La rentrée puis la campagne présidentielle ont occasionné une réorganisation du paysage audiovisuel français. Les principaux mouvements auront concerné le remodelage des médias de la galaxie Bolloré et celui opéré dans le service public. Journal résolument macroniste et patronal, L’Opinion a choisi de se doter de deux vieux loups du journalisme : l’ancien directeur Libération Laurent Joffrin et celui du JDD et Paris Match.
L’Opinion donne la parole aux vétérans
Une chronique pour deux vétérans du journalisme français ! En recrutant Hervé Gattegno et Laurent Joffrin, le journal libéral-centriste L’Opinion se dote d’un duo de choc pour commenter l’actualité présidentielle. Hervé Gattegno, 57 ans, Laurent Joffrin, 69 ans, ont de l’expérience et traînent leurs bosses sur les plateaux de télévision et de radio pour dispenser leur bonne parole d’éditorialiste.
Joffrin, qui a tenté (en vain) l’aventure politique avec son mouvement social-démocrate « Engageons-nous », sert de « sparring partner de gauche » sur CNews alors que son nouvel acolyte, Hervé Gattegno, récemment parti du JDD, était à la recherche d’un nouvel os à ronger. En se tournant vers la vieille garde du journalisme français quand d’autres (comme Cnews) ont misé sur le renouvellement, L’Opinion répond aussi probablement à une demande de son lectorat, macroniste, et donc, en parti au moins, âgé. Rappelons que Joffrin est un pur produit atlantiste, ancien Young Leader de la French-American Foundation.
Une première sans saveur
Le 6 janvier, les deux compères ont fait leur baptême du feu pour cette chronique. Le titre « Ses ennemis ses emmerdes » évoquait l’actualité du moment, à savoir le fameux entretien du président Emmanuel Macron pour Le Parisien dans lequel il dit vouloir « emmerder » les non-vaccinés.
Une actualité incontournable mais traitée de manière étonnement conciliante avec le président. Venant d’Hervé Gattegno qui a eu des affinités pour Nicolas Sarkozy (Le Canard Enchainé n°5240) puis Manuel Valls rien de bien étonnant, en revanche pour le très gaucher Laurent Joffrin, réduit les dernières polémique du président (drapeau européen sous l’Arc de Triomphe et l’entretien au Parisien) a de « l’arrogance » et de la « candeur » qui s’explique aussi par le ressentiment de beaucoup de français contre « l’irresponsabilité des antivax ». Et l’ancien de Libé d’expliquer que la stratégie présidentielle tirait Marine Le Pen et Éric Zemmour et prenait à défaut socialistes et LR… Gattegno, lui, défend le président avec la fougue d’un responsable de section locale fraîchement arrivé en politique, émettant une petite réserve sur l’irresponsabilité des non-vaccinés qui perdraient leur statut de citoyen.
Voir aussi : Nicolas Beytout, portrait
Nicolas Beytout, un patron de journal très macroniste
L’intérêt pour le journal du CAC 40 est réel, les deux personnages sont rompus à l’exercice médiatique et ont suivi nombre de campagnes présidentielles. Avec des points de vue en principe « opposés », Laurent Joffrin penchant nettement plus à gauche, les deux éditorialistes, détachés de leurs obligations de directeur de journaux pourront parler assez librement et donner une analyse qui peut s’avérer intéressante.
Le directeur et fondateur de L’Opinion Nicolas Beytout parle même de « deux grands journalistes » qui apporteront des angles d’analyse « différents voire contraignants ». L’affinité avec Laurent Joffrin n’est pas toute neuve ; dans une lettre ouverte, le patron du journal avait déjà fait une déclaration d’amour à Laurent Joffrin. Un article qui manifestait un signe d’ouverture à défaut d’être prémonitoire : Beytout promettait alors à Joffrin un avenir politique - « Tu feras, à n’en pas douter, partie de ces journalistes de talent qui ont ensuite laissé une trace en politique ».
Nicolas Beytout, qui avait en revanche su déceler assez tôt le potentiel politique du président dont il décrit l’arrivée dans l’arène comme un « vent de fraîcheur » sur la vie politique française, s’est en tout cas doté d’une belle paire de « gentil flic — méchant flic ». Quand Gattegno dressera les louanges du président, Joffrin sera là pour le rappeler gentiment à l’ordre… Mais assurera tout de même qu’il faut le réélire en cas de second tour face à Marine Le Pen, Éric Zemmour ou même Valérie Pécresse. Le monde libéral libertaire et le monde libertaire libéral sont de très proches cousins…