas auprès de la population transalpine, la gouvernance de Giorgia Meloni est loin d’être un long fleuve tranquille et son action politique ne cesse de s’opposer aux tentatives d’entraves des différents « corps constitués » qui l’obligent à de perpétuels bras de fer. Après la magistrature, qui a ouvert une enquête sur la présidente du Conseil italien, c’est au tour du monde médiatique de redoubler d’attaques contre le gouvernement.
Un logiciel espion israélien au cœur de la polémique
Si les rapports entre les médias, majoritairement de gauche, et la chef de file de Fratelli d’Italia ont toujours été tendus, la situation s’est encore détériorée ces dernières semaines à la suite du piratage des téléphones de plusieurs journalistes de l’opposition.
Ce fût notamment le cas pour Francesco Cancellato, directeur du média en ligne Fanpage, très hostile au gouvernement, qui, fin janvier, a reçu sur son téléphone une notification inhabituelle, Meta, maison mère de Facebook et de WhatsApp, l’informant que son téléphone était infecté par un logiciel espion et qu’il devait se débarrasser de l’appareil, irrémédiablement compromis.
Par la suite, plusieurs de ses collègues ont connu la même mésaventure. Le logiciel à l’origine de ces piratages serait un produit de la société israélienne Paragon Solutions qui, selon le quotidien britannique The Guardian, avait récemment rompu ses relations avec l’État italien suite à des « désaccords commerciaux et techniques ».
Il n’en fallait évidemment pas plus pour que les journalistes victimes du piratage accusent le gouvernement d’en être à l’origine. Pour le moment, aucun élément probant n’a pu être excipé en ce sens. Cette affaire alourdit en tout cas encore un peu plus les relations entre l’exécutif italien et les médias d’opposition.
Multiplication des plaintes pour diffamation
Un climat déjà détérioré par la multiplication des plaintes pour diffamation déposées par des membres du gouvernements contre des journalistes. Des plaintes qui, selon Dimitri Bettoni, chercheur au Media Freedom Rapid Response, « aboutissent rarement, mais mobilisent les ressources des accusés et laissent planer sur les professionnels des médias un risque permanent. »
Si, du côté des journalistes, on se plaît à hurler à la volonté de censure et aux tentatives d’intimidation, du côté du gouvernement on parle davantage de « légitime défense » face à une meute médiatique qui s’est toujours montrée particulièrement vindicative et agressive envers Giorgia Meloni et sa majorité, n’hésitant pas à user et abuser des références aux années 30 et des accusations de « néo-fascisme ».
Pour tenter de démontrer le recul de la « liberté de la presse » dans la péninsule, la gauche met en exergue le fait que l’Italie a perdu cinq places (46e position) dans le très contestable classement de Reporters sans frontières de 2024. Elle reproche également au gouvernement de vouloir contrôler l’audiovisuel public, « pilier de l’Italie républicaine ».
Bataille pour l’audiovisuel public
« Depuis l’arrivée au pouvoir de Madame Meloni, qui a mis à sa tête des alliés politiques, les chaînes de l’audiovisuel public ont subi les départs de têtes d’affiche incompatibles avec le gouvernement tandis que d’autres personnalités se rangeaient sur la ligne du pouvoir» s’étrangle Giovanni Tizian, chef du service enquêtes du quotidien Domani, plusieurs fois mis en cause pour diffamation.
« Ils nous reprochent de faire ce que toute nouvelle majorité fait quand elle arrive au pouvoir… A chaque alternance, c’est pareil, on remplace la direction et on écarte les gens qui vous ont trop craché au visage et insulté… Mais la gauche ne supporte pas l’idée de perdre un tant soit peu le contrôle d’un domaine qu’elle estime être son intouchable pré-carré… » estime pour sa part un cadre de Fratelli d’Italia.
Il Foglio relativise
Par ailleurs, Claudio Ceresa, directeur du grand quotidien libéral Il Foglio (pourtant récemment visé par une action en justice engagée par les services de renseignements suite à des révélations sur les rapports italo-libyens), relativise largement le psychodrame qui agite les médias de gauche en déclarant :
« Tous les discours sombres sur la situation des médias sont vraiment exagérés. Les plaintes en justice existent mais elles n’aboutissent pas. La liberté d’expression est totale et les accusations de censure font simplement partie d’une confrontation politique entre le gouvernement et ses opposants. »
Quoiqu’il en soit, selon le média spécialisé dans les études d’opinion Youtrend, le parti de Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia, se situait, au 31 janvier 2025, à 30 % des intentions de vote, dépassant ainsi le score de 26 % enregistré aux élections législatives de 2022 et les 29 % des élections européennes de 2024. Quant à la coalition de droite qu’elle a constituée, avec ses composantes de droite radicale et de centre droit, elle dépasse les 49 % dans les mêmes sondages.