L’impartialité du service public – ou plutôt son absence — est un sujet que connaissent bien nos lecteurs. De sérieuses interrogations sur les méthodes de France Télévisions, ainsi que sur son orientation politique, reviennent en boucle dans le débat public. Il est plus rare cependant de voir des anciens serviteurs du groupe déballer sur la place publique l’envers du décor. C’est le cas depuis quelques jours avec Jacques Cardoze.
De Complément d’Enquête à TPMP
Cardoze n’est autre que l’ancien présentateur d’une émission vedette de France Télévisions, Complément d’Enquête, qu’il a animée durant trois ans, de 2018 à 2021. En juillet dernier, après cinq ans d’absence du monde télévisuel, il décide de contacter Cyril Hanouna afin de rejoindre son équipe. Dans ses interviews, on sent dans ce geste un début de révolte contre un monde journalistique policé (voire policier), où des opinions différentes sont mal vues. D’où sa bataille contre la pensée unique du service public, un sujet qu’il connaît de l’intérieur.
Pas de critique de LFI ou des banlieues islamisées dans l’émission
Dans une interview donnée au Figaro, Jacques Cardoze dévoile les coulisses de Complément d’Enquête. Il affirme ainsi qu’un sujet sur Mélenchon a été refusé de manière douce par ses collaborateurs. La raison ? Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise font partie des informateurs principaux de l’émission en ce qui concerne des sujets de choix comme des fermetures d’usine, des affaires financières, etc. Toujours dans la même veine, il a été traité de « facho », pour avoir proposé un sujet s’intéressant aux liens entre LFI et l’islamogauchisme en banlieue.
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Un consensus classique de l’équipe libérale libertaire
Comment ces sujets étaient mis de côté ? Contrairement à ce que nous pourrions penser, les hautes instances de France Télévisions ne sont pas derrière cela, la faute revient plutôt au fonctionnement interne de l’émission. Les sujets sont proposés et adoptés de manière collégiale, en présence des cadres de l’émission, présentateur et rédacteur en chef, mais aussi en présence des reporters, environ une dizaine d’après Cardoze. Or, ces derniers auraient refusé de travailler sur de tels sujets, rendant donc impossible la réalisation de ces émissions. Par ailleurs, sans surprise, Cardoze fait cette confession, qu’on lui a faite lorsqu’il a pris les commandes de l’émission : « C’est une secte ». Une phrase qui en dit long sur l’esprit qui règne, un esprit que Cardoze a, chez Morandini, clairement indiqué comme étant, à minima, à gauche, version libérale libertaire.
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La symétrie des fausses fenêtres
La réponse des équipes de Complément d’Enquête ne s’est pas faite attendre. Dans un tweet, Tristan Waleck, rédacteur en chef de l’émission, indique la diffusion prochaine d’une émission sur Sophia Chirikou, la compagne non officielle de Mélenchon, ainsi que sur les comptes de campagne de LFI. Il ne s’agit pas d’un portrait comme en fait parfois l’émission. C’est donc ce qu’on appelle taper autour. Par ailleurs, la société des journalistes a indiqué que l’impartialité était parfaitement respectée, en citant des sujets sur des personnalités politiques du centre et de la droite, mais en citant seulement deux sujets sur des personnalités de la gauche : celui sur Anne Hidalgo, qui avait été proposé par Cardoze, et Sandrine Rousseau. Deux émissions sur cinquante, un bel exemple d’équité. Enfin, Cardoze a également révélé le boycott des chaînes du groupe Bolloré, qui cette fois vient des hautes instances de France Télévisions. Un boycott dont on imagine les raisons politiques.
Enquête de complément
Ces phrases entrent en résonnance avec la passe d’armes récente entre Sonia Mabrouk et Élise Lucet sur le plateau de Léa Salamé. L’animatrice de CNews avait souhaité une enquête sur France Télévisions, qu’Élise Lucet jugeait inutile. Notons par ailleurs que Cardoze a indiqué préparer, aux côtés de Cyril Hanouna, Enquête de complément, une émission d’investigation sur les méthodes de l’émission de France 2. Notons que cette émission est la réponse que prépare Hanouna à une émission sur laquelle travaille actuellement les équipes de Complément d’Enquête à son sujet. Certains ont d’ailleurs vu dans le recrutement de Jacques Cardoze un épisode de cette lutte, ce que conteste ce dernier. Un match à suivre, avec peut-être d’autres révélations à la clé.