« Léchés, lâchés, lynchés » : il ne s’agit pas des acteurs de la presse comme le titre pourrait l’indiquer, mais bien de ses victimes. Dans ce livre à épisodes, nous découvrons un mécanisme : comment des personnages qui ont connu la célébrité (« léchés ») sont mis à bas (« lâchés ») puis déchiquetés (« lynchés »).
Adulés le lundi, vilipendés le mardi, la galerie est variée : de Salengro à Roland Dumas, d’Édith Cresson à DSK, de Jérôme Cahuzac à Dominique Baudis, de Robert Ménard à Richard Millet et quelques autres. Le mécanisme est simple : le puissant est craint et protégé ; au moindre signe de faiblesse (ou de sortie de route du politiquement correct) il est lâché ; puis la meute se déchaine.
Un exemple parfait est donné avec l’analyse de « l’affaire Richard Millet ». Éditeur chez Gallimard, découvreur de deux prix Goncourt, auteur reconnu pour son style, à la tête de plus de 50 ouvrages, il publie en 2012 aux éditions Pierre-Guillaume de Roux trois ouvrages dont un très court Éloge littéraire d’Anders Breivik. Au-delà du titre provocateur, les hyènes littéraires se jettent sur un livre que la plupart de ses contempteurs se vantent de ne pas avoir lu. Des écrivains de troisième ordre comme Annie Ernaux ou Tahar Ben Jelloun vont demander sa tête… et l’obtenir. Richard Millet abandonne son bureau chez Gallimard, les manuscrits lui sont envoyés par la poste, il est frappé de mort sociale et littéraire. L’Ojim a consacré un dossier complet à cette affaire. Pierre Assouline sera l’un des rares à regretter une « amère victoire » dont il n’y a pas lieu d’être fier.
Dans un registre plus journalistique, le cas de Robert Ménard est tout aussi emblématique. Au travers d’un entretien enlevé, nous apprendrons que Ménard avait créé à 25 ans un premier journal gratuit avec une rédaction Le Petit Bitterois (Béziers dont il deviendra maire en 2014). Sur sa réputation à Reporters Sans Frontières, il se voit ouvrir les portes de RTL, d’i>Télé, de Sud Radio… qui vont se refermer bien vite lorsqu’il publie au titre de la défense de la liberté d’expression son pamphlet Vive Le Pen. Le patron de RTL se vantera dans Télérama d’avoir « repéré Ménard et de l’avoir viré ». Ménard exclu des médias créera avec succès le tout en ligne Boulevard Voltaire, démontrant que la liberté d’expression se trouve maintenant du côté d’internet, même si le CSA a de fortes envies d’y appliquer la police de la pensée. (voir notre dossier ici)
Un ouvrage tonique, bien documenté, écrit d’une plume alerte qui devrait figurer au programme de toutes les écoles de journalisme.