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Départ de Fayard d’Isabelle Saporta, licenciée par Hachette

19 avril 2024

Temps de lecture : 7 minutes
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Départ de Fayard d’Isabelle Saporta, licenciée par Hachette

Temps de lecture : 7 minutes

La direction d’Hachette (intégré au groupe Vivendi) a annoncé le 16 avril 2024 le licenciement d’Isabelle Saporta directrice des éditions Fayard pour cause de « différends stratégiques ». Fayard aurait dû travailler avec Mazarine – une autre marque du groupe – dirigée par Lise Boëll l’éditrice d’Éric Zemmour, réputée plus à droite. Une collaboration refusée par Saporta.

La nébuleuse libérale libertaire écolo de Saporta

Devant le tol­lé des médias de grand chemin, nous reprenons en par­tie notre arti­cle du 2 juin 2019 qui lève le voile sur la nébuleuse libérale lib­er­taire d’Isabelle Sapor­ta dont un récent arti­cle du Monde oublie judi­cieuse­ment de sig­naler qu’elle est la com­pagne de Yan­nick Jadot. Pour le con­texte : à l’époque Isabelle Sapor­ta venait de démis­sion­ner de RTL pour avoir un peu trop favorisé la liste écol­o­giste menée par le même Yan­nick Jadot lors des élec­tions européennes (mai 2019). Elle devien­dra direc­trice de Fayard en juin 2022. Notre arti­cle à l’époque :

Jadot/Saporta, politiques et journalistes bobo : tous dans le même lit ?

À en croire les pro­fes­sions de foi indignées de ses mem­bres, le Sys­tème politi­co-médi­a­tique, uni dans une même foi en un monothéisme libéral lib­er­taire, n’existerait pas, et une col­lu­sion per­ma­nente entre poli­tiques et cer­tains jour­nal­istes ne serait que fan­tasme d’une pré­ten­due extrême droite. Pour­tant, les exem­ples sont nom­breux de cette col­lu­sion, depuis l’influent ex cou­ple DSK/Anne Sin­clair jusqu’à la récente démis­sion de France Inter, radio dite de ser­vice pub­lic, de Léa Salamé, com­pagne de lit de Raphaël Glucks­mann, can­di­dat PS aux dernières élec­tions. Dernière affaire en date : le ténor de la renais­sance de l’écologie libérale lib­er­taire en France, Yan­nick Jadot, a pour com­pagne Isabelle Sapor­ta, jour­nal­iste influ­ente de RTL. Analyse de la démis­sion de cette dernière.

Le petit monde libéral libertaire

L’existence d’un mode de pen­sée com­mune faisant sys­tème a plusieurs fois été sig­nalée par des essay­istes dont l’indépendance ne peut être mise en doute, sous le voca­ble de « libéral lib­er­taire ». Une pen­sée bobo de cen­tre gauche et cen­tre droit mêlés, per­suadée de détenir le vrai sur le plan socié­tal et de con­naître l’ennemi à com­bat­tre absol­u­ment, y com­pris avec les moyens des radios publiques ou des médias sub­ven­tion­nés, par le prisme des impôts issus de la col­lec­tiv­ité, un enne­mi fan­tas­mé, appelé « extrême droite », autrement dit racisme ; car ces bobos partageant lits et petits déje­uners se veu­lent à la fois antiracistes et prêtres de la tolérance. Salamé/France Inter/Glucksmann, juges et par­ties. Saporta/RTL/Jadot, juges et par­ties ? Com­ment croire que ce qui se vit en cou­ple au quo­ti­di­en n’influence pas les pris­es de posi­tion des jour­nal­istes dans le cadre de leur travail ?

Isabelle Saporta, c’est comme ça

« C’est comme ça », c’est le nom de l’émission de Sapor­ta, ou plutôt c’était, puisqu’elle a démis­sion­né de RTL le 29 mai 2019. Pas le 27 mai, lende­main des élec­tions européennes où la liste verte con­duite par son com­pagnon est arrivée en 3e posi­tion, mais le 29. Le temps que la polémique enfle un peu et risque de pren­dre mau­vaise tour­nure. Un regard sur les thèmes des émis­sions de Sapor­ta en mai, dans la mati­nale de RTL dirigée par Yves Calvi, plutôt bien écoutée, mon­trent que les points com­muns entre les mem­bres du cou­ple ne man­quent pas de politique :

  • 28 mai 2019 : trot­tinettes élec­triques : pas seule­ment une mode de bobos
  • 23 mai 2019 : une appli­ca­tion pour lut­ter con­tre les frot­teurs du métro
  • 22 mai 2019 : quand l’industrie auto­mo­bile nous prend pour des bobios
  • 9 mai 2019 : le finance­ment de la sci­ence par Coca-Cola
  • 7 mai : la préfète d’Indre-et-Loire veut faire détru­ire 2000 bouteilles d’un vin sans pes­ti­cides (sujet repris le ven­dre­di 24 mai, deux jours avant les Européennes).

