[Rediffusions estivales 2017 – article publié initialement le 14/06/2017]
Si elle n’a pas déchaîné les passions outre-Atlantique, l’élection présidentielle française a néanmoins été couverte, sur le tard, par les médias américains. Deux candidats étaient au centre de l’actualité : Marine Le Pen, la « populiste », et Emmanuel Macron, « l’outsider », vu comme un rempart contre les extrêmes.
Mais au-delà de l’aspect politique, le traitement journalistique français a également interpellé. Correspondante de CNN en France, Melissa Bell a livré, dans un entretien à L’Obs, son ressenti sur cette élection et la couverture médiatique qui en a été faite des deux côtés de l’Atlantique. Ainsi, malgré l’intérêt tardif pour le scrutin (axé autour du candidat Macron et de son couple), la journaliste franco-britannique constate une erreur commise par les médias français : un parti-pris très marqué.
Face à la montée du populisme et à l’émergence des « fake news », il convient désormais pour la presse traditionnelle de « faire très attention ». « Les médias français ont encore à faire ce travail sur eux-mêmes », constate-t-elle. Et de poursuivre : « J’ai été choquée d’entendre des journalistes exprimer leur opinion sur des candidatures en pleine campagne. En tombant dans ce piège, on fait le jeu du populisme. »
Selon cette dernière, « c’est la première fois qu’une génération de journalistes est confrontée au populisme dans nos pays et ça nous remet en question ». Une référence à la fois au Front National, mais aussi à Donald Trump et au Brexit, qui ont été vécus comme autant de traumatismes par une large partie des médias institutionnels. Au final, l’élection d’Emmanuel Macron aura été un soulagement pour beaucoup.
À l’avenir, Melissa Bell estime qu’il faudra aux médias français se tourner vers un modèle à l’anglo-saxonne, ce qui est déjà bien amorcé, avec un journalisme basé majoritairement sur le « fact-checking ». En d’autres termes, la chasse aux fausses informations, avec un « retour aux faits ».
Néanmoins, l’étonnement de cette journaliste face au parti-pris des médias français en faveur de Macron ne cache-t-il pas un malaise par rapport à ses propres méthodes ? Car ce que Melissa Bell oublie de dire, c’est que lors de la campagne pour l’élection présidentielle américaine, la quasi-totalité des médias américains ont soutenu ouvertement Hillary Clinton, faisant preuve d’une hostilité décuplée à l’égard de Donald Trump… Et CNN n’a pas fait exception à la règle, bien au contraire. La chaîne n’a-t-elle pas été rebaptisée « Clinton News Network » par les Républicains ?