« L’esprit du 11 janvier » semble avoir fait long feu et, aussitôt tus les refrains de « L’Internationale » entonnés poing levé par la rédaction de l’hebdomadaire satirique, des préoccupations beaucoup plus pragmatiques ont pris le dessus au sein des « survivants » du massacre du 7 janvier.
Ainsi le journaliste Laurent Léger a‑t-il annoncé mercredi dernier en conférence de rédaction avoir créé un collectif pour ouvrir des négociations sur une répartition égalitaire du capital. Il est vrai que la cagnotte suscitée par l’élan de solidarité avec le journal martyr s’élève à près de 30 millions d’euros…
Prudent et consciencieux, le « collectif» (où l’on retrouve notamment le très médiatique urgentiste Patrick Pelloux ainsi que le dessinateur Luz) a engagé plusieurs avocats afin d’espérer voir aboutir ses revendications. On a beau être marxiste ou anarchiste-révolutionnaire, on aurait tort de se laisser flouer d’une si belle part de gâteau. D’autant que la manne est inespérée pour un journal qui, à la veille du drame, était au bord de la faillite, ne vendant qu’un peu moins de 30 000 exemplaires par numéro.
Le titre « Charlie Hebdo » est détenu actuellement à 40% par les parents de Charb, ex-directeur de la publication, à 40% par le dessinateur Riss, et à 20% par Éric Portheault, co-gérant. Une distribution du capital aujourd’hui remise en cause par le « collectif » mené par Laurent Léger.
Une démarche qui ne fait pas l’unanimité et choque même certains membres de la rédaction, un des dessinateurs ayant notamment rédigé un courriel dans lequel il reproche aux membres du collectif de « parler de son argent » (celui de Charb), alors que « les asticots n’ont même pas fini de le bouffer », même s’il reconnaît, prudent, que « la question de l’actionnariat devra se poser ».
« Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ? »