La pré­dom­i­nance des sujets écol­o­gistes et socié­taux, ressem­blant à s’y mépren­dre à ceux des idées de Yan­nick Jadot, saute aux yeux. C’est déjà le cas les mois précé­dents, pour env­i­ron 25 % des émis­sions. En ce mois de mai 2019, à l’approche de ces élec­tions, c’est une véri­ta­ble offen­sive cam­ou­flée pro liste Jadot qui est menée par Isabelle Sapor­ta. Cepen­dant, cha­cun l’aura com­pris : les médias ne jouent pas en faveur du courant pro­gres­siste libéral lib­er­taire, et surtout pas quand les jour­nal­istes sont en cou­ple avec des per­son­nal­ités politiques.

Qu’en pensent les confrères de Saporta ?

Le Parisien est plutôt triste pour Sapor­ta, le 29 mai, laque­lle fond en larmes en arrivant au ren­dez-vous. Elle subit des « vio­lences ». Le quo­ti­di­en rap­pelle incidem­ment que l’engagement éco­lo de Sapor­ta n’est pas récent, elle a déjà œuvré en ce sens sur Europe 1, RMC, France 2… C’est juste­ment un des élé­ments qui fait Sys­tème, mal­gré les déné­ga­tions : le mer­ca­to per­ma­nent des mêmes jour­nal­istes qui vont porter leur parole mil­i­tante com­mune de médias en médias durant des années, et la majeure par­tie du temps sans con­tra­dic­tion. Notons la déc­la­ra­tion de Sapor­ta dans son entre­tien au Parisien: « J’en ai eu assez de cette tartufferie qui con­siste à mas­quer au grand pub­lic ce que le petit milieu des médias con­naît ». Elle recon­naît ain­si trois choses :

  1. Jadot et elle sont l’auteur d’une tartufferie et d’un men­songe par omission.
  2. Les médias dom­i­nants sont un petit milieu qui sait des choses, d’importance, mais décide de les taire pour ne pas entraver la vic­toire des idées qu’il soutient.
  3. Elle insiste sur le fait que Jadot l’ait remer­ciée au moment de son dis­cours. Remer­ciée de quoi ? De son influ­ence médi­a­tique en sa faveur ?

20 Min­utes nous apprend sans plus s’en offus­quer que Sapor­ta a écrit et cor­rigé des dis­cours de Jadot durant la cam­pagne, tout en menant de front son activ­ité jour­nal­is­tique sur RTL. Ce qui ne l’empêche pas d’affirmer : « Pour moi il y a tou­jours eu une étanchéité totale entre ma rela­tion avec Yan­nick Jadot et mon tra­vail de jour­nal­iste ». Com­prenne qui pourra…

Le Monde insiste sur le fait que Sapor­ta a décidé de s’engager en poli­tique, ce qui sem­ble-t-il met­trait fin à tout débat.

Sur Europe 1, Aphatie mon­tre qu’il est devenu un « en même-temps-tiste » qual­i­fié : « L’autre rai­son pour laque­lle cette pho­to fait du bruit, c’est parce que la com­pagne de Yan­nick Jadot est une jour­nal­iste radio, Isabelle Sapor­ta, que beau­coup d’en­tre nous con­nais­sent. Mais beau­coup d’en­tre nous décou­vrent qu’elle vit avec un homme poli­tique, ce qui est son droit. Mais depuis la pub­li­ca­tion de cette pho­to, beau­coup d’au­di­teurs affir­ment qu’elle aurait dû le dire, ce qui ne l’au­rait pas empêché de tra­vailler, mais ce qui nous aurait ren­seignés sur elle et nous ne l’au­ri­ons peut-être pas écouté de la même façon. La polémique a enflé, et désor­mais la polémique est morte, puisqu’Is­abelle Sapor­ta a décidé d’ar­rêter sa chronique sur la radio concernée ».

On imag­ine la chronique d’Aphatie si l’on avait décou­vert après coup qu’une édi­to­ri­al­iste de France Inter, RTL ou Europe 1 est la com­pagne de Jor­dan Bardella.

La république des potes

Résumons, une grande par­tie des jour­nal­istes sont mas­sive­ment en accord avec la pen­sée poli­tique dom­i­nante, à peu de vari­antes près. Un cer­tain nom­bre d’entre eux vivent en cou­ple avec un poli­tique. Cela influ­ence néces­saire­ment leurs réac­tions par rap­port au courant poli­tique de leur com­pagnon. Par rap­port à ce dernier mais aus­si, sans aucun doute, par rap­port aux amis, invités au dernier repas (com­ment incrim­in­er le lun­di un ami avec qui l’on a partagé un excel­lent vin bio le same­di ?). Après bien d’autres, cette nou­velle affaire remet en plein jour un secret de polichinelle : il y a bien un par­ti (avec ses nuances) des médias libéraux lib­er­taires et ce par­ti est la branche com­mu­ni­ca­tion du par­ti libéral lib­er­taire au pou­voir, qu’il ait le vis­age de Macron, Jadot ou Glucks­mann. Ces vis­ages ont plus de ressem­blances que de dif­férences, et dans bien des cas des amis ou amants jour­nal­istes ou poli­tiques en com­mun. La république des potes ?

Ici s’achève notre arti­cle du 2 juin 2019. D’une élec­tion européenne à l’autre, rien de nou­veau sous le soleil finalement…

Lire aus­si : Raphaël Glucks­mann, portrait

Pho­to : Isabelle Sapor­ta (2018). Auteur : Librairie Mol­lat. Source : Wikimé­dia Com­mons. Licence : CC BY 3.0

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